Document unique : évaluez les risques inhérents à l'activité de l'entreprise
Document unique : phase identification et évaluation
Une obligation ! Toutes les entreprises sont tenues d’élaborer le document unique d’évaluation des risques professionnels, plus connu sous le terme « document unique », cette démarche s’inscrivant dans le cadre de l’obligation de sécurité incombant à tout employeur. Comment faire ?
Quelle évaluation ? L’employeur doit évaluer les différents risques pour la santé et la sécurité des travailleurs dans la définition des postes de travail, y compris dans le choix :
- des procédés de fabrication ;
- des équipements de travail ;
- des substances ou préparations chimiques ;
- de l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations.
A noter. A compter du 22 mars 2022, l’employeur devra également estimer les risques amenés par l’organisation du travail en cours dans l’établissement.
Le point sur les activités de l'entreprise. Définir des risques professionnels suppose au préalable d'inventorier toutes les activités de l'entreprise, en les classant idéalement en 'zones de travail' ou « unités de travail », et pour lesquelles vous aurez soin de préciser les effectifs concernés. Dans le cas d'une entreprise de restauration, par exemple, il pourra être possible d'identifier les zones de travail suivantes, regroupant un ou plusieurs postes de travail :
- bureaux,
- zone(s) de stockage,
- salle(s) recevant du public,
- cuisine,
- etc.
Le point sur les risques. Pour chaque zone de travail, il faut être en mesure d'identifier les risques, cette étape dépendant principalement de l'activité même de l'entreprise. Il faudra, par exemple, relever les risques de chute, les risques de coupure électrique, les risques de manipulation, les risques liés au travail sur écran informatique, les menaces d'incendie ou d'explosion liées à l'utilisation de produits dangereux ou inflammables, etc. Pour chaque risque identifié, vous devrez préciser le niveau, la gravité et la fréquence d'apparition, ainsi que les mesures et actions envisagées dans le cadre de la prévention de ces risques.
A noter. Vous devez également déterminer la proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité et la consigner en annexe du document unique d'évaluation des risques. Il s’agit de consigner, en annexe du document unique, les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles, notamment à partir de l’identification de situations types d’exposition, ainsi que la proportion de vos salariés exposés aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils prévus.
Le saviez-vous ?
Pensez à intégrer dans votre étude les risques psychosociaux (stress au travail épuisement professionnel, mal-être ressenti par les salariés, etc.) qui ont nécessairement un impact sur le fonctionnement des entreprises (absentéisme, turnover, ambiance de travail…).
Pensez aussi à intégrer le risque « fortes chaleurs » lié aux ambiances thermiques (température, hygrométrie, etc.), ce qui vous permettra d’identifier les mesures et précautions à prendre dans l’entreprise et l’environnement de travail en période de canicule.
Le point sur les différents acteurs. Différents acteurs devront apporter, à compter du 31 mars 2022, leur contribution à l’évaluation des risques au sein de l’entreprise :
- le comité social et économique (CSE) et, sa commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent, dans le cadre du dialogue social de l’entreprise : le CSE sera consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et ses mises à jour ;
- le ou les salariés désignés par l’employeur afin de l’aider à s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise, s’ils ont été désignés ;
- le service de prévention et de santé au travail auquel l'employeur adhère.
Précisions. L’employeur pourra également solliciter le concours :
- après avis du CSE, d’intervenants en prévention des risques professionnels disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l'amélioration des conditions de travail :
- ○appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ;
- ○ou dûment enregistrés auprès de l’administration ;
- des services de préventions des caisses de sécurité sociale avec l'appui de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ;
- de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPBTP) ;
- de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et son réseau.
Mettre en place un plan d’actions. Une fois les risques identifiés, vous devrez élaborer un plan d’actions qui aura pour objet de quantifier et de qualifier les actions à réaliser pour améliorer la sécurité et les conditions de travail.
Le saviez-vous ?
Vous devez obligatoirement vous faire assister dans votre mission de prévention des risques professionnels par un salarié ou, en l’absence de compétence dans l’entreprise, par un intervenant extérieur (vous pouvez faire appel, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (ou à défaut, des délégués du personnel), ou du comité social et économique (CSE), s’il est en place, à un intervenant appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel vous adhérez ou dûment enregistré auprès de l'autorité administrative).
Des outils à votre disposition pour vous aider. Citons, par exemple, l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) qui publie sur son site www.inrs.fr un certain nombre de documents et d’informations pour aider dans la démarche de prévention des risques dans l’entreprise. Vous pouvez également contacter la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé Au Travail (CARSAT) ou encore l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT – www.anact.fr).
Document unique : un contenu renforcé ?
Une nouvelle version ? La loi santé et sécurité au travail vient rénover le dispositif du document unique d’évaluation des risques (DUER) professionnels, dont l’objectif est:
- de répertorier l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs ;
- d’assurer la traçabilité collective de ces expositions.
Rôle de l’employeur. L’employeur doit transcrire et mettre à jour, dans le document unique, les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs qu’il a effectuée.
Et après ?Les résultats de l’évaluation des risques doivent déboucher sur des actions de préventions, différentes selon l’effectif de l’entreprise :
- pour les entreprises de 50 salariés et plus, il faudra établir un programme annuel de prévention des risques et des conditions de travail, comprenant :
- ○la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir ;
- ○les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
- ○le calendrier de mise en œuvre.
- pour les entreprises de moins de 50 salariés, il faudra définir des actions de prévention des risques, dont la liste devra être consignée dans le DUER et ses mises à jour.
Information du CSE ? A compter du 31 mars 2022, l’employeur devra présenter le programme annuel de prévention des risques ou la liste des actions de prévention des risques au CSE de l’entreprise.
Un accompagnement ? Les entreprises peuvent bénéficier d’un accompagnement des organismes et instances mis en place par leur branche professionnelle, pour :
- l’élaboration et la mise à jour du DUER ;
- la définition du programme annuel de prévention ;
- la définition des actions de prévention.
Document unique : phase élaboration et communication
Une méthode. Une fois le travail d’identification des risques en rapport avec l’activité de l’entreprise effectué, il va falloir élaborer le document unique, sous peine de sanctions, et le communiquer aux salariés, là encore sous peine de sanctions.
Recours aux tableaux de bord. Pour chaque zone de travail, regroupez dans un tableau de bord les postes occupés et les travaux réalisés, les dangers et risques identifiés, leur niveau et fréquence et la gravité des lésions possibles (en recourant, par exemple, à un système de codage), ainsi que les moyens de préventions existants. Mentionnez tous les éléments nouveaux de nature à modifier ou à adapter les conditions de travail (exemple : réception d'une nouvelle machine, réfection d'un local, etc.). Précisez également les dates de vérifications et de contrôles effectués, en indiquant les personnes référentes (exemple : date de vérifications des extincteurs incendie, vérification électrique, etc.).
Conseils. Faites mention de tous les documents utiles que vous avez utilisés pour évaluer les risques professionnels (fiche entreprise de la médecine du travail, dossier inspection du travail, dossier des accidents du travail et des maladies professionnelles, compte rendu de réunions du CHSCT ou du CSE, le cas échéant, règlement intérieur, consigne de poste, etc.) et précisez les coordonnées de tous les organismes de référence (du type inspection du travail, médecine du travail, organismes de vérification agréés, etc.).
Attention. Le défaut d'établissement du document unique est sanctionné par une amende contraventionnelle de 5ème classe (7 500 € pour une entreprise). Les juges ont également considéré que l’absence d’élaboration du document unique pouvait donner au lieu au versement de dommages-intérêts aux salariés qui en font la demande. Mais cela suppose toutefois de prouver l’existence d’un préjudice...
Le saviez-vous ?
Par principe, le document unique doit être mis à jour au moins une fois par an, ainsi qu'à la suite de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, ou encore lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.
Toutefois, dans les très petites entreprises, comptant moins de 11 personnes, il vient d'être admis que la mise en œuvre de ce document unique pourra être moins fréquente, une mise à jour annuelle pouvant s'avérer une contrainte lourde pour ces entreprises. Un décret est attendu à ce sujet pour définir les modalités d'applications de cette « nouvelle » mesure… qui date du 22 mars 2012 !
Communiquez votre document unique ! Le document unique d'évaluation des risques professionnels doit être communiqué à l'ensemble des salariés de l'entreprise, des représentants du personnel, à la médecine du travail, à l'inspection du travail, aux agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, etc. Notez que cette obligation s’étend aussi aux salariés des entreprises extérieures.
Nouveauté. L’employeur devra également transmettre le DUER au service de prévention et de santé au travail auquel il adhère à chacune de ses mises à jour.
Attention. L'absence de mise à disposition de document aux représentants du personnel peut constituer un délit d'entrave, passible d'une amende de 7 500 €.
Conseils.
- désignez un collaborateur référent pour vous assister dans votre mission de prévention des risques ;
- au-delà de cette désignation du « préventeur », associez les autres salariés à l’élaboration du document unique, parce que par définition concernés, ils peuvent vous apporter des remarques, informations et suggestions pertinentes ;
- pensez à renseigner les consignes de postes qui permettront de dispenser une information sur les conditions d'utilisation et de maintenance des postes de travail ;
- mettez à jour ce document régulièrement ;
- affichez de manière visible les informations indiquant les modalités d’accès des salariés au document unique (au même emplacement que le règlement intérieur pour les entreprises employant au moins 20 salariés) ;
- ne considérez pas que la mise en place de ce document n’aura que pour unique objectif de répondre à une obligation légale : la mise en place et la mise à jour de ce document est aussi l’occasion d’informer et d’agir régulièrement sur les conditions de sécurité au travail.
Document unique : quelle conservation ?
Conservation. Le document unique, ainsi que ses versions successives, devront être conservés par l’employeur pendant au moins 40 ans et mis à disposition des travailleurs et de toute personne et instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès.
Vers la dématérialisation ? Le DUER devra faire l’objet d’un dépôt, dématérialisé, sur un portail numérique, administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Confidentialité ! Ce portail devra impérativement préserver la confidentialité des données contenues dans le DUER : l’accès à ce document sera restreint via une procédure d’authentification sécurisée, ouverte aux seules personnes et instances habilitées à déposer et mettre à jour le document sur le portail, ainsi qu’à celles justifiant d’un intérêt à y avoir accès.
Le saviez-vous ?
L’obligation de dépôt dématérialisé du document unique s’appliquera :
- à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 150 salariés ;
- au plus tard à compter du 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés.
Pour autant, le ministère du Travail, interrogé sur ce point, a annoncé le report du dépôt dématérialisé du DUERP en raison de difficultés opérationnelles liées à la mise en place de la plateforme.
À noter. La durée exacte et les modalités de conservation et de mise à disposition du DUER seront précisées par décret (non encore paru à ce jour).
À retenir
Elaborer un document unique, même s’il s’agit de répondre à une obligation, sera l’occasion de faire un état des lieux des conditions de sécurité au travail dans l’entreprise. Même si, dans les petites entreprises, il n’est pas obligatoire de faire de mise à jour annuelle (une obligation dans les entreprises de taille plus importante), ne laissez pas « vieillir » votre document unique.
Pour l’élaboration de ce document, associez vos salariés à la démarche : ils peuvent vous apporter des informations très utiles.
J'ai entendu dire
Existe-t-il un modèle de document unique d'évaluation des risques professionnels ?La réponse est négative, du moins pas officiellement, et notamment parce que ce document unique doit être adapté à chaque entreprise. Des exemples de documents types, dont il est possible de s'inspirer, ont toutefois été mis en place, notamment par les organisations professionnelles et les chambres de commerce et d'industrie.
- Articles L 4121-3 et R 4121-1 et suivants du Code du Travail
- Articles L 4644-1, R 4644-1 à R 4644-11 du Code du Travail (assistance par un salarié ou un intervenant extérieur)
- Article L 2317-1 du Code du Travail (délit d’entrave)
- Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, article 53
- Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, article 3
- Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales
- Décret n° 2014-1158 du 9 octobre 2014 relatif au document unique d’évaluation des risques et aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité
- Décret n° 2015-1885 du 30 décembre 2015 relatif à la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 25 octobre 2011, n° de pourvoi 10-82133 (communication aux salariés des entreprises extérieures)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2014, n° 13-15470 et 13-15474 (dommages-intérêts en l’absence de document unique)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 25 septembre 2019, n° 17-22224 (dommages-intérêts en l’absence de document unique)
- Réponse ministérielle Chaize du 30 novembre 2023, Sénat, no 08076 : « Obligation de dépôt dématérialisé du document unique d’évaluation des risques professionnels et de ses mises à jour » (Report dépôt dématérialisé du DUERP pour les entreprises concernées)
- Actualité du ministère du travail du 30 mai 2024 : « Agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) | Traçabilité de l’exposition des travailleurs »