Architectes : rappels utiles sur la réception des travaux
Réception des travaux : quand et avec qui ?
Le principe. La réception des travaux est l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves. Pour que cette réception soit valable il faut respecter plusieurs conditions.
Quand ? Par principe, la réception intervient lorsque les travaux prévus au contrat ont été exécutés. Dans le cas d’une construction, on retient souvent l’achèvement de l’immeuble, ce qui suppose que les équipements indispensables à son utilisation aient été effectivement réalisés. Notez que l’achèvement de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception.
Marchés publics. Dans le cadre de marchés publics, même s’il apparaît que des travaux ne seront pas exécutés dans les temps, alors qu’ils ont été prévus et qu’ils doivent encore donner lieu à règlement, il est possible de procéder à la réception des travaux. Ces travaux non exécutés sont alors mentionnés au titre des réserves. Ils doivent être exécutés dans un délai maximum de 3 mois.
À noter. Lors de l’établissement du cahier des charges du marché public de travaux, il est possible de prévoir des règles de réception différentes. À titre d’exemple, il est possible de prévoir que la réception des travaux aura lieu avant leur achèvement total, à condition toutefois que les travaux restant à réaliser soit mineurs et qu'ils puissent être exécutés sans compromettre la bonne utilisation de l'ouvrage, objet du marché public.
Avec qui ? La réception est obligatoirement faite en présence du client et de l’entreprise qui a réalisé les travaux. Si plusieurs entreprises sont intervenues pour les travaux, il peut y avoir :
- soit une réception unique, en présence, le cas échant, du maître d’œuvre (architecte ou coordinateur de travaux) ;
- soit une réception avec chaque entreprise (là encore, elle peut se faire en présence du maître d’œuvre).
Tensions avec votre client. En cas de tensions trop importantes avec votre client en cours de chantier, il peut être opportun de mettre fin à la relation contractuelle via un protocole transactionnel. Sa rédaction va être accompagnée d’un constat des travaux déjà exécutés. Ce constat ne vaut pas en soi réception des travaux. Il est donc conseillé d’y procéder clairement et expressément, pour éviter tout litige futur.
Réception des travaux : comment ?
Au préalable. Avant de formaliser la réception des travaux, il faut s’assurer qu’ils ont été exécutés conformément à ce qui a été prévu initialement. Il est également vivement conseillé de vérifier le bon fonctionnement des équipements installés.
Comment ? Il existe 3 formes de réception :
- la réception express (matérialisée par le procès-verbal) ;
- la réception tacite ;
- la réception judiciaire.
Réception express. La réception express est le mode de réception le plus sécurisant pour l’entrepreneur comme pour le maître d’ouvrage : vous rédigez un procès-verbal en double exemplaire, daté et signé. Il est possible de prévoir dans le contrat que seule la réception express est possible.
Réception tacite. Dans cette hypothèse, il n’y a pas de procès-verbal de réception. Même tacite, il faut que cette réception soit non équivoque : elle doit caractériser une volonté non équivoque d’accepter les travaux. Il a ainsi été jugé qu’une simple prise de possession n’est pas suffisante à elle seule pour caractériser une réception tacite ; il en est de même pour le paiement du prix. En règle générale, pour caractériser en pratique une réception tacite, la prise de possession s’accompagne en pratique du paiement du prix. L’absence de désordre et de contestation sur la qualité des travaux réalisés peut aussi être un élément pris en compte pour caractériser une réception tacite. Une clause de réception tacite peut être abusive si sa rédaction empêche le maître d’ouvrage d’émettre des réserves.
Exemple. Le comportement du client mécontent peut permettre de démontrer qu’il n’y a pas de réception tacite des travaux. Ainsi, l’allégation d’un abandon de chantier et, de manière concomitante, la contestation systématique et continue de la qualité des travaux par un propriétaire ont amené les juges a considéré que ce propriétaire n’avait pas eu la volonté non-équivoque de réceptionner les travaux.
Le saviez-vous ?
Le fait qu’une entreprise succède à une autre ne suffit pas à caractériser l’existence d’une réception tacite des travaux réalisés par la première entreprise.
Réception judiciaire. En présence de désaccords, il est possible de recourir au juge pour obtenir une réception judiciaire. La demande en justice peut être faite par le maître d’ouvrage ou par l’entreprise si le client refuse injustement de valider la réception. Il faut impérativement que l’immeuble soit en état d’être reçu (le juge doit vérifier cet élément). Le juge détermine lui-même la date de réception : soit il choisit le jour du jugement, soit il prévoit une autre date antérieure (si elle est déterminable).
À noter. Dans le cadre d’une pluralité de constructeurs, si une entreprise est absente lors de la réception, le procès-verbal ne lui ait pas opposable, sauf si elle a été dûment convoquée.
Réception globale ou partielle. La réception peut être globale, c’est-à-dire qu’elle concerne l’ensemble de la construction une fois que les travaux sont finis. Elle peut également être partielle, la réception se faisant pièce par pièce, par tranches ou encore par lots (mais la réception partielle d’un lot n’est pas possible).
Le saviez-vous ?
Si vous êtes un sous-traitant sur une opération de construction immobilière, votre présence à la réception n’est pas obligatoire.
Réception des travaux : une application à multiples effets
Effets de la réception. La réception des travaux emporte 2 effets, à savoir :
- transfert de la garde de l’ouvrage de l’entrepreneur au maître d’ouvrage (ainsi, lorsque des travaux sont détruits avant la réception des travaux, c’est l’entrepreneur qui est responsable, sauf faute du maître d’ouvrage) ;
- point de départ des garanties légales (parfait achèvement, biennale, décennale).
Attention. Si la réception des travaux marque le point de départ des garanties légales, elle marque aussi le point de départ des couvertures d’assurance correspondantes. Ne pas réceptionner les travaux fait courir le risque d’un défaut d’assurance pour l’entreprise.
Sans réserves. Lorsque le client ne constate aucun désordre ni défaut de conformité, il accepte les travaux et signe le procès-verbal avec la mention « sans réserve ». Dans le cas d’une construction de maison, si des désordres apparaissent dans un délai de 8 jours à compter de la réception, le client dispose de ce délai pour les notifier à l’entreprise principale par lettre recommandée avec AR. La réception sans réserve exonère de toute responsabilité l’entreprise pour les désordres apparents. Si des désordres ou défauts sont cachés, ils relèvent alors des garanties légales.
Pour la petite histoire. Il a été rappelé à un restaurateur que la réception sans réserve de travaux couvre l’ensemble des défauts apparents de l’ouvrage. Faute de prouver que les désordres qu’il alléguait au niveau de l’armature métallique de sa terrasse l’empêchaient d’utiliser celle-ci normalement et qu’ils avaient provoqué une baisse de son activité commerciale, le restaurateur devait voir rejeter sa demande d’indemnisation formulée à l’encontre de l’artisan ayant réalisé les travaux.
Avec réserves. S’il existe des désordres ou des défauts de conformité selon le maître d’ouvrage, il faut les consigner sur le procès-verbal et il faut fixer avec le client le délai dans lequel les réparations devront être effectuées avec prévision d’une nouvelle date de réception. Les défauts apparents ne peuvent être indemnisés par la garantie de parfait achèvement que s’ils sont consignés dans le procès-verbal de réception. S’ils se révèlent dans l’année, il faut qu’ils soient notifiés. Notez que cette notification ne vaut pas demande de mise en œuvre d’une garantie légale.
Conseils. Il est vivement conseillé d’être précis au sujet des réserves, en détaillant au mieux les désordres ou défauts relevés.
Refus de réception. Si les désordres sont trop importants pour le maître d’ouvrage et que les travaux sont encore inachevés, il peut refuser la réception. Dans ce cas, soit il faut convenir d’une nouvelle date de réception pour finir les travaux, soit l’entreprise saisit le juge si elle estime que le refus de réception est abusif.
Consignation du prix. Jusqu’à ce que les travaux de réparation des désordres soient effectués, une partie du prix de construction doit être consignée auprès d’un séquestre choisi d’un commun accord (Caisse des Dépôts et des Consignations, notaire, avocat, ou tout autre professionnel disposant d’une garantie financière). Il existe 2 limites :
- dans le cas d’un contrat de construction de maison individuelle, 5 % maximum du prix de la maison peut être consigné ;
- dans les autres cas, l’entreprise peut prévoir la même limite de 5 % contractuellement : à défaut, seul le solde pourra être consigné d’un commun accord.
Pénalités de retard. En cas de livraison tardive qu’il n’est pas possible de justifier par des intempéries, une trop forte chaleur empêchant de travailler, etc., il sera dû des pénalités de retard dont le montant ne peut pas être inférieur à 1/3 000ème du prix convenu par jour de retard. Notez que pour le calcul du montant des pénalités, la date d’ouverture du chantier à prendre en compte est celle convenue au contrat et non celle du début effectif des travaux tandis que la date du terme des travaux est celle de la livraison et non celle de la levée des réserves.
Exemple. Un couple a réclamé 50 000 € de pénalité de retard à une société, considérant que la réception n’avait jamais eu lieu. Ce qu’a refusé la société, la maison ayant été, selon elle, réceptionnée tacitement. Pour preuve, explique-t-elle, le couple avait déjà payé 95 % du montant prévu au contrat et des locataires étaient déjà installés dans la maison depuis plusieurs mois. Arguments qui ont convaincu le juge qui a condamné la société à verser « seulement » 14 000 € de pénalités de retard.
À retenir
À la fin des travaux, formalisez la réception des travaux au moyen d’un procès-verbal de réception (rédigé en 2 exemplaires). Cette réception est très importante : elle constitue le point de départ du délai des garanties légales.
- Article 1792-6 du Code Civil
- Article L 271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 janvier 2005, n° 03-17431 (l’achèvement de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 24 mai 2006, n° 04-19716 (absence de réception et prescription décennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 20 octobre 2009, n° 08-15381 (présence non obligatoire du sous-traitant)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 janvier 2011, n° 09-70262 (réception contradictoire)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 6 mai 2015, n° 13-24947 (réception tacite sans réserve-clause abusive)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 3 juin 2015, n° 14-17744 (réception des travaux valide-absence de l’entrepreneur dûment convoqué)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 19 mai 2016, n° 15-17129 (changement d’entrepreneur et réception tacite)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 27 octobre 2016, n° 15-25251 (abandon de chantier et accord amiable-pas de réception tacite)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 2 février 2017, n° 14-19279 (pas de réception partielle d’un lot)
- Article L 231-2 du Code de la construction et de l’habitation (pénalités de retard)
- Article R 231-14 du Code de la construction et de l’habitation (montant des pénalités de retard)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 4 février 2016, n° 14-25701 (pénalités de retard-date du terme)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 20 avril 2017, n° 16-10486 (pénalités de retard-réception tacite)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 octobre 2017, n° 16-21238 (la date du début des travaux est celle indiquée dans le contrat)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 14 décembre 2017, n° 16-25652 (garde du chantier-responsabilité de l’entrepreneur)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 25 janvier 2018, n° 16-25520 (réception des travaux équivoque-sous la contrainte)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 29 mars 2018, n° 17-15549 (notification de réserves ne valant pas demande de mise en œuvre de la garantie légale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 30 janvier 2019, n° 18-10197 (réception tacite des travaux)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 4 avril 2019, n° 18-10412 (pas de réception tacite-comportement du client-opposition systématique)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 21 novembre 2019, n° 14-12299 (réception judiciaire de travaux de CCMI)
- Réponse Ministérielle Masson, Sénat, du 20 février 2020, n° 11141 (réception des travaux et marchés publics)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 13 février 2020, n° 18-22868 (un protocole transactionnel ne constitue pas en soi une réception des travaux)
- Arrêt du Conseil d’État, du 28 septembre 2020, n° 426290 (transfert de la garde de l’ouvrage)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 4 mars 2021, n° 19-24734 (la réception sans réserve de travaux couvre l’ensemble des défauts apparents de l’ouvrage)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 29 juin 2022, n° 21-18304