Congé individuel de formation : pour qui, pour quoi, comment ? (Avant le 1er janvier 2019)
Le CIF : 1 objectif, plusieurs conditions
Une formation individuelle… Le CIF permet au salarié de suivre, à son initiative et à titre strictement individuel, une formation professionnelle, indépendamment des actions formations inscrites sur le plan de formation de l’entreprise.
… pendant le temps de travail. Le CIF peut être effectué, en tout ou partie, pendant le temps de travail. C’est pour cela que, pendant toute la durée du CIF, le salarié doit bénéficier d’une absence autorisée par l’employeur.
Des objectifs variables. Le CIF permet au salarié de bénéficier d’actions de formation dont les objectifs sont variables, en fonction de son projet individuel : accéder à un niveau de qualification supérieur, donner une nouvelle orientation à sa carrière afin d’évoluer dans son métier ou encore réaliser une réorientation professionnelle, enrichir ses connaissances dans le domaine culturel et social, se préparer à l'exercice de responsabilités associatives bénévoles, préparer un examen pour l'obtention d'un diplôme à finalité professionnelle enregistré dans le répertoire national des certifications professionnelles, etc.
Des conditions précises… Quels que soient la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, le salarié en CDI peut demander un CIF s’il répond à une condition d’ancienneté minimale de 24 mois d’activité (36 mois dans les entreprises artisanales de moins de 10 salariés), consécutifs ou non, dont 12 mois dans l’entreprise.
Lorsque le salarié est en CDD, il doit justifier d’une activité d’au moins 24 mois (consécutifs ou non) au cours des 5 dernières années, dont 4 mois (consécutifs ou non) sous CDD au cours des 12 derniers mois.
Le saviez-vous ?
Lorsqu’un salarié a déjà bénéficié d’un CIF, il est soumis à un délai de franchise, pendant lequel il ne peut pas prétendre à un nouveau congé de formation. La durée de ce délai est égale au 12ème du nombre d’heures de formations suivies dans le cadre du précédent CIF (ce délai ne doit pas tenir compte des absences liées à la réalisation d’un congé pour bilan de compétences, d’un congé pour validation des acquis de l’expérience ou d’un congé examen).
Le CIF : 1 demande impérative !
Une demande écrite… Pour pouvoir s’absenter, le salarié doit vous adresser une demande écrite par lettre recommandée avec AR ou lettre remise en mains propres contre signature, en respectant un délai précis.
… à faire en temps utile ! Cette demande doit vous parvenir :
- au moins 60 jours avant le début de l’absence, si l’interruption de travail dure moins de 6 mois ou est à temps partiel ;
- au moins 120 jours avant le début de l’absence, lorsque l’interruption de travail correspond à une interruption continue de travail de 6 mois ou plus.
A noter. Cette demande d’autorisation d’absence du salarié doit impérativement mentionner la date et la durée de la formation envisagée par le salarié, son intitulé, ainsi que l’organisme de formation dispensant la formation.
Une réponse de votre part ! Vous devez impérativement répondre au salarié dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception de la demande d’autorisation d’absence. Attention : l’absence de réponse de votre part dans ce délai vaut acceptation du congé.
Pouvez-vous refuser un CIF ? Le refus est possible, bien qu’il soit strictement encadré : il n’est possible que lorsque la demande du salarié ne répond pas à ces conditions de délais et de forme. Dans ce cas, la demande est irrecevable. Vous devez répondre au salarié par écrit, en respectant le délai de 30 jours et en motivant votre réponse.
Attention ! Le refus définitif et non justifié d'un congé de formation de la part de l'employeur constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié.
Conseil. Lorsque vous répondez au salarié, vous devez uniquement mentionner que vous vous trouvez dans l’impossibilité d’instruire le dossier en raison du non-respect des conditions de forme définies par la réglementation, vous empêchant de vérifier si le salarié peut bénéficier du CIF. Le refus pur et simple fondé sur le non-respect des conditions de forme peut être contesté par le salarié.
Pouvez-vous le reporter ? Lorsque les conditions sont réunies, le CIF est de droit. Vous pouvez demander au salarié de reporter son absence pour des raisons de service, ou encore en raison de l’absence simultanée de plusieurs salariés.
Un report pour « raisons de service » ? Vous pouvez reporter le congé lorsque l’absence du salarié peut avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise. Le report ne peut pas excéder 9 mois et ne peut être notifié au salarié qu’après avoir recueilli l’avis du CE ou, à défaut, des délégués du personnel (en cas de litige, le recours à l'inspection du travail est possible).
Un report pour « absences simultanées » ? Il faut ici distinguer selon la taille de l’entreprise :
- dans les entreprises de moins de 11 salariés, vous pouvez différer le départ du salarié lorsqu'un autre salarié bénéficie déjà d'un tel congé ;
- dans les établissements de moins de 200 salariés (y compris dans celles de moins de 11 salariés), le congé peut être reporté si le nombre d'heures de congé demandées dépasse 2 % du nombre total des heures de travail effectuées dans l'année ; toutefois, le nombre d'heures de congé auxquelles les salariés ont droit peut être reporté sur leur demande d'une année sur l'autre dans la limite de 4 ans ;
- dans les établissements de 200 salariés et plus, l'employeur peut différer le congé afin que le pourcentage d'absences simultanées au titre de celui-ci ne dépasse pas 2 % du nombre total des salariés de l'établissement.
Le CIF : comment ça marche ?
Quelle est la durée du CIF ? La durée minimale du CIF est de 30 heures. Sa durée maximale ne peut pas excéder une année s'il s'agit d'un stage à temps plein, ou 1200 heures s'il s'agit de stages comportant des enseignements discontinus ou à temps partiel. Consultez toutefois votre convention collective qui peut prévoir des durées maximales plus longues.
Quels sont les droits du salarié pendant le CIF ? Son contrat de travail est suspendu pendant la durée du CIF, mais il conserve toutefois ses droits en matière de congés payés, de sécurité sociale, ainsi que les droits découlant de son ancienneté.
Le saviez-vous ?
Pensez à l’informer de toute élection professionnelle dans l’entreprise : bien que son contrat de travail soit suspendu, le salarié reste électeur et doit pouvoir exercer son droit de vote.
Quels sont les devoirs du salarié pendant le CIF ? Le salarié est titulaire d’une obligation de loyauté pendant toute la durée de son CIF. Il est donc possible de le sanctionner dans l’hypothèse où il interrompt son stage sans vous en informer ou encore s’il multiplie les absences non justifiées. Ceci est d’autant plus compréhensible que l’employeur doit rémunérer le salarié pendant la durée du CIF.
Pour la petite histoire… C’est la situation dans laquelle s’est retrouvé un employeur qui avait autorisé un salarié à suivre un CIF : alors que le centre de formation a fermé pendant une période donnée, le salarié n’a entrepris aucune démarche vis-à-vis de lui pour convenir soit d’une prise de congé, soit d’une réintégration dans l’entreprise durant l’interruption de sa formation ; en outre, ce salarié s’est retrouvé en arrêt maladie sans en informer son employeur. De quoi inciter ce dernier à licencier le salarié pour faute grave en raison de ces absences qui s'avèrent injustifiées ; ce qu’a confirmé le juge.
Qui finance le CIF ? La demande prise en charge du CIF est effectuée par le salarié, auprès de l’organisme paritaire compétent dont relève l’entreprise (on parle d’« OPACIF »). L’employeur ne doit donc pas intervenir dans l’introduction de la demande de prise en charge des dépenses liées au CIF. En revanche, il doit continuer à verser sa rémunération au salarié pendant la durée de son absence et se faire rembourser par l’OPACIF. Avant le départ du salarié, l’OPACIF doit donc communiquer à l’employeur son accord de prise en charge de la formation demandée par le salarié.
A noter. L’OPACIF qui finance s’assure que les critères suivants de qualité de l’action de formation sont respectés (critères applicables à compter du 1er janvier 2017) :
- l’identification précise des objectifs de la formation et son adaptation au public formé ;
- l’adaptation des dispositifs d’accueil, de suivi pédagogique et d’évaluation aux publics de stagiaires ;
- l’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement à l’offre de formation ;
- la qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations ;
- les conditions d’information du public sur l’offre de formation, ses délais d’accès et les résultats obtenus ;
- la prise en compte des appréciations rendues par les stagiaires.
Quel est le montant de la prise en charge ? Le salarié perçoit une rémunération dont le montant varie :
- s’il perçoit une rémunération inférieure à 2 fois le SMIC (soit 3533.84 € pour l’année 2024), il bénéficiera de 100% de sa rémunération, quelle que soit la durée du CIF ;
- s’il perçoit une rémunération supérieure à 2 fois le SMIC (soit 3533.84 € pour l’année 2024), il bénéficiera de :
- o 80% de sa rémunération (90% si la formation suivie est considérée comme prioritaire par la branche) pour un CIF d’une durée inférieure à 1 an ou 1200 heures ;
- o 60% de sa rémunération pour un CIF d’une durée supérieure à 1 an ou 1200 heures.
Une prise en charge sous condition… L’organisme paritaire collecteur agréé prend en charge les frais de formation après son exécution effective. Pour vérifier l’effectivité de la formation, l’employeur doit fournir des attestations de présence qui témoignent de l’assiduité du salarié. Depuis le 1er avril 2017, ces attestations de présence doivent mentionner le niveau d’assiduité des stagiaires et les documents qui justifient de ce niveau :
- feuilles de présence ou d’émargement,
- documents ou données qui témoignent de l’accompagnement et de l’assistance du stagiaire par le formateur,
- comptes rendus de positionnement et évaluations organisées par le formateur (contrôle continu, examen final),
- justificatifs de la réalisation des travaux exigés à l’occasion de séquences de formation ouverte à distances.
Le saviez-vous ?
L’OPACIF a notamment la faculté de refuser la demande de prise en charge lorsque les conditions pour en bénéficier ne sont pas réunies, lorsque la formation suivie ne correspond pas à une action de formation éligible (voir ci-dessus).
A retenir
Au regard des conditions restrictives qui encadrent vos possibilités de refus ou de report du congé, mais aussi des délais qui vous sont impartis pour formuler une réponse, vous devez apporter une vigilance toute particulière au traitement des demandes de CIF formulées par vos collaborateurs.
J'ai entendu dire
Dois-je tenir compte de la qualification acquise par le salarié pendant le CIF lors de son retour dans l’entreprise ?Lorsque le salarié revient dans l’entreprise, vous devez être en mesure de lui donner un emploi correspondant à la qualification et à la rémunération prévue dans son contrat de travail. En principe, vous n’avez donc pas l’obligation de lui fournir un emploi correspondant à la qualification acquise à l’issue de son CIF.
Vous devez cependant vous référer à la convention collective applicable, afin de vous assurer que cette dernière ne contient pas de dispositions relative à la prise en considération d’une nouvelle qualification acquise à l’issue d’une action de formation.
- Articles L 6322-4, L 6322-5, R 6322-1, R 6322-2, R 6322-10 du Code du Travail (bénéficiaires du CIF)
- Articles L 6322-1 et L 6322-3 du Code du Travail (objectifs du CIF)
- Articles L 6322-4 à L 6322-5 du Code du Travail (conditions d'ancienneté)
- Décret n° 2015-790 du 30 juin 2015 relatif à la qualité des actions de formation professionnelle continue
- Décret n° 2017-382 du 22 mars 2017 relatif aux parcours de formation, aux forfaits de prise en charge des actions de professionnalisation et aux justificatifs d'assiduité d'une personne en formation
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 22 janvier 1992, n° 88-41294 (acceptation du CIF en l’absence de réponse dans le délai de 30 jours)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 17 mai 1995, n° 94-60395 (le salarié reste électeur même pendant le CIF)
- Arrêt de la Cour d’Appel de Poitiers du 1er mars 2011, n° 09-676 (le refus définitif et non justifié du CIF constitue un manquement de l’employeur justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2014, n° 13-10034 (licenciement salarié en CIF pour absences injustifiées)