Clauses abusives : les reconnaître, les éviter
Clauses abusives : une protection pour qui, pour quoi ?
Posez-vous 2 questions ! Pour anticiper efficacement la rédaction de vos contrats, il est nécessaire de répondre d’abord à 2 questions : qui est protégé par la réglementation des clauses abusives et qu’est-ce qu’une clause abusive ?
Qui est protégé ? La réglementation des clauses abusives vise à protéger 2 types de personnes ayant conclue un contrat avec un professionnel :
- les consommateurs : il s’agit de « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » ;
- les non-professionnels : il s’agit de « toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Que faut-il entendre par « clause abusive » ? Les clauses abusives sont celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Un champ d’application large ! D’ordre public (il n’est pas possible d’y déroger), la réglementation sur les clauses abusives s'applique quels que soient la nature du contrat (vente, location, crédit, etc.), les produits concernés (meubles, immeubles ou prestations de services), la forme et le support du contrat.
Exemples. Sont ainsi concernés, par exemple, les bons de commande, les factures, les bons de garantie, les bordereaux ou bons de livraisons, les billets, les tickets, etc., qui font référence à des conditions générales préétablies.
Le saviez-vous ?
La notion de clause abusive n’est pas propre au « droit de la consommation » :
- la Loi pose, en effet, le principe général selon lequel, dans les contrats d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ;
- dans les contrats conclus entre professionnels, la Loi condamne la pratique commerciale visant à soumettre ou tenter de soumettre son cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Clauses abusives : comment les éviter ?
Bien rédiger un contrat, cela s’anticipe ! Pour éviter d’insérer une clause abusive dans vos contrats, vous avez quelques outils à votre disposition.
1er outil : la Loi. Avant de rédiger vos clauses, la première chose à faire est de prendre connaissance des clauses dites « noires » et « grises ». Il s’agit de 2 types de clauses listées par la Loi :
- les clauses abusives « noires », quoi qu’il arrive, sont abusives ;
- les clauses abusives « grises », par principe, sont abusives, mais peuvent ne pas l’être si vous démontrez qu’elles ne le sont pas.
12 clauses « noires ». Les clauses « noires » sont celles qui ont pour objet ou pour effet de :
- constater l'adhésion du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ;
- restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ;
- réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ;
- accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ;
- contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ;
- supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;
- interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ;
- reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur ;
- permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque celui-ci résilie lui-même discrétionnairement le contrat ;
- soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel ;
- subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d'une indemnité au profit du professionnel ;
- imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat.
10 clauses « grises ». Les clauses « grises » sont celles qui ont pour objet ou pour effet de :
- prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
- autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes, si c'est le professionnel qui renonce ;
- imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;
- reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ;
- permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ;
- réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues listées dans les clauses abusives « noires » (voir ci-dessus) ;
- stipuler une date indicative d'exécution du contrat, hors les cas où la loi l'autorise ;
- soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel ;
- limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ;
- supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
2ème outil : la Commission des clauses abusives. Une clause qui ne correspond pas aux situations visées dans les listes des clauses « noires » ou « grises » peut tout de même être jugée abusive. C’est pourquoi, outre ces 2 listes, il peut être opportun de consulter le site web de la Commission des clauses abusives (www.clauses-abusives.fr) qui émet des recommandations.
Bon à savoir. Même si ces recommandations ne s’imposent pas à vous, il est préconisé de les suivre. A titre d’exemple, sachez que des recommandations ont été émises pour les contrats de location non saisonnière de logements meublés et pour les contrats de déménagement et de stockage de meubles.
Le saviez-vous ?
La Commission des clauses abusives peut également jouer un rôle si le litige est porté devant le juge : celui-ci peut, en effet, lui demander son avis. La Commission des clauses abusives a alors 3 mois pour lui répondre, le juge n’étant pas tenu de suivre l’avis reçu.
3ème outil : votre conseil juridique ! La rédaction des clauses contractuelles n’est pas une tâche aisée. C’est pourquoi il est bien sûr recommandé de faire appel à votre conseil juridique qui pourra vous apporter une aide précieuse.
Exemple 1. Il a été jugé qu’une clause imposant le paiement intégral des honoraires d’un architecte, même en cas d’abandon du projet de construction de sa part, pour quelque raison que ce soit, était abusive.
Exemple 2. Il a été jugé qu’une clause a pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du client en cas de manquement du déménageur à ses obligations est abusive, même si le montant plafond a été proposé par le client.
Clauses abusives : quand une clause est contestée
Une vérification. Vérifiez tout d’abord que la clause contestée par un client ne fait pas partie des clauses « noires », « grises » ou de celles visées par la Commission des clauses abusives.
Apprécier le caractère abusif. Si la vérification ne donne rien, il faut alors faire un travail d’appréciation du caractère abusif ou non de la clause (on parle de « test du déséquilibre significatif »). Contactez alors votre conseil juridique qui pourra alors vous apporter une aide précieuse en la matière.
Effectuer le test du déséquilibre significatif ! Pour effectuer le test, il faut vous placer à la date de la conclusion du contrat et prendre en compte, dans le cadre de votre appréciation, toutes les circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci, ainsi que toutes ses autres clauses. L'appréciation du caractère abusif d’une clause s’effectue également au regard des clauses contenues dans un autre contrat lorsque les 2 contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.
Pour la petite histoire. Il a été jugé qu’une clause qui octroie à la banque la possibilité de prononcer la déchéance du terme d’un contrat de prêt n’est pas abusive dès lors qu’elle restreint cette possibilité au seul cas dans lequel les emprunteurs ont fait preuve de mauvaise foi lors de la souscription du prêt. Dans cette affaire, la banque fonde sa demande sur une clause du contrat, qui lui octroie la possibilité de prononcer la déchéance du terme si elle prouve qu’au moment de la souscription du prêt, le couple lui a fourni des renseignements inexacts sur sa situation. Ce qui s’avère être le cas : le couple a en effet produit de faux relevés de compte à l’appui de sa demande de financement. Le couple estime, lui, que cette clause est abusive, dès lors qu’elle permet à la banque de résilier le contrat de prêt sans préavis, et ce malgré le fait qu’il n’ait jamais failli à son obligation de remboursement du prêt. Une position que ne partage pas le juge, qui rappelle que la possibilité de résiliation anticipée offerte à la banque est limitée au seul cas dans lequel les emprunteurs ont fourni des renseignements inexacts sur des éléments déterminants de son consentement. De plus, la présence de cette clause ne prive pas le couple de pouvoir contester son application en justice. Elle est donc parfaitement valable.
Pour la petite histoire bis. Un camping loue un emplacement de mobil-home à un couple pour une durée d’1 an (année civile). En fin d’année, il prévient les locataires qu’ils ne pourront pas renouveler cette location à cause de la réalisation de travaux prévue l’année suivante. Ces derniers contestent car ils estiment que la clause du contrat ayant permis au camping d’y mettre fin est abusive. Celle-ci permet, selon eux, au professionnel de le rompre seul au bout d’une période d’1 an qu’il juge trop courte. Et ce, sans avoir besoin de les prévenir à l’avance. Une recommandation existe concernant les contrats d’hôtellerie de plein air. Elle conseil de supprimer toute disposition permettant au professionnel de rompre le contrat unilatéralement sans avoir à fournir de motif. Toutefois, le juge considère ici, que le contrat étant simplement arrivé à échéance, il n’y a pas de rupture unilatérale de la part du camping. Il ajoute qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée d’1 an parfaitement licite et non d’un contrat d’abonnement à échéance successive. La clause ne peut donc pas être considérée comme étant abusive et la décision du camping est validée.
Le saviez-vous ?
L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert. Toutefois, il faut pour cela que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Vous avez juste reproduit des dispositions légales ? Les clauses reprenant des dispositions légales d’ordre public ne sont pas abusives, même si elles créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ou du non-professionnel, dès lors qu’elles respectent la portée et le champ d’application des dispositions légales.
Clauses abusives : quelles conséquences ?
Votre client a raison... Suite à vos vérifications, il apparaît que la clause contestée par un client est manifestement abusive. Voici les conséquences que cela va avoir…
Sanction civile. Les clauses abusives sont réputées non écrites et ne sont donc pas opposables au client, et ce de manière rétroactive. Le juge ne peut pas réviser la clause. Le contrat n’en demeure pas moins applicable, sauf s’il ne peut pas survivre à la suppression de la clause litigieuse.
Sanction administrative. Vous pouvez être condamné au paiement d’une amende administrative d’un montant maximum de 3 000 € (personne physique) ou 15 000 € (pour une société).
A retenir
La réglementation des clauses abusives protège les clients qui ont la qualité de « consommateur » ou « non-professionnel ». Pour éviter d’insérer une clause abusive, retenez qu’il existe une liste de clauses abusives dites « noires » et « grises » et consultez régulièrement le site Web de la Commission des clauses abusives. En outre, n’hésitez pas à prendre l’attache de votre conseil juridique.
- Articles L 212-1 et suivants du Code de la consommation
- Articles L 241-1 et suivants du Code de la consommation
- Articles R 212-1 et suivants du Code de la consommation
- Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 7 novembre 2019, n° 18-23259 (architecte et clause abusive)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 11 décembre 2019, n° 18-21164 (déménageur et clause abusive)
- www.clauses-abusives.fr
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 20 janvier 2021, n° 18-24297 (NP) (une clause qui octroie à la banque la possibilité de prononcer la déchéance du terme d’un contrat de prêt n’est pas abusive dès lors qu’elle restreint cette possibilité au seul cas dans lequel les emprunteurs ont fait preuve de mauvaise foi lors de la souscription du prêt)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, n° 19-13725, du 23 septembre 2020 (clause abusive et rupture d’un contrat de location d’un emplacement de camping)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 19 janvier 2022, n° 21-11095 (clause abusive imposant à un consommateur un règlement amiable du litige avant la saisine du juge)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 31 août 2022, no 21-11097 (notion de professionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 25 mai 2023, no 21-20643 (si le contrat a un rapport direct avec l'activité professionnelle du maître de l'ouvrage, celui-ci ne peut pas être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec l’architecte, peu important ses compétences techniques en construction : la législation sur les clauses abusives n’est pas applicable)