Attribuer des primes à vos salariés : ce qu’il faut savoir
Qu’est-ce qu’une prime ?
Un rappel préalable. Vous ne pouvez pas rémunérer un collaborateur à un niveau inférieur au Smic (soit 1766.92 € par mois pour l’année 2024). Pour apprécier ce seuil impératif, vous devez tenir compte, non seulement du salaire de base, mais aussi des éventuels avantages en nature, ainsi que des primes directement liées au travail.
Définition. La prime constitue un complément de rémunération qui vient s’ajouter au salaire de base de vos salariés. Elle peut être destinée à compenser une contrainte (prime différentielle pour compenser la baisse de la rémunération à la suite d'un changement d’employeur, par exemple) ou une sujétion particulière (prime de travail de nuit, par exemple), ou encore à récompenser le travail de vos salariés (prime de résultat, 13ème mois, etc.).
Exemple dans les entreprises de prévention et de sécurité. La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité accorde aux agents de sécurité cynophile une indemnité forfaitaire dont le montant varie selon un cumul de conditions (chien dressé, inscrit au livre des origines françaises et entraîné régulièrement en club canin). Cette indemnité correspond à l'amortissement et aux dépenses d'entretien, de matériel canin et de santé du chien. Il s’agit donc d’un remboursement de frais professionnels et non pas d’un complément de rémunération.
Tenir compte des primes ? Pour apprécier le montant du salaire à comparer avec le Smic, vous pouvez tenir compte des majorations et primes ayant le caractère d’un complément de salaire, par exemple :
- les primes de vacances et de fin d’année (type 13ème mois),
- les pourboires,
- les primes de production constituant un élément prévisible de rémunération,
- les primes de polyvalence compensant la formation du salarié à plusieurs postes de travail,
- les primes de performance ou de rendement individuel, etc.
Le saviez-vous ?
Les primes destinées à compenser des sujétions particulières, telles que les primes pour travail de nuit par exemple, n’ont pas à être prises en compte pour l'application du Smic au même titre que les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport.
A quelle occasion verser une prime ?
L’origine des primes. La loi n’aborde pas la question des primes. Elles auront donc une origine conventionnelle, contractuelle ou bénévole.
Les primes conventionnelles. Ces primes sont prévues par un accord collectif d’entreprise ou de branche. Notez que l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche en matière de rémunération (dans le respect néanmoins de minima conventionnels prévus par la branche professionnelle). Cela signifie que vous pouvez notamment neutraliser, par un accord d’entreprise, le paiement d’une prime prévue par votre convention collective.
Exemple. La convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées prévoit le versement d’une indemnité horaire pour travail le dimanche et les jours fériés. Retenez que l’indemnité n’a, néanmoins, pas à être doublée quand le dimanche travaillé coïncide avec un jour férié.
Les primes contractuelles. Vous pouvez prévoir, dans le contrat de travail de votre(vos) salarié(s), le versement d’une prime. Dans ce cas, veillez à préciser les modalités de calcul et de versement de la prime. Notez qu’en présence d’une prime d’objectifs, les objectifs doivent être préalablement connus par le salarié. Evitez, dans ce cas, les modes de calcul trop complexes de la partie variable de la rémunération.
Le saviez-vous ?
Un employeur a été sanctionné pour manquement grave à ses obligations parce qu’il avait mis en place un système de prime et de commissionnement particulièrement complexe qui a été jugé illisible et peu fiable.
Un cumul possible ? Lorsque le contrat de travail et la convention collective, par exemple, prévoient le versement d’une prime ayant le même objet et la même cause (prime de Noël, par exemple), ces primes ne se cumulent pas : seul l’avantage le plus favorable s’applique alors.
Les primes bénévoles. L'employeur peut librement décider de verser une prime, selon un montant ou un calcul qu’il détermine. Mais attention ! Ce système obéit à l’adage « une fois n’est pas coutume ». C’est-à-dire que le versement, à l’origine bénévole, d’une prime peut vous engager pour l’avenir si ce versement devient « un usage ».
Les primes d’usage. Ce sont des primes que l’employeur a pris l’habitude de verser selon 3 critères de constance, de généralité et de fixité. Ce qui implique qu’elle est versée indifféremment à tous les salariés (ou à tous les salariés d’une même catégorie), un certain nombre de fois (par exemple, une prime de vacances qui a été attribuée sur 3 années consécutives), selon un montant ou un calcul déterminé (fixe).
Un usage… pour toujours ? L’usage licite s’impose à l’employeur tant qu’il est applicable. Et il le sera tant qu’il n’aura pas été dénoncé ou qu’il n’aura pas été remplacé par un accord collectif ayant le même objet. Vous pouvez donc le dénoncer après avoir informé chaque salarié bénéficiaire et les représentants du personnel, en respectant un délai de prévenance suffisant. Ces conditions sont cumulatives.
=> Pour en savoir plus, consultez notre fiche : Gérer les usages dans l’entreprise
Une erreur n’est pas un usage ! Un employeur a versé, pendant 10 mois, une prime panier à ses salariés alors que les conditions de versement de cette prime n’étaient pas réunies, d’après la convention collective applicable à l’entreprise. Apprenant qu’il avait fait une mauvaise interprétation de ce texte, l’employeur a cessé de verser cette prime. Ce qu’ont contesté les salariés qui voyaient là un usage que l’employeur aurait dû dénoncer selon la procédure spécifique. Mais le juge n’a pas validé l’usage, le versement de cette prime étant occasionné par une erreur d’interprétation, l’employeur n’avait pas la volonté de créer un usage.
Toutefois, le juge a pu considérer que lorsque la prime était indument versée continuellement pendant 7 ans, elle faisait partie intégrante de la rémunération, empêchant l’employeur de se prévaloir d’une erreur pour en arrêter le versement, sans l’accord du salarié.
Une prime d’un montant fixe ≠ montant immuable. Ce n’est pas parce qu’un salarié a perçu un bonus annuel d’un même montant 3 années de suite qu’il devra toujours recevoir le même montant. C’est ce qui a été jugé dans le cas d’un salarié dont le contrat de travail prévoyait qu’à la fin de chaque année fiscale, il recevra une prime en considération de ses performances : le juge a souligné qu’il en résultait que l’employeur en fixait le montant librement (« à sa discrétion »).
Attention au critère de généralité ! Une prime versée à plusieurs salariés sans tenir compte de leur catégorie professionnelle (attachée à la catégorie de cadre, d’agent de maîtrise ou d’ouvrier) doit reposer sur des raisons objectives justifiant la différence de traitement. En revanche, une prime versée à plusieurs salariés d’une même catégorie ne répond pas nécessairement au critère de généralité.
Paiement des primes : questions pratiques
Temps partiel = prime partielle ? Par principe, les primes versées aux salariés sont proratisées en fonction du temps de travail. Cependant, un accord collectif peut prévoir que les primes ont un caractère forfaitaire pour tous les salariés, peu importe alors leur temps de travail.
Incidence des absences du salarié ? Une prime peut tenir compte de la présence effective du salarié et être réduite au prorata de la durée de ses éventuelles absences. Néanmoins, attention : il a déjà été jugé que, pour réduire une prime d’assiduité, il fallait envisager toutes les absences sinon aucune.
Exemple. Un employeur a instauré une prime d’assiduité, diminuée à raison des absences des salariés, sauf pour les absences légalement assimilées à du temps de travail effectif (congés payés, récupération des jours fériés, RTT, évènement familiaux, délégation syndicale…). Mais parce qu’il n’a pas inclus le congé maternité parmi les absences assimilées à du temps de travail effectif, l’entreprise a exclu les femmes en état de grossesse du bénéfice de la prime d’assiduité, ce qui constitue une discrimination.
En revanche. Il est possible d’exclure toutes les absences qui ne sont pas légalement assimilées à du temps de travail effectif, parmi lesquelles les congés pour événements familiaux conventionnels, les absences pour maladie non-professionnelle, etc. Encore faut-il, dans ce cas, que toutes les absences entraînent les mêmes conséquences sur l’attribution de la prime. Le fait d’accorder une prime aux salariés absents pour une maladie non-professionnelle, mais d’exclure les salariés grévistes, serait, par exemple, discriminatoire.
Incidence d’un départ du salarié ? Lorsqu’une prime annuelle constitue un élément de rémunération, elle doit être versée au prorata du temps de présence du salarié. Tel est le cas, par exemple de la prime d’objectifs individuels, versée en contrepartie de l’activité du salarié. En revanche, une prime vacances qui n’est pas la contrepartie du travail du salarié n’a pas à être proratisée si le salarié a quitté l’entreprise avant son versement (sauf stipulations contraires).
Exemple. Si un salarié est licencié pour faute grave avant le versement de la prime de 13ème mois devant intervenir en cours de préavis (inexistant en cas de faute grave), il ne peut pas y prétendre. Cependant, si son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la prime lui est due, même s’il n’a pas effectivement exécuté le préavis.
Autre exemple. Le salarié, ayant quitté la société en cours d'année, ne peut pas, faute d'usage ou de stipulation contractuelle plus favorable, prétendre à un versement au prorata temporis lorsque :
- son contrat de travail subordonne le versement de la prime annuelle d'objectifs à la condition qu'au 31 décembre de l'année (date fixée en accord avec le salarié et l’employeur), le salarié ait atteint les objectifs fixés ;
- le droit à perception de la prime n'était définitivement acquis qu'à la fin de l'année.
Toutefois. Une prime d'objectifs prévue par le contrat de travail qui constitue la partie variable de la rémunération du salarié en contrepartie de son activité s’acquiert au fur et à mesure, peu importe que le versement de cette prime soit conditionné à la présence effective du salarié en fin de période. Par ailleurs, lorsque la rémunération porte sur une période qui a été intégralement travaillée, le droit à rémunération est acquis au salarié. Il ne peut donc pas être soumis à une condition de présence à la date (postérieure à l’échéance de cette période travaillée) de son versement.
Prise d’acte du salarié protégé. Lorsque la prise d’acte d’un salarié protégé est justifiée, elle produit les effets d’un licenciement nul. Dans ce cas, le salarié a droit à une indemnité correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue, si son contrat n’avait pas été rompu, jusqu’à la fin de sa période de protection, dans la limite de 2 ans. Cette indemnité comprend donc le montant des primes généralement versées sur cette période.
A retenir
Vous pouvez décider d’attribuer des primes à vos salariés mais cela peut aussi vous être imposé par un accord collectif. Notez que cela peut être un bon levier de motivation de vos salariés. Mais attention ! Le versement régulier d’une même prime peut parfois générer un usage.
- Articles L3231-1 à L3231-11 du Code du travail (Smic)
- Articles D3231-6 du Code du travail (détermination du Smic)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 juin 1971, n° 70-40370 (critères de fixité, généralité et constance de l’usage-versement d’une prime annuelle sur 3 années)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 juillet 1987, n° 84-43201 (prime d’usage)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 mars 1988, n° 84-14494 (exclusion des majorations pour travail de nuit, le dimanche et les jours fériés pour le respect du Smic)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 juin 2002, n° 00-41140 (éléments de salaire à retenir pour s’assurer du respect du minimum conventionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 27 novembre 2017, n° 12-20246 (non-cumul de primes ayant le même objet et la même cause)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 mars 2015, n° 13-26373 (calcul complexe rémunération variable)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 juin 2017, n° 16-17094 (une erreur d’interprétation de la convention collective ne crée pas un usage)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 septembre 2017, n° 15-28932(versement de la prime de vacances au salarié protégé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 décembre 2017, n° 16-14987 (non-cumul d’indemnités pour travail un dimanche coïncidant avec un jour férié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 mars 2018, n° 17-11331 (versement d’une prime d’objectifs et départ en cours d’année)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 avril 2018, n° 17-11206 (prime de 13ème mois et licenciement sans cause réelle et sérieuse)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 avril 2018, n° 16-50017 (prime conventionnelle et prime contractuelle n’ayant pas la même cause)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 avril 2018, n° 15-23756 (illustration versement d’une prime obligatoire et départ en cours d’année)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 mai 2018, n° 16-20640 (prime d’un même montant sur 3 ans qui ne constitue pas un usage)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 juin 2018, n° 17-14658 (prime de chien des entreprises de sécurité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 26 septembre 2018, n° 17-18011 (exclusion des congés pour événements familiaux conventionnels)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 7 novembre 2018, n° 17-15833 (prime et salarié gréviste)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 janvier 2019, n° 17-12542 (absence de versement de la prime d’objectif annuelle en cas de départ en cours d’année)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 juin 2020, n° 18-20506 (appréciation du critère de généralité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 juin 2020, n° 18-25451 (appréciation du critère de généralité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 18-21945 (exemple d’une condition abusive de présence effective)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 septembre 2020, n° 19-13471 (exemple d’une condition abusive de présence effective)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 mars 2021, n° 19-17981 (exemple d’une prime discrétionnaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 avril 2021, n° 19-20925 (preuve prime d’usage)
- Arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 9 septembre 2021, n° 19/02239 (NP) (une prime d’entrée ne peut être proratisée au temps de présence postérieur du salarié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 juin 2023, n° 21-21572 (la suppression d’un bonus suppose la volontaire claire et non équivoque du salarié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 juillet 2023, n° 21-16694 (prime versé annuellement et indemnités de rupture)
- Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, du 13 décembre 2023, no 21-25501 (prime versée par erreur continuellement pendant 7 ans fait partie de la rémunération)