Faire appel à un transporteur étranger : des impacts sociaux
Transporteur étranger : les obligations de son employeur
Un objectif. Dans un souci de lutte contre la concurrence déloyale des transporteurs étrangers, vis-à-vis des transporteurs français, des mesures d’harmonisation des règles de transports sur le territoire nationale ont été prises depuis le 1er juillet 2016. Comment se manifestent-elles ?
Des moyens… Une entreprise de transports étrangère qui détache ses salariés sur le territoire français est tenue d’établir, pour chaque salarié détaché en France, une attestation de détachement. Cette attestation de détachement se substituera à la déclaration de détachement, obligatoirement transmise à l’inspection du travail du lieu où débute sa prestation.
Le saviez-vous ?
Tous les transports sont visés (transport de personnes ou transport de marchandises). Les règles du détachement vont s’appliquer chaque fois qu’il y aura des opérations de cabotage, c’est-à-dire des opérations d’embarquement ou de débarquement de nouveaux passagers ou de chargement ou de déchargement des marchandises.
Une durée de validité. L’attestation de détachement est établie pour une durée maximale de 6 mois et peut couvrir différentes opérations de détachement.
Un formalisme. L’attestation de détachement doit être établie en français avant le début du détachement, datée et signée par l’employeur et comporter :
- le nom de l’entreprise ou de l’établissement employeur, ainsi que son adresse postale et son adresse mail, ses coordonnées téléphoniques, sa forme juridique de l'entreprise ;
- les noms, prénoms, date et lieu de naissance du ou des dirigeants, la désignation du ou des organismes de sécurité sociale ou assimilés auxquels l'entreprise verse les cotisations de sécurité sociale ou assimilées ;
- les nom et prénoms, les date et lieu de naissance, l'adresse de résidence habituelle, la nationalité, la date de signature du contrat de travail et le droit du travail applicable au contrat de travail, la qualification professionnelle du salarié détaché ;
- le taux de salaire horaire brut, converti en euros le cas échéant, ainsi que les modalités de prise en charge par l'entreprise de frais engagés pour l'hébergement et les repas, par jour de détachement, attribués au salarié détaché ;
- la raison sociale ou les nom et prénom ainsi que les adresses postale et électronique, les coordonnées téléphoniques du représentant de l’employeur sur le territoire français ainsi que son numéro SIRET, le lieu de conservation (sur le territoire français) des documents nécessaires à un éventuel contrôle de l’inspection du travail ou les modalités permettant d’y avoir accès et de les consulter depuis le territoire national ; notez que la désignation du représentant vaut pour toute la durée de la prestation en France et jusqu’à 18 mois après qu’elle aura pris fin ;
- pour les entreprises de transport routier, les références de leur immatriculation au registre électronique national des entreprises de transport par route ;
- le nom de l’entreprise ou de l’établissement d’accueil en France, ainsi que ses coordonnées postales, électroniques et téléphoniques, son numéro SIRET, la date de début du détachement et sa date de fin, les modalités de prise en charge des frais de voyage et, le cas échéant, l’adresse du lieu d’hébergement du salarié.
Qui détient l’attestation ? L’attestation de détachement doit être remise au salarié détaché qui doit la préserver dans son moyen de transport et la présenter lors des contrôle.
Attention ! Si l’attestation de détachement n’est pas conservée à bord du véhicule du salarié détaché, ou si elle est rédigée de manière incomplète ou erronée, illisible ou effaçable, l’employeur encourt une amende de 750 € maximum.
Le saviez-vous ?
Il existe 3 formulaires Cerfa qui permettent de s’assurer de la régularité de l’attestation :
- le 1er modèle correspond au cas où un salarié étranger est détaché dans le cadre de l'exécution d'une prestation de services par une entreprise de transport : Cerfa n°15553*01 ;
- le 2ème modèle concerne le salarié détaché par une entreprise de travail temporaire établie hors de France : Cerfa n°15554*01 ;
- le 3ème modèle, quant à lui, concerne la mobilité intragroupe, c’est-à-dire les entreprises établies à l’étranger qui détachent un salarié auprès d’un établissement ou d’une entreprise du même groupe situé en France : Cerfa n°15552*01.
Consulter ici le formulaire Cerfa :
=> n° 15553*01 correspondant au 1er modèle,
=> n° 15554*01 correspondant au 2ème modèle,
=> n° 15552*01 correspondant au 3ème modèle.
Un téléservice ? L’attestation de détachement doit désormais être renseignée directement via le téléservice SIPSI, disponible ici.
Ce que le salarié doit conserver sur lui… Outre cette attestation de détachement, le salarié doit conserver à bord de son véhicule :
- son contrat de travail ;
- une copie traduite en français du contrat de mise à disposition et de l’avenant au contrat de travail du salarié.
Preuve de sa qualification. Par principe, tout conducteur doit pouvoir justifier de la régularité de sa situation au regard des obligations de qualification initiale ou de formation continue auprès des agents de contrôle suivants :
- inspecteurs et contrôleurs du travail, ainsi qu’agents habilités à exercer leurs fonctions dans certaines branches professionnelles ;
- fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres sous l'autorité du ministre des transports ;
- agents des douanes ;
- agents publics ayant qualité pour constater les infractions au code de la route.
Comment ? Ainsi, les conducteurs ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne, qui sont employés ou dont les services sont utilisés par une entreprise établie dans un Etat membre, devra présenter, sur demande de ces agents, l'attestation de conducteur requise (qui doit elle-même mentionner le code harmoniser « 95 »).
Responsabilité de l’employeur. Si ces documents ne figurent pas à bord du véhicule du salarié détaché, l’employeur encourt une amende de 450 € au plus.
Obligation du représentant de l’employeur en France. Le représentant établi en France de l’entreprise étrangère doit conserver et présenter, le cas échéant, à l’inspecteur du travail :
- les bulletins de paie du salarié correspondant à la période de détachement ou tout document mentionnant :
- le salaire horaire brut, converti au besoin en euros, assorti de la majoration pour heures supplémentaires,
- la période et les horaires de travail en distinguant les heures payées au taux normal et les heures majorées,
- les congés et jours fériés, ainsi que les éléments de rémunération s’y rapportant ;
- tout document justifiant du paiement effectif du salaire ;
- la désignation du représentant, traduite en français, mentionnant les nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse électronique et postale en France, le cas échéant la raison sociale, ainsi que les coordonnées téléphoniques du représentant mais également l'acceptation par ce dernier de sa désignation, sa date d'effet et sa durée (qui ne peut excéder la période de détachement) ; notez que l’obligation de conservation de cette désignation est supprimée à compter du 1er juillet 2019 ;
- l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié, le cas échéant ;
- uniquement lorsque l’employeur du salarié détaché est établi en dehors de l’Union européenne, une attestation de régularité de sa situation sociale, ou une attestation de fourniture de déclaration sociale provenant d’une caisse française de recouvrement des cotisations sociales datant de moins de 6 mois.
Transporteur étranger : la responsabilité du donneur d’ordre
Un contrôle possible. Les entreprises utilisatrices des prestations de transport réalisées par des entreprises étrangères peuvent être soumises à un contrôle de l’administration du travail quant aux salariés détachés.
Que devez-vous vérifier ? Vous devez vous assurer que l’attestation de détachement a été régulièrement établie, sous peine d’amende administrative. . Concrètement, vous devez demander à l’employeur, avant le début du détachement du salarié, une copie de l’attestation de détachement. Vous serez réputé avoir vérifié que l’employeur a bien respecté son obligation relative à cette attestation dès lors qu’il aura procédé à la remise de ce document.
Une amende administrative. Le manquement à votre obligation de vigilance peut être sanctionné par une amende administrative, prononcée par le directeur de la Direccte. Son montant est au maximum de 4 000 € par salarié détaché concerné ou de 8 000 € en cas de réitération de l’infraction dans un délai d’1 an depuis la précédente notification de l’amende. L’amende est néanmoins plafonnée à 500 000 €.
Etendue de votre responsabilité. Lorsqu’un inspecteur du travail vous informe, par écrit, d’une infraction commise par l’employeur, vous devez l’enjoindre immédiatement (dans les 24 heures) de faire cesser cette situation. Procédez par une LRAR. Les infractions visées sont celles tenant aux :
- libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
- discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
- protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d'accueil de l'enfant, congés pour événements familiaux ;
- conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
- exercice du droit de grève ;
- durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
- conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
- salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
- règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d'admission au travail, emploi des enfants,
Un délai de réponse… L’employeur est tenu de vous répondre dans les 15 jours. Si, à l’issue de ce délai de 15 jours, vous n’avez pas eu de réponse de l’employeur, vous disposez d’un délai de 2 jours pour en informer l’agent de contrôle.
Le saviez-vous ?
Si vous n’enjoignez pas l’employeur ou que vous omettez d’informer l’agent de contrôle, vous encourez une amende d’un montant maximum de 1 500 €.
A retenir
Lorsqu’une entreprise de transport étrangère détache des salariés sur le territoire français, elle est tenue d’établir un certain nombre de formalités. De votre côté, si vous bénéficiez de la prestation, vous devez être vigilant quant au respect de ces formalités. Une négligence pourrait vous coûter cher…
- Articles L 3411-1 et suivants du Code des Transports
- Article 131-13 du Code Pénal (montant des amendes en cas d’infraction)
- Règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil (obligation d’immatriculation, article 16)
- Décret n°2016-418 du 7 avril 2016 adaptant le titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises de transport détachant des salariés roulants ou navigants sur le territoire national et modifiant le code des transports
- Décret n° 2019-555 du 4 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au détachement de travailleurs et au renforcement de la lutte contre le travail illégal, article 3
- Arrêté du 29 juin 2016 relatif à l’attestation de détachement des salariées roulants et navigants des entreprises de transport (formulaires Cerfa)
- Foire aux questions sur les nouvelles dispositions relatives aux modalités d’application du droit du détachement des travailleurs aux salariés roulants ou navigants des entreprises de transports terrestres du Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer, version du 15 juin 2016
- Décret n° 2020-1078 du 20 août 2020 relatif à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs
- Arrêté du 20 août 2020 fixant la distance maximale prévue au 11° de l'article R. 3314-15 du code des transports
- Foire aux questions sur les dispositions relatives aux modalités d’application du droit du détachement des travailleurs aux salariés roulants ou navigants des entreprises de transports terrestres, Ministère chargé des transports, octobre 2021