Appliquer la déduction forfaitaire spécifique aux cotisations sociales
Appliquer la déduction forfaitaire spécifique : quelques conditions…
Remboursement des frais professionnels… Dès lors que l’un de vos collaborateurs engage des frais pour les besoins de son activité professionnelle (la dépense étant inhérente à l’emploi) et dans l’intérêt de l’entreprise, ils doivent lui être remboursés.
…soumis à cotisations sociales ? Le remboursement des frais professionnels ne s’impute pas sur la rémunération du salarié et n’est, en principe, pas soumis à cotisations sociales. Pour en être exonéré, vous devez justifier des frais réellement engagés par vos salariés ou respecter les barèmes concernés qui fixent les limites au-delà desquelles vos remboursements seront soumis à cotisations.
Cas particulier de certaines professions. Certaines professions doivent faire face à des frais professionnels bien plus importants que d’autres. Dans ce cas, l’employeur est autorisé à appliquer une déduction forfaitaire spécifique sur ses cotisations sociales. Le taux de cette déduction forfaitaire dépend de la profession exercée par le salarié. Ce sera le cas par exemple des ouvriers du bâtiment, des chauffeurs de cars, des journalistes, etc.
Sous conditions. Non seulement le salarié doit faire partie de la liste des professions fixée par la réglementation, mais il doit aussi exposer effectivement des frais professionnels à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle. A cet égard, il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a réellement engagé des frais professionnels.
Le saviez-vous ?
En pratique, les ouvriers de nettoyage sont assimilés aux ouvriers du bâtiment alors qu’ils ne sont pas prévus par la Loi. Vous pouvez donc appliquer la même déduction forfaitaire spécifique pour ces ouvriers mais c’est à la condition qu’ils soient contraints de se déplacer sur plusieurs sites pour votre compte.
A noter. L’application de cette déduction ne dépend pas de l’activité de l’entreprise mais de la profession exercée par le ou les salariés concernés. Lorsqu'un salarié exerce plusieurs professions au sein d’une même entreprise, certaines ouvrant droit à la déduction forfaitaire spécifique, la déduction forfaitaire spécifique ne s’appliquera qu’aux revenus tirés de la profession concernée.
Opter pour la déduction forfaitaire spécifique. Aucun employeur n’est obligé d’opter pour la déduction forfaitaire spécifique, il s’agit uniquement d’une faculté pour lui. Cette option est soumise à la condition qu’un accord collectif le prévoie ou que le comité social et économique (CSE) l’ait autorisé.
Consentement du salarié. A défaut d'accord collectif ou d'accord du CSE, l’employeur doit demander individuellement à chaque salarié s’il accepte que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels s’applique à ses cotisations sociales. Notez que l’employeur doit s’assurer annuellement du consentement de ses salariés.
Et en cas d’application à tort de la déduction ? Notez que lorsqu’un employeur applique, à tort, une déduction forfaitaire spécifique pour le calcul des cotisations sociales de l’un de ses salariés et que cela a une incidence négative sur les droits sociaux de ce salarié, il peut être condamné à verser des dommages et intérêt aux fins de réparer le préjudice subi par ce même salarié.
Comment obtenir l’accord du salarié ? Pour obtenir le consentement du salarié, l’employeur doit mettre en œuvre une procédure consistant à informer chaque salarié concerné sur le dispositif de la DFS et ses conséquences sur la validation de ses droits.
Précisions Vous pouvez prévoir une clause dans le contrat de travail, selon laquelle le salarié accepte que la base de calcul de ses cotisations sociales soit déterminée après application de la déduction forfaitaire spécifique. Un avenant au contrat de travail peut être rédigé en ce sens. Sinon, vous pouvez aussi adresser une lettre recommandée avec AR à chaque salarié concerné pour l’informer de ce dispositif et de ses conséquences sur la validation de ses droits (notamment en termes de retraite). Dans ce cas, votre courrier doit être accompagné d'un coupon-réponse d'accord ou de refus à retourner par le salarié. L’absence de réponse du salarié vaut acceptation. La décision du salarié prendra alors effet à compter de l’année suivante.
Quelles conséquences ? Un salarié peut refuser d’appliquer la déduction forfaitaire spécifique parce que cette méthode de calcul influera sur le montant de ses cotisations sociales, notamment en termes de retraite. Cela peut avoir pour effet de diminuer sa pension de retraite.
En cas de changement d’avis ? Vous pouvez revenir également sur votre option (en pratique, lors de l'établissement de la DSN). Mais il est également possible que les signataires de l’accord collectif décident de réformer l’accord. Dans ce cas, la modification ne prendra pas effet pour l’année en cours mais pour l’année suivante. Enfin, il est également possible pour le salarié de revenir sur l’accord qu’il a donné, avant le 31 décembre de l’année en cours. Cependant, sa décision ne pourra être prise en compte que pour l’année suivante.
Un consentement annuel ? Dans certaines situations, l’employeur devra, à compter du 1er janvier 2022, recueillir chaque année le consentement des salariés à bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, notamment :
- en l’absence de mention prévoyant l’application de la DFS dans l’accord collectif (de branche ou d’entreprise) ;
- en l’absence d’accord du CSE.
Précisions. Notez qu’en cas de contrôle, jusqu’au 31 décembre 2022, l’Urssaf procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir.
Le saviez-vous ?
Pour bénéficier de la « réduction Fillon », sachez qu’en principe, la rémunération prise en compte dans la formule de calcul du coefficient de cette réduction ne tient compte de la déduction forfaitaire spécifique que dans une certaine limite.
Un avantage plafonné. Ainsi, pour les employeurs des salariés bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, l'application du calcul relatif à la détermination du coefficient des allègements généraux (« réduction Fillon ») ne doit pas leur procurer, sur une année donnée, un gain monétaire supérieur à 130 % du gain perçu par un employeur dont le salarié ne bénéficie pas de la déduction forfaitaire spécifique à rémunération identique.
CICE. L’application de la DFS est également compatible avec le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). La base de calcul de ce crédit d’impôt sera alors la rémunération après application de la déduction. En cas de cumul des deux dispositifs, les remboursements de frais professionnels, s’ils donnent lieu à cotisations, sont réintégrés dans la base de calcul de ce crédit d’impôt.
Appliquer la déduction forfaitaire spécifique : quelques chiffres…
Appliquer la déduction forfaitaire spécifique. La déduction forfaitaire spécifique constitue un abattement. Celui-ci s’appliquera sur l’ensemble des rémunérations versées au salarié, frais professionnels inclus.
Quelles sont les sommes entendues comme rémunérations ? Pour déterminer la base de calcul des cotisations, il faut tenir compte de toutes les rémunérations versées au salarié. C’est-à-dire non seulement son salaire de base mais aussi :
- ses indemnités,
- ses primes ou gratifications,
- les sommes versées au salarié à titre de remboursement des frais professionnels.
DFS. En cas d’application d’une DFS, notez que les indemnités versées par l’employeur au salarié au titre de remboursement de frais professionnels (ou les prises en charges directes par l’employeur) doivent être réintégrées dans la base de calcul des cotisations, avant même d’appliquer la déduction.
Des exceptions. Il existe toutefois des exceptions à l’inclusion des rémunérations dans la détermination de l’assiette de cotisations :
- les remboursements de frais professionnels aux salariés relevant de certaines professions bénéficiant d'une déduction forfaitaire spécifique dont le montant est notoirement inférieur à la réalité des frais professionnels exposés par lui ;
- les rémunérations versées au titre d'avantages venant en contrepartie de contraintes professionnelles particulièrement lourdes;
- les frais de transport exposés à l’occasion des voyages de début et fin de chantier ainsi que les voyages de détente prévus par les conventions collectives du bâtiment et des travaux publics ;
- l’avantage tiré en cas de mise à disposition par l’employeur d’un véhicule de transport en commun à destination des salariés pour les conduire sur le lieu de travail.
=> Pour connaître précisément les exceptions, consultez notre annexe.
De nouvelles exceptions… provisoires... De nouvelles exceptions sont tolérées jusqu’au 31 décembre 2022 :
- prise en charge directe par l’employeur auprès d’un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi…) des frais de son salarié en situation de déplacement professionnel ;
- remboursement des dépenses d’entretien des vêtements de travail ;
- remboursement des dépenses engagées par le salarié dans le cadre de sa participation, à la demande de son employeur, à titre exceptionnel, à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise ;
- remboursement des dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’employeur à l’occasion des repas d’affaires dûment justifiés (sauf abus manifeste).
… et pérennes. Depuis le 22 octobre 2021, il est admis que les frais exposés par les salariés afin d’acheter ou d’entretenir du matériel ou des fournitures (bureautique, vêtements de travail…) pour le compte de l’entreprise, alors même que l’exercice normale de l’activité ne le prévoit pas, ne doivent pas être intégrés dans la base de calcul des cotisations sociales avant d’appliquer la DFS.
Quelles sont les cotisations concernées ? La déduction forfaitaire spécifique s’applique à la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale et à toutes les cotisations qui reposent sur la même assiette (contribution de solidarité autonomie, versement transport, contribution au Fonds national d’aide au logement, cotisations chômage – sauf pour les journalistes – et cotisations de retraite complémentaire). En revanche, le calcul de la CSG et de la CRDS est effectué sur la base du salaire brut, sans abattement.
Une déduction limitée. L’abattement maximum pratiqué dans le cadre de la déduction forfaitaire spécifique est fixé à 7 600 € par année civile et par salarié (dans le respect des taux applicables selon la profession exercée). Sachez, en outre, que l’application de l’abattement ne peut avoir pour effet de ramener la base de cotisations sociales en deçà de l’assiette minimum de cotisations (correspondant au Smic).
Concrètement... Pour déterminer la base de calcul des cotisations sociales, vous devez appliquer le taux d’abattement relatif à la profession de votre salarié (référez-vous à notre annexe pour vérifier le taux applicable). S’il excède le montant du plafond de 7 600 €, c’est alors ce plafond qui s’appliquera. Vous déduirez donc cette somme du montant des rémunérations versées. Le produit qui en résultera servira de base au calcul des cotisations sociales.
Le saviez-vous ?
Si « Rémunération totale (incluant les frais professionnels) – taux d’abattement > 7 600 € » alors, « base de calcul = rémunération totale – plafond de 7 600 € ».
Exemple. Pour un salarié percevant une rémunération annuelle de 30 000 € (salaire de base et toutes indemnités confondues) et dont la profession lui permet de bénéficier d’un abattement de 10 %, vous appliquerez le calcul suivant : 30 000 – 10 % = 3 000. Le montant de l’abattement étant inférieur au plafond de 7 600 €, c’est ce montant de 3 000 € que vous retiendrez. Vous déduirez donc 3 000 € de la rémunération totale versée (30 000 €), ce qui vous fera une base de 27 000 € pour calculer les cotisations sociales dues sur la rémunération de ce salarié.
A retenir
La déduction forfaitaire spécifique s’applique aux rémunérations versées à certains salariés en fonction de leur profession, sous réserve d’un accord préalable (accord collectif ou accord individuel de chaque salarié). Le taux de cette déduction dépend du métier exercé par le salarié. Dans tous les cas, elle est nécessairement plafonnée à 7 600 € par an et par salarié.
- Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 9
- Article L 242-1 alinéa 3 du Code de la Sécurité sociale
- Arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale (article 9)
- Arrêté du 25 juillet 2005 modifiant l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale (annexe)
- Circulaire DSS/SDFSS/5B/N°2005/376 du 4 août 2005 modifiant la circulaire DSS/SDFSS/5B/n° 2003/07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en œuvre de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale
- Circulaire DSS/SDFSS/5B/N°2005/389 du 19 août 2005 relative à la publication des quatre questions-réponses concernant la mise en œuvre de la réforme et de la réglementation des avantages en nature et des frais professionnels introduite par les arrêtés des 10 et 20 décembre 2002 modifiés et la circulaire du 7 janvier 2003 modifiée (question 57 relative au changement d’avis du salarié)
- Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), Frais professionnels, §§2215, 2260 et 2270
- Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), Frais professionnels, §§1905, 2180, 2190 et 2290
- Arrêt de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile, du 6 octobre 2016, n° 15-25435 (application de la déduction forfaitaire spécifique aux ouvriers de nettoyage affectés sur plusieurs sites par un seul et même employeur)
- Réponse ministérielle Zumkeller, Assemblée Nationale, du 3 décembre 2019, n° 18645
- Arrêté du 4 décembre 2019 relatif au bénéfice de la réduction prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale pour les employeurs entrant dans le champ de la déduction forfaitaire spécifique
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 juin 2021, n° 20-12705 (personnel navigant commercial et application à tort de la DFS : réparation du préjudice subi)