Dirigeants : attention aux revenus « réputés distribués » !
Les distributions considérées comme régulières
Par décision des associés. La plupart des distributions dites régulières sont celles résultant d’une décision des organes compétents de la société. Tel est le cas par exemple d’une assemblée générale d’associés qui décide de distribuer des dividendes à ses membres.
Dans d’autres hypothèses ? On parle aussi de distribution régulière dans certains cas précis prévus par la loi intervenant soit pendant la vie de la société (réduction de capital), soit au moment de sa dissolution.
La réduction de capital… La réduction de capital est l’opération par laquelle une entreprise décide de réduire directement ou indirectement le montant de ses capitaux, soit en diminuant la valeur nominale de ses actions, soit en rachetant une partie de ses actions.
… une distribution régulière ? La réduction du capital d’une entreprise n’aboutit pas toujours à la constatation d’un revenu distribué au profit des associés. Deux situations peuvent se présenter :
- soit la réduction de capital se traduit par l’attribution d’une somme d’argent au profit de l’associé : dans ce cas, les sommes attribuées sont bien des revenus distribués ;
- soit la réduction de capital ne se traduit par aucune attribution de revenus au profit de l’associé (en présence, par exemple, d’une réduction de capital motivée par des pertes) : dans ce cas, il n’y a pas de revenus distribués, donc pas d’imposition pour l’associé !
Le saviez-vous ?
Certaines sommes versées aux associés au moment d’une réduction de capital ne sont pas considérées comme des revenus distribués : tel est le cas des remboursements d’apports ou des primes d’émission, à condition que les bénéfices et les réserves autres que légales aient déjà été distribués.
La dissolution de l’entreprise. Au moment de la dissolution d’une entreprise, les associés peuvent reprendre le montant de leurs apports sans que ces sommes ne soient soumises à imposition. On parle alors de reprise en franchise d’impôt.
Le boni de liquidation. Un boni de liquidation est constitué toutes les fois où, au moment de la dissolution de la société, l’associé perçoit une somme supérieure au montant de ses apports. Le boni de liquidation est donc par nature, un revenu distribué.
Le saviez-vous ?
Au titre de l’impôt sur le revenu de l’associé, le boni de liquidation peut être traité fiscalement comme un revenu exceptionnel (toutes conditions étant remplies) et donc, bénéficier du système du quotient.
L’application de ce système permet d’atténuer la charge fiscale pesant sur l’associé.
Les distributions considérées comme irrégulières
Les bénéfices considérés comme distribués. À la suite du contrôle fiscal d’une entreprise, l’administration peut remettre en cause la déduction de certaines charges, estimant qu’elles n’ont pas été engagées au profit de l’entreprise. Au contraire, elle peut estimer que la dépense dont elle refuse la déduction fiscale profite directement au dirigeant ou à un associé : elle va alors considérer qu’il s’agit de « revenus réputés distribués ».
25 % en plus ? Et comme tout revenu, l’administration va soumettre ces « revenus réputés distribués » à l’impôt sur le revenu, en appliquant une règle spéciale : elle va majorer ces revenus de 25 % pour le calcul de l’impôt sur le revenu (barème progressif ou prélèvement forfaitaire unique).
Le saviez-vous ?
Jusqu'à présent, pour le calcul des prélèvements sociaux sur les revenus distribués à un associé, il convenait d’appliquer les mêmes règles qu’en matière d’impôt sur le revenu. Or en matière d’impôt sur le revenu, lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une rectification de son résultat, les revenus présumés distribués à l’associé sont majorés de 25 %. Désormais, cette majoration ne s’applique plus aux prélèvements sociaux.
Les rémunérations et distributions occultes. Les rémunérations occultes correspondent à des sommes versées à des prestataires ou des fournisseurs non identifiés et qui sont déduites à tort du résultat de la société. Les distributions occultes, quant à elles, correspondent soit à des recettes dissimulées par l’entreprise, soit à des sommes qu’elle a payées (et déduites de son résultat) alors qu’elle n’avait pas à le faire.
Une même sanction ! Que l’on parle de rémunération ou de distribution occulte, la sanction est la même : pas de déduction possible de la dépense du résultat imposable de l’entreprise et imposition de ces sommes chez le bénéficiaire.
À noter. Il peut s’avérer délicat d’imposer une personne inconnue ! Pour corriger cette situation, l’administration a la possibilité de mettre en œuvre à l’encontre de l’entreprise une procédure spéciale lui permettant d’obtenir l’identité des bénéficiaires des revenus distribués.
Le saviez-vous ?
L’administration dispose d’un délai de 10 ans pour redresser l’impôt dû par les particuliers ou les entreprises qui se livrent à des activités occultes. Ce délai de reprise de 10 ans s’applique non seulement pour les personnes (particuliers ou professionnels) qui se livrent à une activité occulte, mais aussi pour celles qui perçoivent des revenus distribués (par exemple des dividendes) par une entreprise se livrant à une activité occulte.
Une procédure spéciale. L’administration peut exiger de l’entreprise qu’elle lui fournisse dans un délai de 30 jours l’identité du bénéficiaire de la rémunération ou de la distribution occulte. Deux possibilités s’offrent à l’entreprise :
- soit l’entreprise donne l’identité du bénéficiaire de façon claire et précise : le bénéficiaire de la distribution est alors imposé personnellement au titre de son impôt sur le revenu ; la base imposable sera équivalente à 125% de la somme distribuée (aucun abattement ne sera applicable) ;
- soit l’entreprise ne répond pas ou répond de façon évasive : l’entreprise devra alors verser une pénalité à l’administration d’un montant égal à 100% de la somme distribuée.
Qui peut dénoncer ? La dénonciation du bénéficiaire des revenus « réputés distribués » peut être faite soit par le représentant légal de la société (le plus souvent son dirigeant), soit par un avocat, soit par toute personne disposant d’un mandat pour le faire. Si l’administration demande une justification de l’existence du mandat et ne l’obtient pas, elle est fondée, encore une fois, à faire application d’une pénalité d’un montant égal à 100 % de la somme distribuée.
Un formalisme. Si l’administration souhaite mettre en œuvre cette procédure spéciale, elle doit formuler sa demande obligatoirement par écrit sous forme d’une mise en demeure mentionnant expressément le délai de réponse de 30 jours.
Le saviez-vous ?
Même dans l’hypothèse où l’administration serait parfaitement en mesure de connaître l’identité des bénéficiaires de la distribution (par exemple parce que la société n’a que 2 associés), notez qu’elle pourra utiliser cette procédure… et qu’elle pourra réclamer le paiement de l’amende si l’entreprise refuse de lui communiquer les informations demandées.
À noter. Si l’entreprise réintègre dans son résultat imposable la somme versée avant que l’administration n’utilise la procédure spéciale, elle ne sera plus tenue de désigner le bénéficiaire. Mais, elle devra quand même s’acquitter d’une pénalité équivalente à 75% du montant de la somme distribuée.
Dépenses somptuaires. Elles sont expressément exclues des charges déductibles du résultat de l’entreprise et sont fiscalement traitées comme des revenus distribués. Il s’agit, par exemple, des charges résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences.
Distributions indirectes ou déguisées. Là encore, elles ne sont pas déductibles des résultats de l’entreprise. À titre d’exemple, il peut s’agir de cession par l’entreprise de biens sociaux (marchandises, immeubles, titres…) au profit de l’associé et pour un prix inférieur à leur valeur réelle, ou de de l’acquisition par la société d’un bien appartenant à l’associé à un prix supérieur à sa valeur réelle, etc.
Avances, acomptes ou prêts aux associés. Les sommes mises à disposition de l’associé par l’entreprise sous forme de prêt, d’avance ou d’acompte sont présumées être des revenus distribués. Il est important de noter qu’il s’agit d’une présomption simple : si l’associé est en mesure d’apporter la preuve à l’administration qu’il ne s’agit pas d’un revenu distribué, il pourra échapper à la taxation.
Focus sur les comptes courants présentant un solde débiteur. Le montant des soldes débiteurs des comptes courants ouverts au nom des associés d’une société doit être regardé comme des revenus distribués, sauf preuve contraire.
Une variation du solde débiteur ? En cas de variation du solde débiteur d’un compte courant d’une année sur l’autre, seule la différence positive entre ces deux soldes sera assimilée à des revenus distribués soumis à l’impôt sur le revenu de l’associé :la différence négative entre les deux soldes ne sera pas constitutive de revenus distribués.
À retenir
La notion de revenus distribués recouvre une multitude de situations variées. Prenez le temps d’analyser chaque opération réalisée pour déterminer si elle entre ou non dans la catégorie des revenus distribués.
J'ai entendu dire
Je suis titulaire d’un compte courant d’associé sur lequel une somme d’argent a été créditée par erreur. Mon comptable a immédiatement rectifié cette erreur, pourtant l’administration, à l’issue d’un contrôle fiscal me réclame un supplément d’impôt. Pourquoi ?Une somme d’argent inscrite en compte courant, même par erreur, est, par principe, considérée un revenu distribué imposable entre les mains de l’associé. Pour le dirigeant, le seul moyen d’échapper à l’impôt est de prouver qu’il n’a pas pu avoir effectivement la disposition de cette somme ou que cette somme ne correspond pas à la mise à disposition d’un revenu. En l’absence d’une telle preuve, vous serez malheureusement imposé au titre des sommes inscrites par erreur en compte courant, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
- Conseil d’État, question prioritaire de constitutionnalité en date du 9 mai 2017, n°407999
- Articles 109 à 111 du code général des impôts
- Article 117 du code général des impôts
- Articles 1754 et 1759 du code général des impôts
- BOFIP impôts BOI-RPPM- RCM-10-20-10
- BOFIP impôts BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20
- Question prioritaire de constitutionnalité du 10 février 2017, n°2016-610 (distributions occultes)
- Question prioritaire de constitutionnalité du 7 juillet 2017, n°2017-643/650 (bénéfices considérés comme distribués)
- Arrêts de la Cour administrative d’appel de Versailles du 1er juin 2017, n° 15VE01815 et 15VE01816 (prise en charge de frais d’avocat et revenus réputés distribués)
- Arrêt du Conseil d’État du 14 juin 2017, n°396930 (sommes inscrites par erreur en compte courant et revenus distribués)
- Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de Finances pour 2018 (article 108)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 3 novembre 2017, n°16MA02932 (dénonciation claire et précise)
- Arrêt du Conseil d’État du 13 avril 2018, n°401923 (dénonciation faite par l’expert-comptable et application de la pénalité de 100 %)
- Arrêt du Conseil d’État du 26 novembre 2018, n°415770 (dénonciation à faire même si l’administration est en mesure de connaître l’identité des bénéficiaires)
- Loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019, n°2019-1479, article 69
- Arrêt du Conseil d’État du 27 décembre 2019, n°420478 (variation du solde débiteur d’un compte courant)
- Décret n°2020-169 du 27 février 2020 fixant la date à compter de laquelle les émissions de dioxyde de carbone utilisées pour les besoins de la fiscalité des véhicules de tourisme seront déterminées selon la procédure d’essai mondiale harmonisée –WLTP- pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers
- Arrêt du Conseil d’État du 21 octobre 2020, n°441126 (sanctions applicables en cas de non-dénonciation du bénéficiaire d’une distribution occulte)
- Loi de finances pour 2021 du 29 décembre 2020, n° 2020-1721, article 39 (majoration de 25 % applicable aux revenus imposés au titre du PFU)
- Arrêt du Conseil d’État du 19 mai 2022, n° 446787 (revenus réputés distribués et maître de l’affaire)
- Arrêt du conseil d'État du 28 septembre 2022, n°446858 (présomption de la disponibilité des revenus et examen global de la situation de la société)
- Arrêt du Conseil d'État du 16 décembre 2022, n° 461118 (prise en charge d’un loyer)
- Arrêt du Conseil d’État du 18 octobre 2023, n°469664 (cadeau client au profit du dirigeant et revenus réputés distribués)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 9 avril 2024, no 22VE00723 (revenus réputés distribués ou salaires)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 16 mai 2024, no 23LY01215 (revenus réputés distribués et pratique des « reprises de véhicules »