Achat/Vente d'un fonds de commerce : le point sur la clause de non-concurrence
Achat du fonds de commerce : l’intérêt de la clause de non-concurrence
Pour la petite histoire… Un vendeur cède un fonds de commerce de vente au détail de peinture, papiers peints et autres revêtements de sols et murs, d’outillages, de matériel, de fournitures générales pour peinture en gros, et une activité artisanale de fourniture de prestations de services. L’acte de vente constatant la cession du fonds de commerce comporte une clause de non-concurrence…
Que stipule la clause de non-concurrence ? Elle précise que le vendeur a l’interdiction d’exploiter ou de diriger un fonds de commerce similaire à celui cédé et de s’intéresser à l’exploitation d’un fonds de même nature, dans un rayon de 5 kilomètres à vol d’oiseau du fonds cédé pendant un délai de 5 ans, sous peine de dommages et intérêts et de fermeture du fonds.
Une clause non respectée ! Le vendeur a continué à exercer une activité consistant en divers travaux de ravalement, de peinture, de décoration, de pose de revêtements de sols, etc. Bien évidemment, l’acheteur a saisi le juge en vue d’obtenir le versement de dommages et intérêt en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de l’exercice de cette activité en violation de la clause de non-concurrence.
Le juge sanctionne le vendeur. Il a effectivement donné raison à l’acheteur : il relève que la vente a non seulement concerné l’activité commerciale de vente, mais aussi l’activité artisanale de prestation de services. La clause ne permettant pas la poursuite d’une activité concurrentielle, le vendeur est réputé, ici, ne pas respecter cette clause de non-concurrence.
Protégez-vous ! La clause de non-concurrence aura pour objectif de vous protéger dans le cadre de l’achat du fonds de commerce : vous éviterez de subir une concurrence ultérieure du vendeur pendant le temps prévu par la clause.
Soyez suffisamment précis. Si vous rencontrez un litige dans l’application de cette clause, il reviendra au juge, s’il est saisi, d’interpréter cette clause. Il est donc conseillé de lister et de spécifier le plus précisément possible les activités interdites pour prévenir toute difficulté.
Au-delà de la clause de non-concurrence, le vendeur d’un fonds de commerce est tenu à un devoir de non-rétablissement : il ne peut pas exploiter un fonds similaire et doit, en tout état de cause, s’abstenir de tout acte ou manœuvre qui aurait pour effet de détourner la clientèle du fonds vendu (il s’agit de l’application de la « garantie légale d’éviction »).
Achat du fonds de commerce : la validité de la clause de non-concurrence
Pour la petite histoire… L’exploitant d’un café, bar, restaurant, salon de thé, vente à emporter de crêpes, gaufres et friterie cède son fonds à un repreneur et ouvre, quelques jours plus tard, une salle de réception au premier étage de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds cédé. L’acheteur poursuit le vendeur en violation de la clause de non-concurrence.
Que prévoit cette clause de non-concurrence ? La clause stipule qu’il est interdit aux vendeurs d’exploiter, de diriger, directement ou indirectement, un fonds de commerce similaire en tout ou partie à celui vendu.
Le juge n’a pas donné raison à l’acheteur ! Saisi du litige, le juge rappelle que la violation de la clause de non-concurrence s’apprécie au regard de l’activité effectivement exercée. Il a relevé, ici, que le vendeur, par l’intermédiaire de sa société, louait la salle de réception du 1er étage à des particuliers ou à des entreprises qui faisaient ensuite leur affaire personnelle de la fourniture des repas et des boissons. Il a estimé que l’acheteur ne démontrait pas qu’il organisait lui-même des prestations de même nature. Par conséquent, le vendeur ne contrevient pas à l’obligation de non-concurrence.
Un objet limité. Voilà encore un exemple qui démontre, s’il en est, l’importance de la précision dans la rédaction des clauses de non-concurrence. Il n’est pas question d’interdire toute activité professionnelle au vendeur (ce qui serait contraire à la liberté d’entreprendre), mais seulement de s’assurer que ce dernier n’exercera pas une activité susceptible de concurrencer celle que vous exploitez dans le cadre du fonds nouvellement acquis. La clause de non-concurrence doit donc être limitée dans son objet, tout en étant suffisamment précise dans la délimitation des activités visées par l’interdiction.
Autre exemple. Un dirigeant a vendu son entreprise et s’est engagé, dans l’acte, vis-à-vis de l’acquéreur, pendant une durée de 5 ans, à ne pas créer, exploiter, faire valoir, directement ou indirectement, de fonds de commerce identique à celui exploité par la société vendue, ou s’intéresser à l'exploitation d'un tel fonds. Sauf que l’acquéreur a appris que le vendeur, associé avec son fils de longue date dans une autre entreprise exploitant une activité similaire, y avait réalisé un apport en compte courant après la vente. Une violation caractérisée de la clause de non-concurrence, selon l’acquéreur qui réclame au vendeur des dommages et intérêts, mais pas pour le juge : seule une participation active à l’exploitation d’un fonds semblable à celui vendu est ici interdite. Et être déjà associé, avant la vente, dans une entreprise similaire et faire un apport en compte courant ne caractérisent pas une « participation active ».
Une durée et une zone limitées. La clause de non-concurrence doit, en outre, être limitée dans le temps et dans l’espace. En fonction des activités, la limitation peut avoir pour objet une ville, un département, une zone géographique déterminée, un rayon de quelques kilomètres, etc.
Cette interdiction n’empêche pas le vendeur de répondre à la demande de clients résidant dans la zone couverte par la clause de non-concurrence à la condition qu’il soit effectivement installé en dehors de cette zone.
Une protection uniquement vis-à-vis du vendeur ? Une entreprise a vendu une partie d’un fonds de commerce de vente de cuisines à des particuliers, à un 1er acquéreur, en consentant une clause de non-concurrence. L’entreprise, mise en redressement judiciaire, cède à un 2nd acquéreur le reste de son fonds de commerce de vente de cuisines, plutôt orienté vers une cible professionnelle. Les 2 acquéreurs se retrouvent, quelque temps plus tard, sur un même salon : le 1er acquéreur assigne en référé le 2nd acquéreur pour obtenir son départ de cette foire, arguant du fait que sa présence est contraire à la clause de non-concurrence, ce qui lui cause un préjudice manifeste. Mais le juge lui a rappelé que la clause de non-concurrence ne s’impose qu’au vendeur du fonds, et non pas au 2nd acquéreur.
À noter. La clause de non-concurrence profite à l’acheteur du fonds de commerce, mais aussi aux sous-acquéreurs si l’acte de vente le prévoit expressément.
Quelle sanction ? Si le vendeur ne respecte pas la clause de non-concurrence, il s’expose au versement de dommages et intérêts. Il peut également se voir interdire, éventuellement sous astreinte, la poursuite de l’activité exercée en violation de cette clause.
Veillez à la rédaction de la clause de non-concurrence dans l’acte constatant la cession du fonds de commerce : listez les activités interdites, validez la limitation de cette clause dans le temps et dans l’espace.
Vous avez raison : il est toujours conseillé de lister les activités interdites pour prévenir toute difficulté. Une clause rédigée en termes trop vagues ou imprécis sera toujours interprétée strictement par le juge en cas de litige. Cette précision sera autant à votre avantage qu’à celui du vendeur : il ne pourra pas exercer une activité prévue par cette clause, mais vous ne pourrez pas vous en prévaloir pour une activité qui n’y figure pas…
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 3 avril 1979, n° 78-10008 (clients résidant dans la zone couverte par la clause de non-concurrence)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 16 février 2010, n° 08-21749 (fonds de commerce de vente au détail de peinture)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 20 septembre 2011, n° 10-20664 (salle de réception)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 11 mars 2014, n° 13-12507 (vente d’un fonds de commerce à 2 acquéreurs)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 8 avril 2014, n° 13-14693 (garantie légale d’éviction)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 11 janvier 2017, n° 15-20780 (exemple de violation de clause)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 12 décembre 2018, n° 17-18640 (exemple de non-violation de la clause de non-concurrence)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 9 janvier 2019, n° 17-20526 (violation de la clause de non-rétablissement)