Fixer la rémunération d’un salarié : quel montant ?
Se référer à un « prix de marché » ?
Quel profil, quel poste ? Vous avez nécessairement une idée du profil recherché, et parce que vous avez défini une fiche de poste, vous connaissez les critères et compétences que doit réunir le potentiel candidat.
Renseignez-vous ! Que ce soit auprès du recruteur (si vous faites appel au service de ce professionnel), auprès des services de Pôle Emploi, en vous documentant sur des fiches métiers, etc., vous pourrez avoir une idée de la fourchette de salaire communément admise pour fixer la rémunération du salarié à embaucher.
Y penser ! Dans le cadre de la phase « budgétisation » de votre embauche, n’oubliez pas d’inclure, outre le salaire et les charges sociales, le coût des taxes assises sur les salaires, les éventuels avantages que vous envisagez d’attribuer (avantages en nature, titres-restaurant, etc.), les pratiques associées à votre activité (avantage en nature repas dans le secteur de la restauration, indemnité de panier dans le secteur du bâtiment, etc.).
Le saviez-vous ?
Pour fixer le salaire de votre collaborateur, plusieurs modes sont possibles : si, évidemment, la fixation du salaire en fonction de la durée de travail effectif est le mode le plus répandu, il est aussi possible de rémunérer votre collaborateur au rendement en fonction de critères définis préalablement, ou encore au forfait (une convention de forfait doit être conclue par écrit).
Dans tous les cas, vous devez respecter les montants minimums, le principe d’égalité professionnelle, la non-discrimination en fonction de la religion, du sexe, des opinions, etc.
Attention. Vous pouvez fixer une part variable de rémunération, en fonction d’objectifs à réaliser par votre salarié, que vous devez définir, surtout si vous les fixez unilatéralement : il est impératif, dans cette hypothèse, que ces objectifs soient réalistes et réalisables. Vous devrez, en outre, les porter à la connaissance de votre salarié et lui fournir toutes les indications et données utiles et nécessaires servant au calcul cette rémunération variable. Ne faites pas comme cet employeur qui avait inclus une part variable dans la rémunération d’un de ses collaborateurs, en fonction d’objectifs qu’il avait fixé unilatéralement, sans pour autant lui indiquer avec précision les objectifs en question, ni les modalités de calcul : il a été condamné à verser l’intégralité de la rémunération variable.
Vous devez respecter un « salaire minimum »
Vérifiez le niveau du SMIC. Vous ne pouvez pas rémunérer un collaborateur à un niveau inférieur au SMIC. Le SMIC horaire brut, au 1er janvier 2024, est fixé à 11.65 € (soit un SMIC mensuel brut de 1766.92 € pour 35 heures hebdomadaire pour l'année 2024). Pour apprécier ce seuil impératif, vous devez tenir compte, non seulement du salaire de base, mais aussi des éventuels avantages en nature, ainsi que des primes directement liées au travail.
Tenir compte des primes ? Pour apprécier le montant du salaire à comparer avec le Smic, vous pouvez tenir compte des majorations et primes ayant le caractère d’un complément de salaire, par exemple :
- les pourboires à certaines conditions,
- les primes de production constituant un élément prévisible de rémunération,
- les primes de polyvalence compensant la formation du salarié à plusieurs postes de travail,
- les primes de performance ou de rendement individuel,
- les primes d’objectifs prévues au contrat de travail, constituant un élément de rémunération permanent et obligatoire, etc.
Attention. Ne tenez pas compte des éléments de rémunération qui ne sont pas directement liés au travail, comme par exemple : les frais professionnels, la prime de transport, les primes d’ancienneté (sauf à ce qu’elles soient considérées comme un élément permanent de rémunération par la convention collective applicable à l’entreprise), d’assiduité, de pénibilité, de résultat (lorsqu’elle est liée à la performance collective de l’ensemble des salariés de l’entreprise), l’indemnité de non-concurrence, l’indemnité de licenciement, etc. Ne tenez pas compte, non plus, des majorations pour heures supplémentaires, ni des majorations pour travail de nuit, travail le dimanche, travail les jours fériés.
Consultez votre convention collective. Ce n’est pas votre seule obligation : vous devez, en outre, respecter le salaire minimum garanti prévu dans la convention collective applicable à votre entreprise, en fonction de la classification du salarié embauché (on parle de minimum conventionnel). C'est effectivement aux conventions collectives que revient normalement le soin de définir les éléments du salaire qui doivent être pris en compte pour apprécier si votre salarié perçoit une rémunération au moins égale au minimum conventionnel, incluant le salaire de base ainsi que, le cas échéant, certains compléments de salaires.
Le saviez-vous ?
Notez que les accords d’entreprise peuvent déroger à la structure de la rémunération minimale conventionnelle en réduisant ou supprimant totalement les compléments de salaire. Toutefois, en contrepartie, d’autres éléments de rémunération devront être prévus, en plus du salaire de base, afin de garantir une rémunération effective au moins égale aux minima conventionnels.
Exemple 1. Il faut systématiquement consulter votre convention sur ce point puisqu’elle peut, elle-même, prévoir les éléments de rémunération qu’il faut prendre en compte et ceux qu’il faut exclure des éléments de comparaison entre le salaire versé et le minimum conventionnel. C’est ainsi, par exemple, qu’il a été jugé, dans une affaire, qu’il faut tenir compte des avantages individuels acquis, bien que ne constituant pas une contrepartie directe de la prestation de travail, dès lors que la convention collective applicable ne les retient pas parmi les éléments exclus de l’assiette de comparaison.
Exemple 2. La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire indique expressément que les salariés reçoivent une rémunération de leur temps de pause à hauteur de 5 % du temps de travail effectif, sans que ce temps de pause ne constitue du temps de travail effectif. Dans ce cas, si les salariés ne reçoivent aucune directive de l’employeur et s’ils peuvent librement vaquer à leurs occupations, ce temps de pause ne constitue pas du temps de travail effectif et ne doit pas être pris en compte dans le minima conventionnel.
Exemple 3. La convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées prévoit le versement d’une indemnité horaire pour travail le dimanche et les jours fériés. Retenez que l’indemnité n’a, néanmoins, pas à être doublée quand le dimanche travaillé coïncide avec un jour férié.
Exemple 4.La convention collective des cadres des travaux publics précise que la rémunération annuelle minimale comprend tous les éléments bruts de rémunération acquis dans le cadre d'une année civile (y compris les congés payés, la prime de vacances versée aux conditions conventionnelles et tous les éléments permanents du salaire). Elle exclut, en revanche, les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, ainsi que de l'épargne salariale, les sommes constituant des remboursements de frais, la rémunération des heures supplémentaires et les éventuelles régularisations effectuées au titre de l'année N-1, les primes et gratifications ayant un caractère aléatoire ou exceptionnel. Mais parce que les indemnités de congés payés ne font pas partie des éléments exclus de la rémunération annuelle minimale, elles doivent, d’après l’employeur, être prises en compte pour apprécier le respect du minimum conventionnel.
A noter. Sauf dispositions conventionnelles contraires, les primes payées en cours d’année en contrepartie ou à l’occasion du travail, doivent être prises en compte dans la détermination du salaire minimum pour le mois où elles ont été effectivement versées.
Cas des titres-restaurant. La contribution patronale à l’acquisition, par le salarié, de titres-restaurant n’est pas versée en contrepartie du travail. Elle n’entre donc pas dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum conventionnel.
Attention. Il peut arriver que le minimum conventionnel soit inférieur au SMIC : dans cette hypothèse, il faut compléter ce minimum conventionnel par un complément de salaire pour atteindre le montant du SMIC.
Le saviez-vous ?
Retenez cette règle : la rémunération de votre salarié ne peut pas être inférieure, ni au minimum conventionnel, ni au SMIC, selon le montant le plus élevé. Sinon, outre une régularisation des salaires, vous risquez une condamnation à des dommages-intérêts.
Et le juge ? Sachez que le juge a été et est régulièrement amené à se prononcer sur la question du respect du salaire minimum par les employeurs. Des différentes décisions, il ressort, d’une manière générale, qu’il faut tenir compte de toutes les sommes dont le versement est directement lié à l'exécution de la prestation de travail, mais là encore, sauf disposition contraire de la convention collective. Il est, à ce sujet, important de consulter votre convention collective sur ce point.
Exemple. Pour apprécier ce salaire minimum, le juge a été amené à retenir les primes de 13ème mois et 14ème mois, les avantages en nature, etc. Inversement, il exclut de la comparaison les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et des plans d'épargne salariale, la prime d'ancienneté liée à la présence du salarié dans l'entreprise, l’indemnité de non-concurrence, etc.
Fixer un salaire au-delà des minima. Certaines conventions collectives imposent des primes qui peuvent porter le salaire à un seuil qui excède les minima (conventionnels ou légaux).
Exemple des industries chimiques. La convention collective des industries chimiques prévoit un supplément de rémunération pour certains salariés lorsque l'exercice de leur emploi exige la connaissance d'une ou plusieurs langues, suffisante pour assurer couramment, soit la traduction (version), soit la rédaction (thème) d'un texte. Peu importe quel est le document à traduire (des e-mails suffisent), dès lors que la traduction/rédaction fait partie de l’exercice normal de la profession (que cette activité n’est pas ponctuelle), le supplément est dû.
Augmentation des minima conventionnels. Notez que l'augmentation des minima conventionnels prévus pas les conventions ou accords collectifs ne s’applique pas aux salariés dont la rémunération réelle est déjà supérieure à ces minima.
Effet de la classification professionnelle. Les conventions collectives prévoient généralement des grilles de classifications, des emplois cadres, auxquels il est possible de se référer pour fixer la rémunération du salarié selon les fonctions qu’il exerce.
A noter. Pour prétendre à une classification donnée, le salarié doit non seulement exercer les fonctions définies dans la convention collective, mais également détenir les diplômes ou les connaissances que cette même convention impose.
Exemple. Récemment, le juge a estimé que dans le cas où les missions attribuées à un salarié par le contrat de travail et sa rémunération ne correspondaient pas à la classification conventionnelle, et en l’absence de preuve de la volonté claire et non équivoque de l’employeur de surclasser ce salarié, il convient alors de rechercher les fonctions réellement exercées par ce salarié.
Le saviez-vous ?
Un avantage 'sport en entreprise' a vu le jour. Les frais avancés par l’employeur pour la mise en place du sport en entreprise pourront faire l’objet d’une exonération de charges sociales. Ainsi, les avantages suivants sont exclus de la base de calcul des cotisations sociales :
- la mise à disposition par l’employeur d’équipements sportifs à usage collectif ;
- le financement de prestations sportives à destination de l’ensemble des salariés.
A retenir
Retenez et respectez impérativement cette règle : la rémunération de votre salarié ne peut pas être inférieure, ni au minimum conventionnel, ni au SMIC, selon le montant le plus élevé.
Pensez aussi à respecter les principes d’égalité professionnelle et salariale, la non-discrimination en fonction de la religion, du sexe, des opinions, etc.
J'ai entendu dire
Est-il possible de fixer la rémunération d’un salarié embauché en CDD à un niveau inférieur à celle attribuée à un salarié embauché sur le même poste en CDI ?Sur le seul motif du statut juridique, la réponse est négative. Par contre, si vous embauchez un salarié en CDD pour pallier à l’absence d’une personne titulaire d’un CDI, vous pourriez appliquer un taux horaire inférieur si les tâches dévolues au remplaçant ne correspondent pas exactement à celles effectuées par la personne remplacée : ne pas réaliser l’ensemble des tâches du salarié remplacé constitue un critère objectif justifiant une rémunération inférieure.
Régulièrement, me semble-t-il, le SMIC fait l’objet de revalorisation : comment est calculée cette revalorisation ?
Le SMIC est revalorisé de la manière suivante (modalités applicables depuis 2013) :
- chaque 1er janvier, le Smic est revalorisé en tenant compte de l'évolution de l'indice mensuel des prix à la consommation hors tabac des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie (indice qui permet de mieux prendre en compte le poids des dépenses contraintes comme le loyer et l’énergie notamment), augmentée de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés (avec possibilité pour le gouvernement de décider d'une revalorisation supplémentaire) ;
- le Smic pourra également être revalorisé en cours d'année lorsque l’indice des prix à la consommation atteint un niveau correspondant à une hausse d'au moins 2 % par rapport à l'indice constaté lors de l'établissement du Smic immédiatement antérieur.
- Articles L3231-1 à L3231-11 du Code du travail (SMIC)
- Article L136-1-1 du Code de la sécurité sociale
- Décret n° 2013-123 du 7 février 2013 relatif aux modalités de revalorisation du salaire minimum de croissance
- Décret n° 2022-1608 du 22 décembre 2022 portant relèvement du salaire minimum de croissance
- Arrêté du 26 avril 2023 relatif au relèvement du salaire minimum de croissance
- Décret n° 2023-1216 du 20 décembre 2023 portant relèvement du salaire minimum de croissance
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 mars 1988, n° 84-14494 (exclusion des majorations pour travail de nuit, le dimanche et les jours fériés pour le respect du Smic)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 juin 2002, n° 00-41140 (éléments de salaire à retenir pour s’assurer du respect du minimum conventionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 janvier 2010, n° 08-44486 (condamnation d’un retard de carrière motivé par des absences pour maladie)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 décembre 2008, n° 07-42107 (équivalence de diplôme)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 avril 2013, n° 12-10196 (avantages individuels acquis à retenir pour calculer le minimum conventionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 juillet 2013, n° 12-17921 (part variable et fixation des objectifs à réaliser)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 février 2015, n° 13-18523 (prime et salaire minimum)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 mars 2016, n° 14-22121 (dommages-intérêts en plus d’une régularisation, en cas de méconnaissance du SMIC)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 26 avril 2017, n° 15-28429 (l'augmentation des minima conventionnels ne s’applique pas aux salaires supérieurs à ces minima)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 octobre 2017, n° 15-10561 (rémunération à prendre en compte pour le respect des minimas conventionnels)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 décembre 2017, n° 16-14987 (non-cumul d’indemnités pour travail un dimanche coïncidant avec un jour férié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 mai 2018, n° 16-21583 (classification et détention des diplômes ou connaissances)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 juin 2018, n° 17-14957 (minima conventionnels et primes)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 27 juin 2018, n° 16-24233 (supplément de rémunération dans les industries chimiques)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 octobre 2018, n° 17-16192 (prise en compte de primes d’objectifs qui constituent un élément de rémunération permanent)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 19 juin 2019, n° 18-12642 (appréciation du respect du minimum conventionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 juillet 2019, n° 17-18210 (contribution patronale aux titres restaurant et minimum conventionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 18 septembre 2019, n° 18-11263 (primes d’ancienneté et bonus annuel dans la métallurgie)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 18 mars 2020, n° 18-16517 (prime d’ancienneté métallurgie)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 novembre 2020, n°19-13124 (NP) (rémunération conventionnelle et surclassement d’un salarié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 mars 2021, n°19-17823 (rémunération et convention collective de la boucherie)
- Décision du Conseil d’Etat, 4ème - 1ère chambres réunies, du 7 octobre 2021, n° 433053 (modification de la structure de la rémunération minimale conventionnelle par accord d’entreprise)