Artisans : le point sur la garantie biennale
Garantie biennale : une définition encadrée
Le principe. La garantie biennale, également appelée « garantie de bon fonctionnement », a pour objet de garantir les éléments d’équipement d’un bien immobilier durant 2 ans suite à la réception des travaux (acte par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves).
Qui est le bénéficiaire de cette garantie ? Par principe, c’est le maître d’ouvrage ou l’acheteur de l’ouvrage qui bénéficie de la garantie biennale. Mais cette garantie est aussi transmise aux ayants cause successifs du maître d'ouvrage, et notamment les acquéreurs successifs en cas de revente de l’ouvrage.
Le saviez-vous ?
Lorsque la construction a pour objet une copropriété, la garantie est actionnée par le syndicat de copropriété lorsque le désordre apparaît dans une partie commune. Le bénéficiaire est le copropriétaire lorsque le désordre atteint une partie privée de l’immeuble ou bien s’il subit un préjudice personnel du désordre se trouvant sur la partie commune.
Qui est responsable ? C’est, par principe, le constructeur qui est tenu de la garantie biennale. Mais par constructeur, il faut en réalité entendre :
- l’architecte, l’entrepreneur ou toute autre personne liée au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage (ingénieur, technicien, bureau d’études), sous réserve que la mission de ces personnes intervienne effectivement dans le cadre d’une construction d’ouvrage (et non pas seulement dans le cadre de simples études préalables) ;
- toute personne qui vend un ouvrage qu’elle a construit elle-même (la personne qu’on appelle « le castor ») ;
- tout prestataire « réputé constructeur » qui intervient à l’acte de construire, à savoir notamment le promoteur immobilier ou le constructeur de maisons individuelles.
À noter. N’est pas concerné par la garantie biennale le sous-traitant qui ne s’oblige qu’envers l’entrepreneur principal, et non envers le maître d’ouvrage.
Et le fabricant ? Le fabricant, entendu comme celui qui fournit un grossiste ou un détaillant qui lui-même fournit l’entrepreneur, est soumis à la garantie biennale, solidairement avec l’entrepreneur. On parle, dans cette hypothèse, de « fabricant de composants » ou de « fabricant d’Epers » (fabricant d’éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire).
Le saviez-vous ?
Parmi les fabricants, on trouve aussi les importateurs d’ouvrages ou de parties d’ouvrages fabriqués à l’étranger et les distributeurs qui vendent les ouvrages, parties d’ouvrages et équipements en y mentionnant leur nom comme fabricant (le fournisseur non fabricant n’est ici pas concerné).
Une responsabilité solidaire. Le fabricant est solidairement responsable des obligations qui pèsent sur les entrepreneurs qui ont posé les éléments fabriqués, sous réserve que les 3 conditions suivantes soient réunies :
- l’élément doit être fabriqué sur mesure, en vue de répondre à des exigences spécifiques, pour l’ouvrage en cause (sans qu’il soit pour autant réservé à ce seul ouvrage et exclusif de tout autre emploi) ;
- l’élément doit être mis en œuvre sans modification par l’entreprise chargée de le poser ;
- la mise en œuvre doit être conforme aux règles édictées par le fabricant.
Pendant combien de temps ? Comme son nom l’indique, la garantie biennale s’applique seulement pendant 2 ans. Elle a pour point de départ la réception des travaux. Lorsque l’action est dirigée contre une personne qui a elle-même construit le bien immobilier (le « castor »), le point de départ de cette garantie correspond à l’achèvement des travaux.
Assurance. Le maître d’ouvrage doit conclure un contrat d’assurance couvrant sa responsabilité. La durée du contrat d’assurance ne peut pas être inférieure à la durée d’engagement de responsabilité. Ainsi, pour la garantie biennale, le contrat doit être conclu pour une durée d’au moins 2 ans.
Garantie biennale : une application encadrée
Une information obligatoire. Le client qui envisage de mettre en jeu la garantie biennale doit, sans attendre, signaler tout désordre au constructeur par lettre recommandée avec avis de réception. Mais, pour qu’elle soit effectivement mise en jeu, plusieurs conditions doivent être réunies.
L’objet de la garantie. Pour pouvoir mettre en œuvre la garantie biennale, les conditions suivantes doivent être réunies, à savoir :
- le dommage doit concerner un ouvrage immobilier impliquant des travaux ;
- le dommage doit toucher un équipement dissociable (c’est-à-dire un équipement qui peut être démonté ou remplacé sans que cela n’affecte le bâti, ni le détériore) ;
- le dommage doit affecter le bon fonctionnement de l’élément d’équipement dissociable (un équipement ne fonctionne pas, un matériau inerte ne remplit pas sa fonction etc.).
En outre… Le dommage doit être certain, évolutif (il va se développer) ou futur (il va inévitablement se produire dans un avenir plus ou moins proche).
D’une manière générale. Le désordre est caractérisé lorsqu’il est nécessaire d’effectuer des travaux pour rendre son usage normal à l’élément d’équipement défectueux. Relèvent notamment de la garantie biennale, les désordres affectants :
- les portes et fenêtres ;
- l’ensemble des robinets installés ;
- les canalisations ;
- les radiateurs ;
- les gaines ;
- les revêtements de sols et de murs ;
- les revêtements de terrasse.
Le saviez-vous ?
Il a été jugé qu’une chape liquide posée sur une dalle de béton et précédée avant sa pose de la mise d’un polyane de désolidarisation constituait un élément dissociable relevant de la garantie biennale.
En revanche, il a été jugé que le carrelage et la menuiserie ne constituent pas des éléments d'équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement.
Ne sont pas concernés. Certains équipements sont exclus de la garantie biennale. Ce sera le cas notamment d’un équipement adjoint à l’existant. Ne relève ainsi pas de la garantie biennale le désordre affectant les moquettes et tissus tendus. La garantie ne s’applique pas non plus pour les revêtements d’isolation par l’extérieur.
Présomption de responsabilité. Il y a une présomption de responsabilité à l’encontre de l’entreprise principale, ce qui signifie que le maître d’ouvrage n’a pas à prouver une faute de la part de l’entreprise. Cette présomption de responsabilité ne s’applique pas en cas de force majeure.
Faute du maître d’ouvrage. Inversement, la garantie biennale ne s’applique pas si le dommage provient d’une mauvaise utilisation de l’équipement ou si le dommage n’est pas consécutif au désordre.
Un désordre caché. Le désordre doit être caché lors de la réception des travaux. Pour déterminer si le désordre était ou non caché lors de la réception, la compétence personnelle du maître d’ouvrage est prise en compte, ce dernier étant considéré comme un profane : il est, en effet, impératif qu’il puisse lui-même déceler les désordres en cause. Notez que la compétence professionnelle du maître d’ouvrage peut avoir une influence.
Le saviez-vous ?
La présence de l’architecte aux côtés du maître d’ouvrage est sans influence : le caractère apparent ou caché du désordre s’apprécie par rapport au maître d’ouvrage.
Attention. Si le désordre était apparent lors de la réception et qu’il n’y a pas eu de réserve de la part du maître d’ouvrage, la responsabilité de l’entreprise ne peut pas être engagée sur le terrain de la garantie biennale. Mais la preuve pèse tout de même sur l’entreprise.
Concrètement. Si un vice se révèle après la réception et qu’il est dénoncé par le maître d’ouvrage, c’est au constructeur qui entend s’exonérer de sa garantie de démontrer que le maître d’ouvrage en connaissait l’existence lors de la réception des travaux (la preuve du caractère apparent du désordre incombe donc au constructeur). Mais attention : des désordres visibles à la réception sont susceptibles d’être considérés comme cachés si le maître d’ouvrage n’a pas pu en apprécier le degré de gravité et qu’il n’a pas émis de réserves (l’inaccessibilité d’un parking avec une grosse voiture n’est pas un vice apparent par exemple).
Le saviez-vous ?
Pour faire appliquer la garantie, il faut que le maître d’ouvrage notifie la défaillance par lettre recommandée avec AR.
Pour information. Le remplacement de l'équipement doit se faire sans détériorer le logement.
À retenir
La garantie biennale a pour objet de résoudre les dommages affectant un élément d’équipement dissociable et dus à un désordre qui n’était pas apparent lors de la réception des travaux.
- Article 1646-1 du Code Civil
- Articles 1792 et suivants du Code Civil
- Article R 111-27 du Code de la construction et de l'habitation
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 16 décembre 1987, n° 86-15444 (désordre caché à la réception des travaux)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 10 janvier 2001, n° 99-11374 (la sous-traitance exclut le statut de fabricant)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 20 juin 2001, n° 99-19081 (syndicat-action de la garantie biennale)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 18 décembre 2002, n° 01-12418 (caractère dissociable de l’équipement)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 31 mars 2005, n° 03-14217 (travaux nécessaires pour rendre son usage normal à l’équipement)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 18 janvier 2006, n° 04-17888 (un revêtement d’isolation par l’extérieur n’est pas un élément dissociable)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 23 septembre 2009, n° 08-13470 (transmission aux ayants cause successifs)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 27 janvier 2010, n° 08-19763 (appréciation du degré de gravité du désordre)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 30 novembre 2011, n ° 09-70345 (non application de la garantie biennale – moquettes et tissus)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 29 janvier 2013, n° 12-10077 (inaccessibilité parking avec une grosse voiture)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 26 novembre 2015, n° 14-25761 (durée du contrat d’assurance en responsabilité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 26 novembre 2015, n° 14-19835 (une chape de béton posée sur un polyane de désolidarisation est un élément dissociable)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 7 juin 2018, n° 16-15803 (le carrelage et la menuiserie ne relèvent pas de la garantie biennale)