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Dirigeants de société : gare à l’interdiction de gérer et à la faillite personnelle !

Date de mise à jour : 26/01/2024 Date de vérification le : 26/01/2024 19 minutes

En tant que dirigeant d’une société, et dans l’exercice de vos fonctions, vous pouvez commettre des fautes qui vont contribuer à fragiliser son équilibre financier. Pouvez-vous être personnellement sanctionné pour cela ? Dans quels cas ? Éléments de réponses.

Rédigé par l'équipe WebLex.
Dirigeants de société : gare à l’interdiction de gérer et à la faillite personnelle !

Interdiction de gérer et faillite personnelle : c’est quoi ?

Une faute = une sanction… Le dirigeant d’une société qui a commis des fautes ayant contribué à aggraver sa situation financière peut faire l’objet de sanctions : parmi celles-ci se trouvent l’interdiction de gérer et la faillite personnelle.

À noter. Il a été jugé qu’une gérante de SARL qui a mis plus d’un an à publier le changement de gérant à compter de sa fin de fonctions peut être condamnée, en sa qualité de gérante, pour un abus de bien social commis durant ce délai. Le changement de gérant ne prend effet à l’égard des tiers qu’une fois les formalités légales accomplies.

Le saviez-vous ?

Attention, ces 2 sanctions ne peuvent être prononcées à l’encontre du dirigeant qu’à la condition que la société soit en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Elles sont donc exclues lorsque la société fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

Il en est de même de l’infraction de banqueroute et des peines qui lui sont applicables, auxquelles un dirigeant de société peut être condamné s’il a commis certaines fautes (par exemple le détournement de tout ou partie de l’actif de la société). À ce sujet, notez qu’il a été jugé qu’un dirigeant d’une société en redressement judiciaire qui a employé des moyens ruineux et qui n’a pas tenu de comptabilité régulière peut être condamné pour banqueroute, même si les faits qui lui sont reprochés sont antérieurs à la date de cessation des paiements.

La faillite personnelle : le principe. La faillite personnelle entraîne l’impossibilité pour le dirigeant concerné de diriger, gérer, administrer ou contrôler (notamment détenir la majorité des droits de vote), directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou ayant une activité indépendante, ou toute société.

Mais aussi. La faillite personnelle entraîne également de nombreuses déchéances et interdictions (par exemple la déchéance de certains droits civiques, politiques, …), ainsi que l’interdiction du droit de vote dans les assemblées de la société soumise à la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Pour quelles fautes ? Le dirigeant qui peut être condamné à la faillite personnelle est celui qui :

  • a disposé des biens de la société comme des siens ;

  • a effectué des actes de commerce, dans son intérêt personnel, sous le couvert de la société ;

  • a usé des biens de la société dans un intérêt qui n’est pas le sien, par exemple à des fins personnelles, ou pour favoriser une autre société dans laquelle il détient un intérêt ;

  • a poursuivi, dans son propre intérêt et de manière abusive, l’exploitation de l’activité de la société, qui était pourtant déficitaire et ne pouvait mener qu’à l’état de cessation des paiements ;

  • a détourné ou dissimulé une partie de la trésorerie de la société, ou augmenté, par fraude, ses dettes ;

  • a exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole, ou pris une fonction de direction ou d’administration d’une société, contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

  • a employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, ou fait des achats en vue de leur revente au-dessous du cours, dans le but d’éviter ou de retarder la mise en place d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

  • a souscrit des engagements disproportionnés par rapport à la situation financière de la société, au moment de leur conclusion ;

  • a payé ou fait payer, après la cessation des paiements, l’un des créanciers, le favorisant par rapport aux autres créanciers ;

  • a fait obstacle au déroulement de la procédure collective en s’abstenant de collaborer avec l’administrateur ou le mandataire désigné par le tribunal ;

  • a fait disparaître des documents comptables, ou manqué à son obligation de tenue d’une comptabilité correcte et complète ;

  • a déclaré au nom de l’un des créanciers de la société une créance dont l’existence n’est pas établie.

L’interdiction de gérer : le principe. À l'instar de la faillite personnelle, l’interdiction de gérer est l’impossibilité pour le dirigeant concerné d’exercer des fonctions de direction au sein d’une ou plusieurs entreprises (qu’elle soit commerciale, artisanale ou agricole) ou sociétés. Elle entraîne aussi l’interdiction du droit de vote lors des assemblées générales de la société concernée.

À noter. Le juge a rappelé que l’interdiction de gérer une entreprise individuelle ne concerne que celles qui ont une activité commerciale, artisanale ou agricole. Ainsi, le dirigeant faisant l’objet d’une telle sanction peu, par exemple, créer une entreprise libérale.

Pour quelles fautes ? L’interdiction de gérer peut être prononcée dans les mêmes cas de figure que la faillite personnelle (énoncés ci-dessus). Au-delà de ces situations, les fautes qui peuvent être sanctionnées de manière autonome par une interdiction de gérer sont les suivantes :

  • le fait de ne pas avoir collaboré avec le mandataire judiciaire (par exemple en omettant, de mauvaise foi, de lui remettre des documents) ;

  • le fait d’avoir omis d’effectuer une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours qui suivent cet état, ce qui est pourtant une obligation ; pour rappel, l’état de cessation des paiements est la situation dans laquelle l’entreprise ne peut pas régler l’ensemble des dettes qui peuvent lui être réclamées immédiatement (on parle de « passif exigible ») avec sa trésorerie et tout ce qu’elle peut transformer, à court terme, en argent (on parle « d’actif disponible ») ; sa déclaration donne lieu à l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; notez toutefois que le dirigeant peut s’abstenir de faire une déclaration de cessation des paiements s’il fait une demande d’ouverture de procédure de conciliation ;

  • le fait de ne pas avoir informé un créancier de l’ouverture d’une procédure collective dans les 10 jours de celle-ci.

Pour la petite histoire. Le dirigeant d’une société qui a continué à percevoir sa rémunération, et n’a pas remis en cause la location par la société, du véhicule dont il avait l’usage, malgré son coût disproportionné, doit être condamné à une interdiction de gérer.

Pour la petite histoire (bis). Il a été jugé que le dirigeant qui s’est abstenu de coopérer avec les organes en charge de la mise en place des procédures de redressement puis de liquidation judiciaire dont sa société a fait l’objet a commis une faute qui a entravé le bon déroulement de celle-ci. Dès lors, sa condamnation à une interdiction de gérer de 4 ans est parfaitement valide et proportionnée.

Le saviez-vous ?

La faillite personnelle, qui entraîne automatiquement une interdiction de gérer de portée générale, est une mesure plus lourde que l’interdiction de gérer elle-même, qui peut être limitée par le juge à 1 ou plusieurs société(s).


Interdiction de gérer et faillite personnelle : pour qui ?

Un dirigeant fautif. Les personnes pouvant être condamnées à une faillite personnelle et une interdiction de gérer sont les dirigeants de droit ou de fait de la société.

Pour rappel. Les dirigeants de droit sont ceux qui ont été désignés par les statuts ou par les organes sociaux compétents de la société, comme les directeurs généraux, les administrateurs, le président du conseil d’administration, les gérants, etc. Les dirigeants de fait sont ceux qui, sans avoir été régulièrement désignés, exercent dans les faits la direction de la société.

Pour la petite histoire. Il a été jugé qu’est considéré comme un dirigeant de fait susceptible de faire l’objet d’une interdiction de gérer la personne qui n’est ni salariée ni gérante de droit d’une société mais qui :

  • donne son avis à la dirigeante de droit de la société sur toutes les décisions importantes par le biais d’une adresse électronique dont elle dispose au sein de celle-ci ;

  • s’entretient d’instances judiciaires en cours avec les avocats de la société ;

  • donne des consignes pour effectuer des virements et pour organiser un voyage en vue de signer des actes de cessions ;

  • apparaît comme un décideur auprès des salariés et prestataires extérieurs.

À noter. Notez qu’un associé ne peut pas être condamné, s'il n'est pas établi qu'il se comportait comme un dirigeant de fait.

Le saviez-vous ?

L’interdiction de gérer et la faillite personnelle peuvent être prononcées même si le dirigeant en cause n’était pas rémunéré.


Interdiction de gérer et faillite personnelle : comment ?

Qui peut demander la mise en œuvre des 2 sanctions ? Les personnes à l'initiative d’une demande de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer peuvent être :

  • le mandataire judiciaire ;

  • le liquidateur judiciaire ;

  • le procureur de la République ;

  • le représentant de la majorité des créanciers.

Tribunal compétent. Le tribunal compétent pour statuer sur l’action est celui qui a ouvert la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Prescription de l’action. L'action en faillite personnelle ou en interdiction de gérer est prescrite à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter du jugement ayant ouvert le redressement ou la liquidation judiciaire de la société.

À noter. Le tribunal jouit d'une grande latitude pour appliquer l'une ou l'autre de ces 2 sanctions, notamment en fonction de la faute relevée et de la situation de la société.

Publicité du jugement. Le jugement qui prononce une faillite personnelle ou une interdiction de gérer à l’encontre du dirigeant doit faire l’objet d’un avis inséré au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) et dans un support d’annonces légales du lieu du siège de la société.

Le saviez-vous ?

Ces condamnations font aussi l’objet d’une inscription dans le fichier national des interdits de gérer.

Durée des sanctions. La durée de l’une ou l’autre des sanctions est fixée par le tribunal, dans un maximum de 15 ans.

Récidive = sanction plus lourde. Il a été jugé que la mesure de faillite personnelle de 12 ans prononcée à l’encontre d’un dirigeant qui a déjà fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle pour des faits similaires est proportionnée à la gravité des fautes commises. Celles-ci sont en effet aggravées par l’existence d’un précédent.

Non-respect des sanctions. Un dirigeant qui reprendrait une activité de gestion malgré la sanction prononcée à son encontre risque 2 ans d'emprisonnement et s’expose au paiement d’une amende de 375 000 €.

Réhabilitation du dirigeant. Le dirigeant peut être réhabilité dans ses droits si un jugement qui constate la fin de la procédure collective pour extinction du passif (soit l’apurement des dettes) est rendu.

À noter. Lorsque seule une interdiction de gérer est prononcée, le dirigeant peut en être relevé s’il présente des garanties qui prouvent qu’il peut diriger ou contrôler une entreprise ou une société.

À retenir

Le dirigeant d’une société qui commet des fautes dans le cadre de ses fonctions peut faire l’objet de sanctions personnelles. Parmi celles-ci figurent l’interdiction de gérer et la faillite personnelle, dont la caractéristique commune est d’interdire au gérant fautif de diriger une ou plusieurs sociétés à la suite de sa condamnation.
 

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