Focus sur les dépenses non déductibles
Déduction des charges : une déduction sous condition
Des charges déductibles si… Pour déduire, sur le plan fiscal, les dépenses et autres charges du résultat imposable de l’entreprise, vous devez respecter des conditions précises que l’administration s’attachera à vérifier dans le cadre d’un contrôle fiscal.
3 conditions principales. Une charge ou une dépense viendra diminuer immédiatement le résultat de l’entreprise (dans le jargon, on applique le principe selon lequel la dépense se traduit comptablement par une diminution de l’actif net de l’entreprise), à la différence de l’immobilisation, qui correspond à un investissement venant au contraire augmenter la valeur patrimoniale de l’entreprise (et donc la déduction s’opèrera de manière échelonnée dans le temps, sous forme d’amortissement). Cette déduction comptable sera admise sur le plan fiscal si, d’une part, elle est régulièrement justifiée et comptabilisée, et si, d’autre part, elle est engagée dans l’intérêt de l’exploitation. C’est cette dernière condition qui nous intéresse ici.
Une dépense non déductible ? Une charge, déduite sur le plan comptable, mais dont la déduction n’est pas admise sur le plan fiscal, devra être « rapportée au résultat » : en clair, vous devrez majorer à due concurrence le résultat effectivement soumis à l’impôt. Exemple : prenons l’hypothèse d’une entreprise qui constate un bénéfice comptable de 10 000 €. Elle a constaté dans ses charges une amende de 1 000 € qui n’est pas déductible au plan fiscal. Cette somme de 1 000 € devra être « réintégrée » dans le résultat fiscal : l’impôt sur les bénéfices sera donc calculé sur la base d’un résultat fiscal égal à 11 000 €.
Déduction des charges : des interdictions à connaître !
D’une manière générale. Si vous entendez déduire une dépense ou une charge, il vous revient de justifier du principe même de sa déductibilité : pour apporter la preuve de son caractère déductible, vous devez être en mesure de produire tous les éléments justificatifs suffisamment précis portant sur la nature de la dépense ou de la charge et sur l’existence de la valeur de la contrepartie que l’entreprise en retire (au moyen d’une facture régulière par exemple).
Un contrôle de l’administration fiscale. Cette justification se fera sous le contrôle de l’administration fiscale qui pourra, le cas échéant, considérer, sous réserve de le prouver, que la dépense n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour l’entreprise ou encore que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
Exemple. Une société déduit de son résultat imposable des frais qui correspondent à l’utilisation d’une voiture et d’une moto haut de gamme (BMW) par le dirigeant et son épouse salariée. Une déduction refusée par l’administration pour qui ces véhicules ne sont pas utilisés dans le cadre professionnel. Elle précise, en effet, que le dirigeant bénéficie déjà, pour ses déplacements professionnels, de 2 autres véhicules haut de gamme (Audi et Porsche Cayenne), et que son épouse dispose elle aussi d’un véhicule mis à sa disposition par la société pour ses déplacements professionnels. De plus, la société ne compte que 3 autres salariés, dont 2 qui ont été embauchés pour quelque mois seulement.
Donc. Puisqu’aucun élément ne permet d’établir que ces véhicules sont utilisés par le dirigeant, son épouse, ou l’un des 3 autres salariés, dans un cadre professionnel, le juge confirme que les frais engagés ne sont pas déductibles du résultat imposable de la société. Le redressement fiscal est donc maintenu.
Des dépenses non déductibles ? En dehors du cas où une charge ne serait pas déductible, parce qu’elle est estimée non justifiée ou excessive par l’administration fiscale, ou encore parce que cette dernière estime qu’elle n’est pas engagée dans l’intérêt de l’entreprise, la Loi peut tout simplement interdire la déduction d’une charge.
Pour les charges d’exploitation. Il en sera ainsi, par exemple :
- des dépenses dites somptuaires, sauf exception : sont visées les dépenses de chasse, les dépenses de pêche non professionnelle, l’achat ou la location de résidence de plaisance, l’achat ou la location de bateau de plaisance ;
- de la partie des rémunérations qualifiée d’excessive, versée aux dirigeants (peuvent être visés les avantages en nature, les remboursements de frais, etc.) ;
- etc.
Pour les charges financières. On relèvera notamment parmi les charges financières non déductibles :
- la part des intérêts de comptes courant d’associés qui excède le taux maximum admis sur le plan fiscal ;
- les dons versés dans le cadre du mécénat à un organisme sans but lucratif (association, fondation, etc.), lesquels ouvrent droit à une réduction d’impôt spécifique ;
- etc.
Pour les charges exceptionnelles. Certaines dépenses dites exceptionnelles ne sont pas admises en déduction. Il en est ainsi par exemple :
- des pénalités et amendes prononcées à l’encontre de l’entreprise qui contrevient à une obligation légale : pénalités fiscales, amendes pénales, majorations et pénalités de retard liées aux cotisations sociales, pénalités prononcées par une autorité administrative, etc.
- les abandons de créance de nature financière consentis au profit d’une société filiale.
« Punitive damages ». À l’inverse, les « punitive damages », c’est-à-dire les dommages et intérêts punitifs ou exemplaires versés à une victime, notamment dans le cadre de litiges commerciaux, sont déductibles. Cela résulte du fait que ces indemnités, qui ne sont pas versées à une autorité publique, ne viennent pas sanctionner le non-respect d’une obligation légale, mais plutôt réprimer un comportement particulièrement dommageable dans le cadre de relations commerciales.
À retenir
Parmi les charges qui ne peuvent pas être déduites du résultat fiscal (on parle de « réintégrations fiscales »), on retrouve les dépenses dites somptuaires, certains impôts (notamment l’impôt sur les bénéfices), la rémunération des dirigeants lorsqu’elle est qualifiée d’excessive, etc.
- Article 39 du Code général des impôts
- Article 154 du Code général des impôts (salaire du conjoint de l’exploitant ou de l’associé d’une société de personnes)
- Arrêt du Conseil d’État du 30 mars 2011 n° 334152 (justification dépenses)
- Arrêt du Conseil d’État du 11 juillet 2018, n°405127 (dépenses non réalisées dans l’intérêt de l’exploitation et refus de déduction)
- BOFiP-Impôts-BOI-BIC-CHG-40-30
- Loi de finances rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017, n°2017-1775, article 14
- Loi de finances pour 2019 du 28 décembre 2018, n°2018-1317, article 60
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 5 décembre 2019, n°18LY01587 (5 véhicules haut de gamme mis à disposition de 2 salariés)
- Loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019, n°2019-1479, article 69
- Décret n°2020-169 du 27 février 2020 fixant la date à compter de laquelle les émissions de dioxyde de carbone utilisées pour les besoins de la fiscalité des véhicules de tourisme seront déterminées selon la procédure d’essai mondiale harmonisée –WLTP- pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers
- Arrêt du Conseil d’État du 21 juillet 2021, n°433101 (exemple de charge non déductible – loyers versés pour la location du domicile du gérant)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 5 octobre 2021, n°20VE00034 (déduction possible des « punitive damages »)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 26 novembre 2020, n°19NT00199 (exemple de charge non déductible – « redevance de marque »)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 juin 2021, n°20PA01202 (Frais d’avocat engagés par un dirigeant dans le cadre d’un procès pénal personnel)
- Arrêt du Conseil d’État du 18 octobre 2023, n° 464201 (dépenses non réalisées dans l’intérêt de l’exploitation et refus de déduction)
- Arrêt du Conseil d’État du 8 décembre 2023, n°458968 (dommages-intérêts punitifs et refus de déduction)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 27 février 2024, n° 22PA01903 (dépenses non réalisées dans l’intérêt de l’exploitation et refus de déduction)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 29 février 2024, no 22LY01462 (prestations fictives et refus de déduction)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 13 février 2024, n° 22NT02728 (déduction de loyer d'un appartement de luxe)