Contrôle fiscal : exercer un recours hiérarchique
Recours hiérarchique : qui ?
Principe. La charte des droits et obligations du contribuable vous offre la possibilité de vous adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur en charge du contrôle fiscal (personnel ou professionnel) si vous rencontrez des difficultés en cours de contrôle. De même, à l’issue de ce contrôle, et si vous êtes en désaccord avec les conclusions du vérificateur, vous pouvez solliciter l’inspecteur départemental ou principal, puis, si les désaccords persistent, l’interlocuteur départemental (ou régional).
Une garantie substantielle. Il s’agit là pour vous d’une garantie substantielle dont vous ne pouvez pas être privé. A cet égard, il doit être précisé sur l’avis que vous avez reçu préalablement au démarrage des opérations de contrôle cette possibilité de recours hiérarchique. Cela étant, rien n’oblige l’administration à mentionner sur cet avis de contrôle les noms de l’inspecteur principal et de l’interlocuteur départemental (même si, en pratique, ils sont souvent mentionnés).
D’abord, le supérieur hiérarchique. Vous pouvez tout d’abord saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur qui est, bien souvent, un inspecteur principal ou un inspecteur départemental.
Ensuite, l’interlocuteur départemental. Si les désaccords persistent malgré l’entretien que vous avez pu avoir avec le supérieur hiérarchique, il sera possible de faire appel à l’interlocuteur départemental (ou régional), spécialement désigné par le directeur des services fiscaux. Pour rencontrer l’interlocuteur départemental, vous devez en faire la demande écrite. Attention, ne soumettez pas cette demande à une condition telle que « si le désaccord persiste », auquel cas votre demande sera irrégulière.
Pour la petite histoire… En cours de contrôle fiscal, une société rencontre des difficultés avec le vérificateur et demande à rencontrer son supérieur hiérarchique. Insatisfaite du résultat de l’entretien, elle rencontre alors l’interlocuteur départemental. Sauf que selon elle, la personne qui s’est présentée comme étant « l’interlocuteur départemental » ne pouvait pas prétendre à cette qualité : elle n’a pas un rang suffisant dans l’administration pour exercer de telles fonctions.
Mais pas pour le juge. La personne en question a été désignée par le Directeur départemental des finances publiques comme interlocuteur départemental « suppléant », rappelle le juge. En clair, elle assume les fonctions d’interlocuteur dès lors que l’interlocuteur départemental principal est absent. De plus, les fonctions exercées par le suppléant, indépendamment de son grade, le plaçaient de fait à un rang hiérarchique suffisant pour lui permettre d’exercer cette fonction d’interlocuteur départemental. La société ne pourra donc pas obtenir l’annulation du contrôle fiscal sur ce point.
Conseil pratique. Dans tous les cas, il est fortement conseillé de venir à ces entretiens accompagné de votre conseil habituel (expert-comptable, avocat, etc.) qui maîtrise parfaitement les rouages de ces différentes procédures fiscales.
Le saviez-vous ?
Vous pouvez aussi faire appel au conciliateur départemental avec lequel vous pourrez évoquer les problèmes d’ordre fiscaux que vous rencontrez. Mais il ne sera toutefois pas compétent pour se prononcer sur les contrôles fiscaux (personnel et professionnel).
Recours hiérarchique : quand ?
Pour quels types de contrôle ? Il faut savoir au préalable que la saisine des supérieurs hiérarchiques n’est possible qu’en cas de procédures de vérification, entendues comme les contrôles sur place (vérification de comptabilité d’une entreprise, examen de la situation fiscale personnelle d’un particulier), ainsi qu’en cas de contrôle à distance d’une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés.
Depuis le 12 août 2018, la possibilité de recours hiérarchique est étendue aux contrôles sur pièces qui, avant cette date, ne pouvaient pas bénéficier d’une telle voie de recours. Donc, à réception d'un avis de rectification, les contribuables qui font l'objet d'un contrôle sur pièces peuvent dans le délai de recours contentieux, exercer un recours hiérarchique qui vient suspendre ce délai.
En revanche. Sont toujours exclus du bénéfice de ce recours hiérarchique les contribuables faisant l'objet d'une procédure de taxation ou d'évaluation d'office.
En cours de contrôle… Pendant la procédure de vérification, vous pourrez saisir le supérieur hiérarchique en cas de difficultés rencontrées dans la conduite de ce contrôle. Il s’agit là, bien souvent, de l’hypothèse d’un contrôle qui ne passe pas très bien et qui met en exergue des relations ombrageuses avec le vérificateur.
À la fin du contrôle… Ce n’est qu’une fois que vous aurez eu connaissance des redressements fiscaux envisagés par le vérificateur que vous pourrez envisager de discuter avec le supérieur hiérarchique de ces propositions de rectifications fiscales, pour tenter d’obtenir un abandon des redressements avant d’enclencher une procédure contentieuse. Mais s’il s’agit de faire état des désaccords sur les redressements envisagés, votre demande ne pourra être formulée qu’après que vous ayez eu connaissance de la réponse de l’administration à vos observations écrites émises à la réception de la notification de redressements. Ne pas respecter ce timing reviendrait à saisir prématurément le supérieur hiérarchique : l’administration pourrait alors s’abstenir d’y donner suite, sans que cela n’entraîne l’irrégularité du contrôle fiscal.
Attention. Si vous précisez dans vos observations votre volonté de saisir le supérieur hiérarchique dans le cas où le vérificateur maintiendrait les redressements, réitérez votre demande une fois que ce dernier a formalisé sa réponse et qu’il maintient effectivement les impositions complémentaires.
Un timing. La demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique doit intervenir dans un délai de 30 à jours à compter de la réception de la réponse de l’administration fiscale à vos observations. Ce délai de 30 jours est un délai franc : pour son décompte, ne sont retenus ni le jour de réception de la réponse de l’administration ni le jour de l’envoi de la demande de saisie du supérieur hiérarchique.
Et si vous voulez rencontrer l’interlocuteur départemental ? De même, la demande de saisine de l’interlocuteur départemental n’est recevable que si elle présentée après l’entretien avec le supérieur hiérarchique. Cette demande devra être réitérée si elle a été faite trop tôt, le cas échéant.
Toujours un timing précis… La demande de saisine de l’interlocuteur départemental doit intervenir dans les 30 jours de la réception du courrier vous informant des divergences qui persistent. Une demande faite après ce délai serait tardive, et donc irrecevable.
Recours hiérarchique : comment ?
Une demande. La saisine des supérieurs hiérarchiques, quels qu’ils soient, est toujours subordonnée à une demande de votre part. Si vous n’en faites pas la demande, vous ne pourrez pas prétendre avoir été privé de cette garantie !
Attention. Soyez très précis quant à la formulation employée : indiquez précisément que vous sollicitez la saisine de l’inspecteur principal ou de l’interlocuteur départemental. Et soyez précis sur les chefs de redressements pour lesquels vous souhaitez cette entrevue : si la demande est limitée à certains chefs de rectification sur lesquels persistent des divergences importantes, elle ne peut pas être présumée aussi faite pour les autres chefs de redressements éventuellement encore en litige. Dans ce cas, on ne peut pas considérer que vous avez été privé de cette garantie pour les autres chefs de rectification encore en litige, et non compris dans la demande de recours hiérarchique. La procédure ne peut donc pas être jugée irrégulière pour ce motif.
En revanche, il a été jugé que dès lors qu’une demande d’entretien était faite, l’administration devait y donner suite et ce, même si la personne contrôlée n’avait pas réellement explicité dans sa demande les difficultés rencontrées en cours de contrôle.
Attention (bis). Demander une entrevue avec les supérieurs hiérarchiques du vérificateur n’implique pas automatiquement la saisine automatique de l’interlocuteur départemental à la suite de l’entrevue avec l’inspecteur principal. Si l’entretien avec ce dernier n’a pas abouti aux conséquences souhaitées, réitérez formellement une demande spécifique de saisine de l’interlocuteur départemental.
Le saviez-vous ?
A l’issue de l’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, si ce dernier ne rend pas ses conclusions par écrit, n’hésitez pas à saisir rapidement l’interlocuteur départemental (avant que les suppléments d’impôts ne soient mis en recouvrement) : en l’absence de remise d’un document écrit, en effet, le désaccord avec l’administration fiscale persiste et vous êtes autorisé à poursuivre votre contestation en usant des voies de recours à votre disposition.
Une réponse. Bien entendu, votre demande doit être suivie d’effet. Vous seriez sinon privé d’une garantie prévue par la charte des droits et devoirs du contribuable vérifié, source d’annulation du contrôle.
Par la suite… Nous attirons votre attention sur les points suivants :
- l’entretien doit avoir lieu avec la personne que vous avez saisie, étant précisé qu’il n’est pas obligatoire que le supérieur hiérarchique ou l’interlocuteur départemental soit seul avec vous ; à ce titre, sachez qu’il est tout à fait possible et admis que le vérificateur ou son supérieur hiérarchique puisse assister à l’entretien avec l’interlocuteur départemental sans que cela ne vicie la procédure (sauf peut-être à prouver que leur présence aurait une incidence sur la sérénité des débats et la position qu’adopterait l’interlocuteur départemental) ;
- il importe peu que le supérieur hiérarchique ou l’interlocuteur départemental ait déjà eu connaissance du dossier, soit parce qu’il a par exemple siégé à une commission à qui a été soumis votre litige, soit parce qu’il a, autre exemple, signé votre notification de redressements ;
- il n’est pas obligatoire pour le supérieur hiérarchique ou l’interlocuteur départemental de prendre position immédiatement après l’entretien.
Attention. La saisine du supérieur hiérarchique ou de l’interlocuteur départemental n’a pas pour effet d’interrompre les opérations de contrôle. Mais cette saisine empêche l’administration de mettre en recouvrement les impositions supplémentaires tant que le supérieur hiérarchique ou l’interlocuteur départemental ne s’est pas prononcé.
A retenir
Retenez que vous pouvez toujours solliciter un entretien avec un inspecteur principal et, par la suite, avec l’interlocuteur départemental pour discuter des redressements envisagés par le vérificateur. Mais attendez qu’il ait confirmé ces redressements (dans sa réponse à vos observations) et demandez cette entrevue avant la mise en recouvrement des impositions complémentaires.
- Article L 10 du Livre des Procédures Fiscales
- Charte des droits et obligations du contribuable vérifié
- Arrêt du Conseil d’Etat du 12 juin 2006, n° 266848 (réitération de la demande de saisine du supérieur hiérarchique)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 2 juillet 2007, n° 280687 (proposition de rectifications fiscales signée par le supérieur hiérarchique)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 5 juin 2009, n° 303598 (demande de saisine du supérieur hiérarchique préalable à celle de l’interlocuteur départemental)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 5 mai 2010, n° 308430 (participation de l’interlocuteur départemental à la commission départementale)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 30 juin 2010, n° 310294 (demande faite après la mise en recouvrement des impositions)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 21 octobre 2015, n° 369803 (suspension du recouvrement)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 6 juillet 2016, n° 393033 (présence du supérieur hiérarchique au cours de l’entretien avec l’interlocuteur départemental)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 21 novembre 2016, n° 387097 (présence du vérificateur au cours de l’entretien avec l’interlocuteur départemental
- Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 13 décembre 2016, n° 15LY01413 (présence vérificateur pendant l’entretien avec l’interlocuteur départemental)
- Loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite Loi Essoc), article 12 (recours hiérarchique en cas de contrôle sur pièces)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 7 novembre 2018, n°406365 (demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique avant la mise en recouvrement des impôts)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 26 décembre 2018, n°421809 (entretien avec l’interlocuteur départemental et grade du supérieur hiérarchique)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 1er février 2019, n°418181 (absence de remise d’un écrit par le supérieur hiérarchique du vérificateur et absence de saisine de l’interlocuteur départemental)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 24 avril 2019, n° 412769 (contenu demande de recours hiérarchique)
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période
- BOFiP-Impôts-BOI-DJC-COVID19-10 et suivants
- Arrêt du Conseil d’Etat du 25 mars 2021, n° 430593 (demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique en cours de contrôle et silence de l’administration)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 17 novembre 2021, n° 445981 (demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique en cours de contrôle et silence de l’administration)
- Arrêt du Conseil d’État du 20 février 2023 no 463029 (NP)
- Charte des droits et obligations du contribuable vérifié
- Actualité Bofip du 15 novembre 2023 : « Encadrement des demandes de recours hiérarchique et d'interlocution dans un délai de trente jours en cas de désaccord persistant sur les rectifications maintenues dans la réponse aux observations du contribuable »