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Bail commercial : qui paie les gros travaux de réparation ?

Date de mise à jour : 27/04/2021 Date de vérification le : 26/07/2023 16 minutes

Vous constatez sur votre local une fissure importante au niveau d’un mur de soutien. Vous contactez votre propriétaire pour qu’il vienne vérifier le problème et envisagez de faire les réparations nécessaires. Il vous répond que cette réparation vous incombe. A-t-il raison ? Est-ce effectivement à vous, en qualité de locataire, de supporter cette dépense ? Comment gérer les gros travaux de réparation dans le cadre d’un bail commercial ?

Rédigé par l'équipe WebLex. En collaboration avec Yann Castel, Avocat associé au Barreau de Nantes, Cabinet AVOLENS
Bail commercial : qui paie les gros travaux de réparation ?

Par principe, le bailleur doit gérer les grosses réparations

Qu’est-ce que les « grosses réparations » ? Vous ne trouverez pas de définition légale de la notion de « grosses réparations ». Les baux commerciaux font souvent référence à « l’article 606 du Code Civil » pour répartir la charge des travaux entre le locataire et le bailleur.

Concrètement... On trouve dans cette catégorie les réparations relatives aux gros murs, aux voûtes, au rétablissement des poutres et des couvertures, aux clôtures. Mais il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive puisque le juge a eu l’occasion de préciser que les grosses réparations sont celles qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

Elles incombent au propriétaire. Par principe, pendant la durée du bail, le bailleur est tenu de faire toutes les réparations, autres que celles qui concernent les réparations locatives, normalement dévolues au locataire. Il est ainsi tenu d’effectuer les réparations nécessaires en vue de permettre un usage conforme du bien loué, et ce même si le locataire est réputé prendre le bien dans l’état dans lequel il se trouve. À titre d’exemple, seront prises en charge par le propriétaire :

  • la reprise des fondations de l’immeuble,
  • la réfection de la toiture d’un bâtiment,
  • la réfection d’un plafond effondré partiellement,
  • la réfection d’une installation électrique ou d’une installation de plomberie,
  • la réfection d’un système de climatisation, etc.

Attention à l’appréciation du juge. Notez que le juge reste seul décisionnaire de la nature des réparations effectuées. À titre d’exemple, il a déjà été jugé que le remplacement d’une canalisation d’eau relevait des réparations locatives, alors même que la réparation d’une canalisation détruite par le gel en raison d’un manque de calorifugeage relevait de grosses réparations.

Pour la petite histoire. Le bailleur d’un local commercial reste tenu de prendre en charge les réparations locatives dues à la vétusté, si aucune clause du bail ne met celles-ci à la charge du locataire.

Le saviez-vous ?

Pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, lors de la conclusion du bail, puis tous les 3 ans, le bailleur doit communiquer au locataire :

  • un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les 3 années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel (dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale) ;
  • un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les 3 années précédentes, avec indication de leur coût (dans le délai de 2 mois à compter de chaque échéance triennale).

Si vous les faites à sa place… Une société, locataire d’un local commercial, constatant des fissures mettant en péril la solidité de l’immeuble qu’elle loue, prend en charge les travaux et en demande le remboursement au propriétaire. Mais elle n’obtiendra pas ce remboursement : le juge confirme la position du bailleur, en précisant que ce dernier ne doit rembourser au preneur les travaux dont il est tenu que s’il a été préalablement mis en demeure de les réaliser et, qu’à défaut d’accord, le locataire a obtenu une autorisation judiciaire de se substituer à lui. Autrement dit, en présence de gros travaux incombant au propriétaire, mettez-le systématiquement en demeure de les faire réaliser et, s’il refuse, saisissez le juge pour obtenir une autorisation judiciaire. À défaut, vous pourriez vous voir refuser le remboursement du coût des travaux engagés.

Le saviez-vous ?

Ce n’est que si les travaux sont urgents que vous pouvez, éventuellement, faire réaliser les travaux incombant au bailleur, et en obtenir le remboursement sans mise en demeure préalable et/ou autorisation judiciaire. Assurez-vous toutefois d’être en mesure de prouver cette urgence, au moyen, par exemple de rapports d’expertise.


Le bailleur peut-il mettre les gros travaux à la charge du locataire ?

Une distinction s’impose ! La réglementation a évolué sur ce point, puisque pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, il est expressément prévu que certaines charges de travaux ne peuvent pas être imputées au locataire.

Désormais. Il est en effet désormais expressément prévu que ne peuvent pas être imputés au locataire :

  • les dépenses relatives aux grosses réparations (visées à l’article 606 du Code Civil) ainsi que les honoraires liés à la réalisation des travaux : les grosses réparations sont celles qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale (ravalement, murs de soutènement, murs de clôture, toiture, charpente, etc.) ;
  • les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité le bien loué avec la réglementation, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations.

Le saviez-vous ?

Pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, il est prévu qu’un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances doit être établi et annexé au bail, avec indication de la répartition entre le bailleur et le locataire. Un récapitulatif annuel devra être établi et adressé par le bailleur au locataire ; et si, en cours de bail, de nouvelles charges, taxes ou redevances sont dues, le bailleur devra en informer le locataire.

Et avant ? Pour les baux conclus ou renouvelés avant le 5 novembre 2014, il était tout à fait possible de déroger aux règles fixées par la Loi dans la répartition du coût des grosses réparations entre le locataire et le propriétaire. Voilà pourquoi il n’est pas rare de trouver dans un contrat de bail une clause qui met à la charge du locataire les grosses réparations. Il est, à cet égard, important d’être suffisamment précis dans la rédaction des clauses du bail prévoyant la répartition des charges de travaux entre le locataire et le bailleur, ceci afin d’éviter toute difficulté d’interprétation, source de litige.

Exemple de clause imprécise. Un bailleur a demandé à son locataire d’assumer les travaux de ravalement réclamés par la Mairie, comme le bail commercial le prévoyait. À tort, selon le juge : le bail ne prévoyant pas que les travaux réclamés par la Mairie soient à la charge du locataire, celui-ci n’a pas à les assumer. Même si ces travaux concernent un ravalement de façade…

Attention. Les baux commerciaux se réfèrent très souvent à l’article 606 du Code Civil pour répartir la charge des travaux entre le locataire et le bailleur. C’est ainsi qu’un contrat de bail commercial prévoyait, par exemple, que « le preneur fera son affaire de l'entretien, de la remise en état de toutes réparations de quelque nature qu'elles soient, de même de tous remplacements qui deviendraient nécessaires en ce compris les grosses réparations définies à l'article 606 du Code Civil ». Saisi d’un litige à propos de la prise en charge par le locataire, à la demande du bailleur, de travaux de ravalement, de réparations de toiture et de remplacement de chaudière, le juge a pourtant estimé que ces travaux devaient être à la charge du bailleur. Pourquoi ? Parce que le contrat de bail ne mettait pas expressément à la charge du locataire ces travaux. La référence à l’article 606 du Code Civil, sans autre précision, est dès lors insuffisante.

Soyez le plus précis possible ! Tant le locataire que le propriétaire doivent être précis dans le contenu des travaux qui sont mis ou restent à la charge de l’un ou de l’autre. La jurisprudence aura tendance à considérer que le locataire ne devra payer que les réparations et travaux effectivement listés dans le contrat de bail commercial.

Une autorisation. Notez, en outre, que le bail peut également prévoir une autorisation préalable du propriétaire avant de réaliser tous travaux de réparations ou d’améliorations. Si une intervention de ce type s’avère nécessaire, consultez le contrat de bail, avant de procéder aux travaux concernés.

À noter. Un locataire a reproché à son bailleur de ne pas avoir effectué de travaux importants, lui incombant, prescrits par l’administration. Mais à tort, pour le juge, puisque le locataire avait mis 10 ans avant d’aviser le bailleur de la nécessité de réaliser ces travaux.

À retenir

Par principe, les dépenses de grosses réparations et les honoraires liés à ces travaux sont à la charge du bailleur, qui ne peut plus les imputer au locataire pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

Dans le cadre de la répartition des travaux, il faut veiller à ce que le contrat de bail soit le plus précis possible, pour éviter tout litige et difficultés d’interprétation. Par principe, le locataire ne doit prendre en charge que les travaux qui peuvent lui être imputés et effectivement listés dans le contrat de bail.

 

J'ai entendu dire

Des travaux de réparation importants ont été réalisés dans le local que je loue dans le cadre de mon activité, travaux qui ont été mis à ma charge. Ils ont conduit à améliorer sensiblement le local : ne peut-on obtenir une indemnisation par le bailleur qui voit, dans ce cas de figure, son local mis en valeur ?

Cette question est, en règle générale, réglée par le contrat lui-même qui prévoit le sort des améliorations apportées au local : il vous faut donc consulter votre contrat pour vérifier si les améliorations qui deviennent la propriété du bailleur le sont sans indemnité ou avec une prise en charge de ce dernier. Si le contrat est muet sur ce point, il faut distinguer les améliorations qui s'incorporent au bâtiment (leur enlèvement nécessiterait des travaux de remise en l'état primitif) qui reste la propriété du bailleur, des améliorations qui peuvent en être détachées sans modifier la structure de l'immeuble, que le locataire pourra récupérer.
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