Bail commercial : qui doit gérer l'entretien des locaux ?
Par principe, la loi prévoit une répartition entre le locataire et le propriétaire
Les dépenses d’« entretien ». Les locaux utilisés dans le cadre de votre activité doivent être maintenus en bon état : cela suppose donc que, régulièrement, des travaux d’entretien et de menues réparations soient effectués. Qui doit les prendre en charge ?
Concrètement… Par principe, le locataire est tenu aux seules réparations dites locatives ou de menu entretien, c’est-à-dire celles qu’entraînent l’utilisation et l’occupation des lieux loués. Il en sera de même des travaux d’embellissement qui peuvent être mis à la charge du locataire si leur montant excède le coût du remplacement à l’identique.
Le saviez-vous ?
Il peut arriver que le bail commercial porte sur un local situé sur un terrain sur lequel se trouve des arbres. La question de l’entretien de ces arbres ne doit pas être négligée : évoquez-là dans le bail commercial.
Exemples. Sont notamment visés l’entretien des huisseries, des ouvertures, des plafonds, murs et cloisons, des revêtements de sol, des éléments de menuiseries, des installations de plomberie et d’électricité, des éventuels matériels et équipements qui sont visés par le contrat de bail, de la chaudière, etc. La loi dispose que ces réparations locatives ne sont pas à la charge du locataire lorsqu’elles ne sont dues qu’à la vétusté (la détérioration des lieux étant liée à l’écoulement du temps) ou la force majeure (qui se définit comme un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible, strictement indépendant de votre volonté, qui entraîne une dégradation des lieux loués).
Pour le reste. Les autres travaux qui excèdent les réparations locatives sont normalement à la charge du propriétaire bailleur, ce dernier étant tenu de délivrer les locaux en bon état de réparation, exempts de vices affectant le gros œuvre et leur sécurité, et conformes à l’usage auxquels ils sont destinés.
Exemple. Le plafond dans une boulangerie s’effondre. La cause de cet effondrement, selon un expert, est l’humidité dégagée par le four. Le bailleur considère alors que les travaux de réparation sont à la charge du boulanger qui loue le local. Ce que conteste le boulanger : le local est destiné à l’exploitation d’une boulangerie. Or, parce qu’il a exploité sa boulangerie dans des conditions normales, on ne peut pas lui reprocher l’humidité dégagée par son four. Pour lui, le problème, c’est le plafond lui-même, inadapté aux conditions d’exploitation de la boulangerie. Le boulanger considère donc que c’est le bailleur qui doit assumer les conséquences financières de l’effondrement du plafond. Ce que confirment l’expertise et le juge ! Parce que le bailleur n’a pas délivré un local propre à l’usage de boulangerie, c’est à lui d’assumer les frais de réparation engendrés par l’effondrement du plafond.
À noter. Un locataire a reproché à son bailleur de ne pas avoir effectué de travaux importants, lui incombant, prescrits par l’administration. Mais à tort, pour le juge, puisque le locataire avait mis 10 ans avant d’aviser le bailleur de la nécessité de réaliser ces travaux.
Le saviez-vous ?
Pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, il est prévu qu’un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances doit être établi et annexé au bail, avec indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Un récapitulatif annuel devra être établi et adressé par le bailleur au locataire ; et si, en cours de bail, de nouvelles charges, taxes ou redevances sont dues, le bailleur devra en informer le locataire.
Par ailleurs, toujours pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, lors de la conclusion du bail, puis tous les 3 ans, le bailleur doit communiquer au locataire :
- un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les 3 années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel (dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale) ;
- un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les 3 années précédentes, avec indication de leur coût (dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale).
Dans les immeubles collectifs. Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le bail doit préciser la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires. Cette répartition est fonction de la surface exploitée, de sorte que le montant des impôts, charges et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé et à sa quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation du local (il est admis que cette répartition puisse être conventionnellement pondérée, les pondérations étant portées à la connaissance des locataires).
Beaucoup de baux commerciaux dérogent à ce principe…
Une dérogation possible ? Les dispositions de la loi qui réglementent la répartition des travaux d’entretien entre le locataire et le propriétaire ne sont pas d’ordre public : concrètement, cela signifie que le bail commercial peut tout à fait déroger à cette répartition en mettant, par exemple, à la charge du locataire l’ensemble des dépenses d’entretien et de réparation, même celles qui excèdent les réparations locatives, ou celles qui sont occasionnées par la vétusté ou la force majeure.
Oui... Très souvent, les baux commerciaux prévoient de mettre à la charge du locataire l’ensemble des dépenses d’entretien et de réparation, même celles qui excèdent les réparations locatives. Par exemple, un bail pourra prévoir que sont à la charge du locataire les dépenses d’entretien et de réparation qui n’ont pas la nature de grosses réparations (il s’agira des dépenses qui ont pour objet de maintenir l’immeuble en bon état d’utilisation, les dépenses de grosses réparations correspondant aux travaux ayant trait à la structure même de l’immeuble ou encore les travaux de sécurité de l'immeuble). Un bail pourra prévoir, autre exemple, que toutes les réparations sont à la charge du preneur du bail, même celles qui ont la nature de grosses réparations. Un bail pourra également prévoir que demeurent à la charge du locataire les travaux qui sont occasionnés par la vétusté ou la force majeure (notez toutefois que les juges interprètent strictement cette clause et qu’en cas de doute, il profitera au locataire).
Le saviez-vous ?
Un acquéreur achète un fonds de commerce d’hôtellerie restauration : dans le cadre de l’acte de cession, il déclare prendre en charge les travaux de mise en conformité des locaux imposés par l’administration pour permettre une exploitation effective du fonds.
Il se retourne ensuite contre le bailleur en lui reprochant de ne pas avoir respecté son obligation de délivrance, qui l’oblige à délivrer des locaux conformes à l’usage auxquels ils sont destinés, et donc prendre en charge les travaux de mise en conformité. Malgré son engagement pris dans l’acte de cession, le juge a donné raison au locataire.
Pour éviter cette déconvenue, pour le bailleur, il aurait fallu que cette prise en charge soit expressément prévue dans le contrat de bail lui-même, l’engagement dans l’acte de cession ne suffisant pas.
Pour la petite histoire. Le juge a rappelé que la rédaction du bail ne peut pas décharger le bailleur de son obligation de maintenir le local commercial en état de servir à l’usage prévu, et d’exécuter les travaux de sécurité qu’impose la réception du public.
Dans cette affaire, le bailleur refusait de prendre à sa charge les travaux de sécurité du local au motif que le bail comprenait une clause qui limitait sa responsabilité aux seules réparations découlant de la vétusté. Or, ce n’était pas le cas des réparations dont le locataire lui réclamait la prise en charge. Mais le juge lui a donné tort…
Sauf exceptions depuis le 5 novembre 2014 ! Pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, ne peuvent pas être imputés au locataire :
- les dépenses relatives aux grosses réparations (visées à l’article 606 du Code Civil) ainsi que les honoraires liés à la réalisation des travaux : les grosses réparations sont celles qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale ;
- les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité le bien loué avec la réglementation, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations ;
- les impôts, et notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le bailleur est le redevable légal : la taxe foncière et ses taxes additionnelles et les impôts, taxes et redevances liés au local loué ou à un service bénéficiant directement au locataire peuvent lui être refacturés ;
- les honoraires liés à la gestion des loyers du local loué ;
- dans un immeuble collectif, les charges, impôts et redevances et le coût des travaux relatifs aux locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.
À lire attentivement. En matière de bail commercial, comme en toute autre matière, il est impératif de veiller à la bonne rédaction du contrat (en évitant, par exemple, de se référer à des contrats contenant des clauses types qui ne sont pas toujours nécessairement adaptées à votre cas de figure). Loin d’être contraignant, cette bonne pratique supposera notamment de faire appel à un conseil spécialisé dans cette matière qui pourra valider, sur le plan juridique, les clauses qui dérogent à la loi, au mieux des intérêts des parties.
Quelles conséquences ? Il est important d’être suffisamment précis dans la rédaction des clauses du bail prévoyant la répartition des charges de travaux et d’entretien entre le locataire et le bailleur. Un bailleur ne pourra se prévaloir de la clause mettant à la charge de son locataire les travaux qui excèdent les simples réparations locatives que si cette obligation est clairement et précisément exprimée dans le contrat de bail. En cas de difficultés d’interprétation des clauses du bail, vous n’aurez d’autres choix, à défaut d’accord, que de faire appel au juge qui aura alors pour mission d’interpréter le sens de la clause inscrite dans le bail.
En cas de dégradations… Il faut savoir que la loi pose comme principe que les dégradations faites dans les lieux loués pendant la période locative sont présumées imputables au locataire. Sauf à ce que dernier prouve son absence de faute. Ce qui veut dire qu’en de doute, les dégradations seront à la charge du locataire…
Pour la petite histoire. Il a été jugé que le bailleur d’un local commercial dont la charpente est dangereuse engage sa responsabilité à l’égard de son locataire, et ce même si les défauts relevés résultent de l’ancienneté de la structure en bois, des travaux effectués par un précédent locataire, ou encore de travaux de rénovation effectués dans d’autres lots de l’immeuble en copropriété. L’obligation de délivrance conforme qui pèse sur le bailleur ne souffre en effet d’aucune exception : il est donc responsable du mauvais état de la charpente et de sa dangerosité, quelles qu’en soient les causes, et doit régler l’indemnisation réclamée.
A retenir
En règle générale, l’obligation d’entretien et de menues réparations pèse sur le locataire. C’est, en tout état de cause, ce que prévoit la loi a minima, dans la mesure où il est en charge des réparations locatives qui auront pour objet de maintenir en bon état d’usage l’immeuble loué.
En pratique, les baux commerciaux étendent les obligations du locataire en matière d’entretien et de réparations des lieux loués. Le réflexe sera de consulter, systématiquement, le contenu du bail commercial pour vérifier l’étendue des obligations du locataire et du bailleur.
J'ai entendu dire
Le bail commercial prévoit qu’en qualité de locataire, je suis tenu de prendre en charge les dépenses d’entretien et de réparation autres que les dépenses de grosses réparations : ces travaux ainsi mis à ma charge pourront-ils être déduits pour le calcul de l’impôt sur les bénéfices ?Sur le plan fiscal, les charges courantes d’entretien et de travaux effectivement mises à la charge du locataire, par le contrat de bail, seront déductibles de ses résultats imposables, dès lors que ces dépenses sont effectivement engagées dans l’intérêt de l’exploitation.
- Article 1719 du Code civil (obligations du bailleur)
- Article 1720 du Code civil (obligations du bailleur)
- Article 1732 du Code civil (présomption d’imputabilité des dégradations au locataire)
- Article 1754 du Code civil (réparations locatives)
- Article 1755 du Code civil (réparations locatives)
- Loi no 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (articles 1 à 21)
- Décret no 2014-1317 du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial
- Arrêt de la Cour de Cassation, 3e chambre civile, du 19 juin 2013, no 12-18337 (prise en charge des travaux de conformité)
- Arrêt de la Cour de Cassation, 3e chambre civile, du 2 décembre 2014, no 13-24491 (présomption d’imputabilité des dégradations au locataire)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 1er décembre 2016, no 15-22248 (travaux prescrits par l’administration à la charge du bailleur sauf clause contraire dans le bail commercial)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 2 mars 2017, no 15-29042 (entretien chaudière)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 19 octobre 2017, no 16-14134 (boulangerie-plafond qui s’effondre)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 14 juin 2018, no 17-15426 (bailleur non avisé par son locataire pendant 10 ans de la nécessité d’effectuer des travaux prescrits par l’administration)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 20 juin 2019, no 18-14896 (entretien des arbres non envisagés dans le bail commercial)
- Arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2019, 3e Chambre civile, no 18-19136(entretien des arbres non envisagés dans le bail commercial)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 23 janvier 2020, no 28-19589(bailleur vendeur reste responsable de ses propres fautes)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 3 décembre 2020, no 19-12871 (l’obligation de délivrance conforme qui pèse sur le bailleur ne souffre d’aucune exception : il est donc responsable du mauvais état de la charpente du local et de sa dangerosité, quelles qu’en soient les causes)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 30 juin 2021, no 20-12821 (la rédaction du bail commercial ne peut mener à décharger le bailleur de son obligation de maintenir le local commercial en état d’usage, et d’exécuter les travaux de sécurité qu’impose la réception du public)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 28 septembre 2022, no 21-20879 (bail mettant à la charge du locataire la réparation d’une climatisation)