Droit de reprise du bail rural : ce qu’il faut savoir
Droit de reprise du bail rural : pour qui, pour quoi ?
Droit de reprise en fin de bail… Le droit de reprise est l’un des motifs qui permet au bailleur de refuser le renouvellement du bail rural.
Droit de reprise en cours de bail. Le droit de reprise peut également être mis en œuvre au cours du bail, à des périodes dites :
- « sexennales » : 6 ans après le renouvellement du bail rural, le bailleur peut reprendre le bail au profit de son(a) conjoint(e), de son(a) partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'un ou de plusieurs de ses descendants majeurs ou mineurs émancipés, qui devront exploiter personnellement les lieux loués ;
- « triennales » : tous les 3 ans, le bailleur ou co-bailleur devenu majeur ou émancipé au cours du bail ou du renouvellement bénéficie d’un droit de reprise à son profit.
Il faut le notifier à l’exploitant agricole. Le bailleur qui entend exercer la reprise à la fin du bail doit notifier un congé à l’exploitant agricole au moins 18 mois à l'avance. Lorsqu’il entend exercer ce droit au cours du bail, il doit le notifier au moins 2 mois à l’avance.
Opposition de l’exploitant agricole évincé. Toutefois, l’exploitant agricole peut s'opposer à la reprise lorsqu'il se trouve à moins de 5 ans de l'âge de la retraite ou à 5 ans de l’âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans ce cas, le bail est prorogé pour une durée égale à celle qui permettra à l’exploitant agricole de bénéficier de la retraite à taux plein.
Comment s’opposer ? L’exploitant agricole doit, dans les 4 mois du congé qu'il a reçu, notifier au bailleur, par LRAR, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le Tribunal paritaire des baux ruraux en contestation de congé.
Suite à la prorogation. Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé à l’exploitant agricole.
Quand le droit de reprise est subordonné à une autorisation… Quand la reprise est subordonnée à une autorisation du contrôle des structures des exploitations agricoles, le Tribunal paritaire des baux ruraux peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive.
Bail prorogé. Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les 2 derniers mois de l'année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale suivante.
Indemnité de l’exploitant agricole évincé. Lorsque le droit de reprise est mis en œuvre, l’exploitant agricole évincé a droit à une indemnité de sortie.
Droit de reprise du bail rural : les conséquences
Les obligations du bénéficiaire. Le bénéficiaire de la reprise est soumis à de nombreuses obligations qui visent à protéger l’exploitant agricole évincé d’éventuels abus.
Une exploitation durant 9 ans. Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins 9 ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société.
Une participation effective. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux agricoles de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le saviez-vous ?
Il a été jugé que le bénéficiaire de la reprise, à la tête d’une exploitation agricole située à 450 km de la ferme reprise, ne justifiait pas pouvoir l’exploiter personnellement. L’obligation de participation effective n’étant pas remplie, le congé pour reprise a été annulé…
Une habitation sur les lieux repris. Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Contrôle des structures. Le bénéficiaire du droit de reprise doit être en règle avec le contrôle des structures (autorisation d’exploiter, respect des conditions de capacité professionnelle, etc.). Le bénéficiaire de la reprise n’a pas besoin d’obtenir l’autorisation d’exploiter lorsque le parent de qui il tient son droit de reprise détient les parcelles agricoles depuis au moins 9 ans.
Attention ! Lorsque le parent de qui il tient son droit de reprise détient les parcelles agricoles en « indivision », le bénéficiaire de la reprise ne peut pas se prévaloir du délai de détention d’au moins 9 ans, faute pour le parent d’avoir détenu les parcelles seul. Par conséquent, il doit obtenir l’autorisation d’exploiter.
À noter. Le bénéficiaire du droit de reprise doit disposer de capacités financières suffisantes.
À noter (bis). Le bénéficiaire du droit de reprise ne doit pas avoir atteint l’âge de la retraite agricole.
Abus du droit de reprise. Au cas où il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions légales ou que le bailleur n'a exercé la reprise que dans le but d’éviter le droit au renouvellement de l’exploitant agricole, ce dernier a droit :
- soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée ;
- soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts ;
- soit à des dommages-intérêts.
Les obligations de l’exploitant agricole évincé. L’exploitant agricole doit quitter les lieux loués à la date d’effet du congé valablement délivré. À défaut, il peut être condamné à verser une indemnité au bénéficiaire de la reprise.
À retenir
Le droit à reprise est l’un des motifs permettant au bailleur de refuser le renouvellement du bail rural. Mais le droit à reprise existe également au cours du bail : il est alors, selon les cas, soit « sexennal » soit « triennal ».
Dans tous les cas, le bénéficiaire du droit de reprise doit respecter de nombreuses obligations, comme l’exploitation effective des lieux anciennement loués, l’objectif étant de protéger l’exploitant agricole d’éventuels abus.
- Articles L 411-46 et suivants du Code rural et de la pêche maritime
- Articles R 411-10 et suivants du Code rural et de la pêche maritime
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 24 mars 2010, n° 09-11402 (indemnisation du bénéficiaire-exploitant agricole qui se maintient sur les lieux)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 juillet 2018, n° 16-28123 (congé pour reprise annulé-exploitation de 2 fermes éloignées de 450 km)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 juillet 2018, n° 17-10012 (congé pour reprise et indivision)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 10 septembre 2020, n° 19-15511 (congé pour reprise et reprise effective du bénéficiaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 3 décembre 2020, n° 19-14382 (exemple d’une reprise régulière)