Entreprise d’intérim : gérer vos relations avec les entreprises utilisatrices
Les préalables de la relation contractuelle, vos obligations
Un contrat. Une entreprise vous contacte car elle a besoin d’un travailleur temporaire. Vous devez établir, avec elle, vos conditions d’intervention. Pour cela, vous allez rédiger un contrat de mise à disposition.
Un formalisme précis ? Vous devez conclure, avec l’entreprise utilisatrice, un contrat au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant la mise à disposition de l’entreprise du salarié intérimaire. Ce contrat doit prévoir :
- le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire,
- le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer le cas échéant,
- le terme de la mission, ou sa durée minimale (et, le cas échéant, la clause prévoyant la possibilité de modifier ce terme),
- les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir,
- la qualification professionnelle exigée,
- le lieu de la mission et l'horaire,
- la nature des équipements de protection individuelle que le salarié utilisera (il peut être précisé si ceux-ci sont fournis par l'entreprise de travail temporaire),
- le montant de la rémunération avec ses différentes composantes,
- la mention éventuelle selon laquelle le poste à pourvoir expose le travailleur intérimaire au-delà des seuils réglementaires d’exposition à des facteurs de risques professionnels (ce qui suppose que l’entreprise utilisatrice vous fournisse les informations nécessaires pour l’établissement de la fiche individuelle de prévention des expositions, au vu des conditions habituelles de travail appréciées en moyenne sur l’année, caractérisant le poste occupé),
- le nom et l'adresse du garant de l’entreprise de travail temporaire.
Une mention interdite. Vous ne pouvez pas insérer de clause, dans le contrat de mise à disposition, interdisant à l’entreprise utilisatrice d’embaucher le salarié à l’issue de sa mission.
Le saviez-vous ?
En principe, la loi interdit le prêt de main d’œuvre à but lucratif. Mais les entreprises de travail temporaire dérogent à ce principe. Concrètement, cela signifie qu’il est, normalement, impossible de retirer un bénéfice de la mise à disposition d’un salarié auprès d’une autre entreprise. Néanmoins, cette interdiction ne peut pas concerner les entreprises de travail temporaire car ce type de prestation est l’essence même de leur activité.
Une garantie financière. Vous devez souscrire une garantie financière, avec une société de caution mutuelle, ou une compagnie d’assurance ou un établissement financier, représentant un minimum de 8 % de votre chiffre d’affaires sans pouvoir être inférieure à 138 072 € pour l'année 2023 (ou à 104 146 € à Mayotte). Cette obligation vise à garantir le paiement des salaires et des charges sociales si votre entreprise rencontre des difficultés financières. Notez que la délivrance de l’attestation de vigilance, par l’Urssaf, est conditionnée à l’obtention de cette garantie financière.
En cours de contrat, partage des responsabilités
Hygiène et sécurité. En matière d’hygiène et de sécurité, les responsabilités seront partagées. Il convient donc de distinguer vos obligations vis-à-vis des salariés temporaires et les obligations de l’entreprise utilisatrice.
En matière de surveillance médicale. C’est à vous que revient la charge d’assurer la surveillance médicale de vos salariés, c’est-à-dire d’organiser les visites médicales auprès de la médecine du travail. Depuis le 31 mars 2022, si l’entreprise utilisatrice dispose d’un service de prévention et de santé au travail, elle pourra conclure une convention avec vous et en faire bénéficier les intérimaires.
Fourniture des équipements de protection. Les équipements de protection individuelle sont, généralement, fournis par l'entreprise utilisatrice. Mais vous pouvez prévoir, dans le contrat de mise à disposition, les équipements que vous fournirez vous-même.
Accidents du travail. L’accident du salarié en mission est un accident du travail. Son coût est en partie mis à la charge de l'entreprise utilisatrice si, au moment de l'accident, elle est soumise au paiement des cotisations dues au titre des accidents de travail et des maladies professionnelles. Mais les juges peuvent décider, en cas de contentieux, d’une autre répartition. A ce sujet, il a déjà été jugé que puisque l’accident du salarié en mission est un accident du travail, il appartient à son employeur (l’entreprise de travail temporaire) de le réparer.
Incapacité permanente résultant d’un accident de travail. Notez qu’il n’est pas possible, pour une entreprise utilisatrice, de contester le taux d’incapacité d’un intérimaire fixé par la Caisse de sécurité sociale à la suite d’un accident de travail dont il a été victime. Le juge a rappelé que cette faculté n’était offerte qu’à l’employeur, c’est-à-dire à l’entreprise de travail temporaire.
Faute inexcusable. Lorsqu’un salarié engage la responsabilité de son entreprise de travail temporaire pour faute inexcusable, celle-ci doit « appeler à la cause » l’entreprise utilisatrice. C’est-à-dire qu’elle doit lui faire part de sa présence au tribunal.
Le saviez-vous ?
Lorsqu’une entreprise de travail temporaire souhaite agir contre une entreprise utilisatrice, pour la contraindre à supporter le coût de l’accident de travail d’un intérimaire, elle doit saisir le Tribunal judiciaire.
Formation du salarié. En qualité d’employeur, vous êtes tenu de financer le compte personnel de formation de vos salariés intérimaires. Vous devez dispenser leur une formation à la sécurité appropriée aux travaux à réaliser dans l’entreprise utilisatrice. Cette dernière doit tout de même organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité des intérimaires (sauf en cas de travaux urgents nécessités par sécurité). C’est pourquoi elle doit vous communiquer toutes les informations portant sur les particularités de l’entreprise et de son environnement susceptibles d’impacter la sécurité des travailleurs.
Une formation renforcée à la sécurité. Les intérimaires affectés à des travaux dangereux doivent bénéficier d'une formation renforcée organisée par l’entreprise utilisatrice. Si un accident survenait en l’absence d’une telle formation, le salarié pourrait agir en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (l’entreprise de travail temporaire). Mais ce dernier pourrait obtenir la prise en charge du coût de la faute inexcusable auprès de l’entreprise utilisatrice défaillante.
Pénibilité. L’entreprise utilisatrice doit vous communiquer, lors de la conclusion du contrat de mise à disposition, les informations nécessaires à la déclaration de pénibilité. Rappelons que ce contrat de mise à disposition doit indiquer les facteurs de risques professionnels auxquels le salarié va être exposé. Il vous appartient ensuite de déclarer à la caisse nationale d'assurance vieillesse ou à la MSA pour les salariés agricoles, tout salarié, titulaire d'un contrat de travail d'une durée supérieure ou égale à un mois, exposé au-delà des seuils réglementaires. Cette déclaration s’effectue via la déclaration sociale nominative (DSN).
Quels sont les représentants du personnel compétents ? Par principe, c’est à l’entreprise utilisatrice qu’il appartient d'exercer une mission de vigilance à l'égard de l'ensemble des salariés de l'établissement placés sous l'autorité de l'employeur. Toutefois, le droit à la santé et à la sécurité étant fondamental, lorsque le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire est alerté d’un risque grave encouru par les intérimaires dans l’entreprise utilisatrice dont ils sont mis à disposition, sans que cette entreprise utilisatrice ne prenne de mesure à leur égard, il peut décider d’une expertise.
En cas d’action en requalification par l’intérimaire
Une responsabilité « solidaire » ? L’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire sont solidairement responsables des conséquences de la rupture du contrat résultant d’une requalification des contrats de mission en CDI. Mais seule l’entreprise utilisatrice devra verser au salarié l’indemnité de requalification.
Le saviez-vous ?
En cas de requalification des contrats de mission en CDI, l’entreprise utilisatrice ne peut pas réclamer des dommages-intérêts au titre d’un manquement de l’entreprise de travail temporaire à son une obligation de conseil portant sur la pertinence du recours au contrat de travail temporaire.
Maintien temporaire de la relation de travail. Le juge, saisi en référé, peut ordonner le maintien de l’intérimaire dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice, le temps qu’il soit statué sur l’éventuelle requalification des contrats de mission en CDI. Lorsque le salarié a obtenu cette requalification, et si l’entreprise temporaire a maintenu le salaire, celle-ci peut lui réclamer le remboursement des salaires versés après l’échéance de la dernière mission.
A noter. Si une entreprise de travail temporaire conclut des contrats de mission irréguliers, la requalification des contrats de travail intérimaire en CDI est possible, peu importe que l’intérimaire ait déjà obtenu cette requalification auprès de l’entreprise utilisatrice.
Un partage de responsabilité apprécié par le juge. Le juge peut condamner l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire à réparer le préjudice du salarié résultant de contrats de missions illégaux (et qu’il a requalifiés en CDI). Il peut alors apprécier la part de responsabilité de chacune d’elles.
A retenir
Lorsque vous êtes sollicité par une entreprise pour lui mettre à disposition un salarié, vous devez établir un contrat écrit (un contrat de mise à disposition d’un salarié). De ce contrat découleront des obligations pour vous et l’entreprise utilisatrice.
- Article L8241-1 du Code du travail (interdiction du prêt de main d’œuvre à but lucratif sauf pour les ETT)
- Articles L1251-42 et suivants du Code du travail (contrat de mise à disposition)
- Article L4161-1 du Code du travail (facteurs de risques professionnels)
- Article L4154-4 du Code du travail (communication par l’entreprise utilisatrice des informations sur l’environnement et les particularités de l’entreprise impactant la sécurité)
- Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la Sécurité Sociale pour 2020 (article 22 – Garantie financière)
- Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail (article 23)
- Décret n° 2022-317 du 4 mars 2022 fixant le montant minimum de la garantie financière des entreprises de travail temporaire à Mayotte
- Décret n° 2022-1711 du 28 décembre 2022 pris pour l'application de l'article L. 1251-50 du code du travail et relatif au montant minimum de la garantie financière des entreprises de travail temporaire
- Décret n° 2023-51 du 1er février 2023 fixant le montant minimum de la garantie financière des entreprises de travail temporaire à Mayotte
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 16 septembre 1997 n° 96-82618 (l’ETT doit former ses intérimaires à la sécurité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 mai 2007, n° 05-21355 (l’ETT doit supporter le coût de l’accident de travail de son intérimaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 mai 2016, n° 15-18461 (compétence du TASS en cas de recours d’1 ETT contre une entreprise utilisatrice pour la charge du coût d’un accident de travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 décembre 2017, n° 15-29519 (solidarité ETT et entreprise utilisatrice en cas de requalification des missions en CDI)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 15 mars 2018, n° 16-19043 (intérim et contestation du taux d’incapacité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 13 juin 2018, n° 17-14974 (l’obligation de conseil de la société d’intérim ne porte pas sur la pertinence du choix du contrat)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 11 octobre 2018, n° 17-23694 (absence de formation renforcée et faute inexcusable de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 avril 2019, n° 18-16665 (requalification du contrat déjà requalifié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 février 2020, n° 18-17179 (charge du paiement de l’indemnité de requalification)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 26 février 2020, n° 18-22556 (compétence des instances représentatives du personnel de l’ETT)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 19-12416 (remboursement à l’ETT des salaires maintenus en attendant une requalification)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 novembre 2020, n° 18-18294 (partage des responsabilités requalification en CDI)