Faire face à l’invalidité d’un salarié
L’invalidité, qu’est-ce que c’est ?
Un secret… Sachez qu’aucun salarié n’est tenu de vous révéler son état de santé ou sa situation de handicap. Cela est valable même si vous êtes soumis à une obligation d’emploi de travailleurs handicapés.
… de polichinelle ? Mais lorsque vous apprenez la situation du salarié concerné, vous devez adopter certains réflexes. Sachez tout d’abord qu’un salarié qui est titulaire d’une pension d’invalidité ou d’une carte d’invalidité est reconnu travailleur handicapé. Ce statut impose une surveillance médicale renforcée par le médecin du travail et permet au salarié de bénéficier d’un doublement de son préavis (dans la limite de 3 mois), en cas de rupture de son contrat.
Qu’est-ce que l’invalidité ? L’invalidité désigne la situation d’une personne dont la capacité de travail ou de gain est fortement diminuée en raison de son état de santé. Elle est évaluée par la caisse de Sécurité Sociale et n’a pas d’impact direct sur le contrat de travail.
Le saviez-vous ?
C’est le médecin conseil de la Sécurité Sociale qui constate l’invalidité et qui détermine la catégorie d’invalidité de la personne examinée. Il en existe 3 :
- la 1ère catégorie correspond aux invalides capables d'exercer une activité rémunérée,
- la 2ème catégorie correspond à ceux qui sont absolument incapables d'exercer une activité professionnelle,
- la 3ème catégorie correspond à ceux qui, non seulement sont incapables d'exercer une quelconque activité professionnelle mais sont, en outre, dépendants de l’assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
L’invalidité, des effets sur le contrat de travail ?
Une distinction capitale. L’invalidité est à distinguer de l’inaptitude. Un salarié peut être invalide sans toutefois être inapte à son poste. Réciproquement, un salarié peut être inapte à son poste, sans pour autant être invalide, ni même être reconnu en tant que travailleur handicapé.
Le rôle des médecins… Alors que l’invalidité est constatée uniquement par le médecin conseil de la Sécurité sociale, l’inaptitude, quant à elle, résulte d’un constat établi par le médecin du travail. Seule l’inaptitude aura, par ailleurs, des effets sur le contrat de travail.
Invalidité reconnue pendant un arrêt maladie. Il peut arriver qu’à l’occasion d’un arrêt maladie, un de vos salariés soit reconnu invalide. Sachez que s’il n’est pas tenu de vous en informer, la Sécurité Sociale n’a pas non plus à le faire. Si votre salarié continue de vous adresser ses arrêts maladie, le contrat de travail reste suspendu.
Spécificité de l’invalidité 2ème catégorie. Si, en cours d’arrêt maladie, votre salarié vous informe qu’il est classé en invalidité 2ème catégorie, vous devez faire procéder à une visite médicale de reprise, même si votre salarié ne vous précise pas qu’il souhaite reprendre le travail. Vous ne pourrez vous dispenser de cette formalité que si le salarié manifeste clairement sa volonté de ne pas reprendre le travail.
Pour la petite histoire… Un employeur, informé par son salarié de son classement en invalidité 2ème catégorie, a attendu 4 ans pour convier ce salarié à une visite médicale de reprise. Il a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Considérant que l’organisation de la visite de reprise était trop tardive, le salarié a agi en justice pour demander des dommages-intérêts… que le juge lui a accordés. Une telle négligence de l’employeur justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A noter. Toutefois, en l’absence de visite de reprise, le contrat de travail reste suspendu. Le salarié ne peut donc pas exiger le bénéfice des dispositions relatives à l’inaptitude.
Des dommages-intérêts ? Un retard dans l’organisation d’une visite de reprise pourra ouvrir droit à une indemnisation au bénéfice du salarié. Toutefois, il appartient au juge d’apprécier l’existence d’un préjudice et son évaluation. Il a ainsi pu refuser d’indemniser une salariée qui ne justifiait d’aucun préjudice qui aurait résulté du retard de la visite médicale de reprise, organisée à son initiative, 4 ans après son placement en invalidité.
Le saviez-vous ?
Si votre salarié est classé en invalidité en l’absence de tout arrêt de travail, vous n’avez pas à faire intervenir le médecin du travail.
Attention ! Vous ne pouvez pas déduire du classement en invalidité (quelle que soit la catégorie) de votre salarié qu’il est inapte à occuper son poste. Si vous le licenciez pour inaptitude alors qu’il n’aura pas vu le médecin du travail, le licenciement pourra être déclaré nul (parce que motivé par l’état de santé du salarié).
A retenir
En principe, l’invalidité n’a pas d’incidence directe sur la relation de travail. Le classement en invalidité permet au salarié concerné d’être reconnu travailleur handicapé, ce qui aura des effets sur sa surveillance médicale, l’exécution de son préavis… Mais il est interdit de licencier un salarié du fait de son invalidité. En revanche, son inaptitude, constatée par le médecin du travail, justifierait une fin de contrat, en cas d’impossibilité de reclassement.
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 novembre 2006, n° 05-41380 (silence du salarié sur son handicap et application des dispositions applicables aux handicapés)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 25 janvier 2011, n° 09-43172 (organisation de la visite médicale de reprise et classement en invalidité 2ème catégorie)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 17 mai 2016, n° 14-23138 (dommages-intérêt à défaut d’organisation de la visite médicale de reprise malgré l’information de l’invalidité)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 décembre 2017, n° 12-19886 (le classement en invalidité 2ème catégorie ne justifie pas un licenciement pour inaptitude)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020, n° 18-24978 (défaut de visite de reprise et invalidité de 2e catégorie)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020, n° 18-26481 (défaut de visite de reprise et invalidité de 2e catégorie)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 19-15922 (retard dans la visite de reprise et absence de préjudice)