Demander une remise d'impôt à titre gracieux : est-ce possible ?
Bénéficier d’une remise gracieuse de vos impôts ?
Pour tous les impôts et/ou taxes ? Pour autant que vous en fassiez la demande, il sera possible de solliciter la bienveillance de l’administration fiscale pour qu’elle vous accorde une remise ou une modération des impôts mis à la charge de l’entreprise. Mais ce ne sera pas possible pour tous les impôts et taxes et, en tout état de cause, sous conditions…
Non ! Demander une remise gracieuse en matière d’impôts ou taxes n’est possible qu’en matière d’impôts directs (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés par exemple). Inversement, vous ne pouvez pas, en principe, demander une remise de TVA ou de droits d’enregistrement, ou autres taxes assimilées et contributions indirectes.
Toutefois, cette impossibilité d’accorder des remises gracieuses en matière de TVA peut parfois conduire à des situations de double imposition. Cela sera le cas, par exemple, d’une société étrangère pour qui l’administration considère qu’elle dispose en France d’un établissement stable : cette société va donc se retrouver à devoir payer non seulement l’IS mais également la TVA, alors même que cette TVA a déjà été payée par son client français qui l’a auto-déclarée.
Depuis le 1er janvier 2019, dans ces situations bien particulières (lorsque la TVA a bien été auto-liquidée) et pour éviter les risques de double imposition en cas de caractérisation d’un établissement stable en France d’une société étrangère, l’administration fiscale a la possibilité d’accorder des remises gracieuses de TVA.
Justifier d’une gêne financière… Pour que l’administration puisse vous accorder une remise, vous devrez faire état de difficultés financières suffisamment importantes pour qu’elle empêche l’entreprise de se libérer de sa dette fiscale. Il faudra, à cet égard, en faire état dans votre demande et apporter tous les éléments justificatifs utiles tendant à prouver vos difficultés. Si la demande de remise gracieuse concerne l’impôt sur le revenu dû par un particulier, l’administration peut notamment se prononcer sur la demande au vu des recommandations qui ont été faites par la commission de surendettement le cas échéant.
Conseil. Faites une présentation sommaire de la situation de l’entreprise tendant à justifier le bien-fondé de votre demande : actif disponible ou réalisable, passif exigible à court, moyen et long terme, montant du chiffre d'affaires, état des pertes des derniers exercices, etc.
Le saviez-vous ?
Si vous subissez, à titre personnel, une baisse brutale de vos revenus d’au moins 30 %, vous pouvez obtenir un échelonnement de paiement de votre impôt sur le revenu. Dans ce cas, vous bénéficiez d’une remise totale de la majoration de 10 % sur les sommes non réglées à l’échéance.
Un refus ? Malgré l’existence d’une situation de gêne financière, l’administration peut refuser de vous accorder une remise gracieuse d’impôt si elle prouve que vous vous êtes volontairement rendu insolvable.
Exemple. Le juge a décidé, dans le cadre d’un litige portant sur une demande de remise gracieuse opposant un couple à l’administration fiscale, que le fait de décider de rembourser en priorité des créanciers autres que l’administration fiscale ne suffisait pas à démontrer que le couple avait volontairement organisé son insolvabilité.
Bénéficier d’une remise gracieuse des pénalités ?
Pour les pénalités ? A la différence de ce qui est admis pour l’impôt lui-même, la remise des pénalités, majorations et même intérêts de retard est toujours possible, quels que soient l’impôt ou la taxe qui s’y rapporte.
Une remise ou une transaction ? On parlera de remise, dans tous les cas où ces pénalités et les impositions qu'elles concernent sont devenues définitives, et de transaction, lorsque celles-ci et, le cas échéant, les impositions principales y afférant ne sont pas définitives. Une pénalité sera définitive lorsque les délais de réclamation ou de recours sont expirés ou encore lorsqu'une décision de justice irrévocable est intervenue.
Dans tous les cas, argumentez votre demande. Sachez que l’administration examinera avec précision votre demande : elle analysera les circonstances particulières à l'infraction sanctionnée, les raisons pour lesquelles les amendes ou majorations ont été appliquées, la gravité et l‘importance du préjudice causé au Trésor, tous les éléments permettant d'apprécier la réalité et l'étendue de votre responsabilité dans l'infraction sanctionnée, votre bonne volonté et sincérité du point de vue fiscal, vos antécédents contentieux, vos possibilités réelles de paiement et les éventuelles difficultés rencontrées sur le plan économique, etc. Votre demande doit donc être argumentée et étayée à la lumière de ces modalités d’examen.
Sinon… Faute d’arguments suffisants, votre demande risque d’être rejetée par l’administration qui n’a pas, en outre, à motiver sa réponse. C’est ce qu’a rappelé le juge dans une affaire dans laquelle une société faisait état de sa seule bonne volonté à payer les redressements pour étayer une demande de remise gracieuse qui a finalement été rejetée.
Solliciter une remise : comment faire ?
En pratique. Faites votre demande par écrit, en ayant soin de préciser la nature et le montant des impôts et pénalités dont vous sollicitez la remise gracieuse (pensez à joindre une copie de l’avis d’imposition ou de l’avis de mise en recouvrement correspondant), et motivez votre demande en présentant tous les arguments utiles à la défense de votre demande.
Un délai à respecter ? Vous n’êtes astreint à aucun délai pour faire cette demande. Cela étant, il n’est évidemment pas nécessaire de trop tarder, surtout si l’entreprise connaît des difficultés financières. Sachez toutefois que la demande de remise gracieuse ne suspend, en principe, pas le recouvrement de l’impôt ou de la pénalité concerné(e). Contactez votre service des impôts des entreprises pour solliciter, le cas échéant, des délais de paiement en lui précisant qu’une demande de remise lui a été adressée.
La réponse de l’administration. Suite à votre demande, 3 situations peuvent se présenter :
- soit elle rejette purement et simplement votre demande, étant précisé qu’elle n’est pas tenue de motiver sa réponse (les juges ont précisé qu’aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration fiscale de motiver les décisions par lesquelles elle rejette une demande de remise gracieuse) ;
- soit elle vous accorde une remise, totale ou partielle (cette décision peut être assortie de conditions, auquel cas il vous appartient de tenir les engagements dont l'exécution conditionnait la remise) ;
- soit, en présence de pénalités non définitives, elle ouvre la voie à une transaction : dans ce cas, il vous sera notifié une proposition de transaction à propos de laquelle vous aurez 30 jours de délai pour faire connaître votre acceptation ou votre refus (notez qu’une transaction suppose que vous ne pourrez plus adresser de réclamation contentieuse, ni saisir le juge de l’impôt) ; une transaction ne sera définitive qu’à condition que vous en acceptiez les termes et que vous l’exécutiez effectivement.
À noter. Une décision de l’administration refusant une remise gracieuse ne peut être annulée par le juge que si elle est entachée d’incompétence, d’erreur de droit, d’erreur de fait, d’erreur manifeste d’appréciation.
À retenir
Vous ne pouvez solliciter une remise gracieuse qu’en matière d’impôts directs (impôt sur les bénéfices par exemple). Ce ne sera pas possible en matière de droits d’enregistrement ou de TVA. Pour les pénalités et l’intérêt de retard, par contre, une telle demande sera possible, quel que soit l’impôt qui s’y rapporte.
Soyez précis dans votre argumentation, en insistant sur les difficultés rencontrées par l’entreprise pour se libérer de sa dette fiscale.
J'ai entendu dire
L’administration est-elle tenue de respecter un délai pour répondre à une demande de remise gracieuse ?En pratique, non. Si l’administration n’a, d’ailleurs, pas répondu dans les deux mois, vous pouvez considérer que votre demande est implicitement rejetée. Ce délai de 2 mois est porté à 4 mois lorsque la complexité de la demande le justifie et à la condition que l’administration vous en ait informé.
J’ai entendu dire qu’en matière d’impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation, etc.) les demandes de remise gracieuse devaient être transmises au maire de la commune pour avis préalable. Vrai ou faux ?
C’est vrai. Pourtant, bien qu’instituée en 1981, cette procédure n’est jamais mise en œuvre. Le Gouvernement prévoit donc de la supprimer prochainement. A toutes fins utiles, les maires qui souhaiteront obtenir des éléments statistiques sur les remises gracieuses et les délais de paiement accordés dans leur commune pourront directement s’adresser aux services de la direction générale des Finances publiques.
- Articles L 247 et L 251 du Livre des procédures fiscales
- BOFiP-Impôts-BOI-CTX-GCX
- Arrêt du Conseil d’État du 8 octobre 1993, no 118827 (motivation de la décision)
- Décret no 2001-907 du 3 octobre 2001 pris pour l'application au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de l'article 21 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
- Réponse ministérielle Lefait, Assemblée Nationale, no 68230 du 11 août 2015 (remise pénalité de 10 % et échelonnement du paiement de l’IR en cas de baisse brutale des revenus)
- Arrêt du Conseil d’État du 24 juin 2015, no 368593 (remise gracieuse refusée pour des droits d’enregistrement)
- Arrêt du Conseil d’État du 30 décembre 2015, no 368744 (rejet demande de remise gracieuse faute d’arguments suffisants)
- Arrêt du Conseil d’État du 16 octobre 2017, no 398387 (rejet d’une demande de remise gracieuse faute d’arguments suffisants)
- Loi de finances pour 2019 du 28 décembre 2018, no 2018-1317 (article 132)
- Arrêt du Conseil d’État du 7 mars 2019, no 419907 (demande de remise gracieuse et insolvabilité organisée)
- Réponse ministérielle Maurey du 3 octobre 2019, Sénat, no 03789 (demande de remise gracieuse en matière d’impôts locaux et procédure d’avis préalable du maire)
- Arrêt du Conseil d’État du 18 avril 2023, no 461482 (cas d’annulation d’un refus de remise gracieuse)