Fonds de pérennité : ce qu’il faut savoir...
Fonds de pérennité : de quoi s’agit-il ?
Contexte de sa création. Le fonds de pérennité économique a été créé pour répondre à un besoin auquel la réglementation française ne répondait pas jusqu’à présent : si les sociétés peuvent mener des actions d’intérêt général sous diverses formes (via des fondations d’entreprise, par exemple), celles-ci ne permettent pas d’allier efficacement les actions d’intérêt général avec leurs objectifs économiques et financiers.
Création par apports. La création du fonds de pérennité économique se fait par apport gratuit et irrévocable de titres de capital ou de parts sociales d’une (ou plusieurs) société(s) :
- exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole,
- ou détenant directement ou indirectement des participations dans une (ou plusieurs) société(s) exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole.
Mission du fonds. Le fonds gère ces titres et exerce les droits qui y sont attachés, utilise les ressources ainsi générées pour contribuer à la pérennité économique de ces sociétés et réalise ou finance des œuvres ou des missions d’intérêt général.
Rédaction et modification des statuts
Contenu des statuts. Les statuts du fonds doivent être établis par écrit. Ils déterminent la dénomination, l’objet du siège et les modalités du fonctionnement du fonds, ainsi que la composition, les conditions de nomination et de renouvellement du conseil administration et du comité de gestion.
Consultation des statuts. Toute personne a droit de prendre connaissance, sans déplacement, des statuts du fonds de pérennité et peut s'en faire délivrer, à ses frais, une copie ou un extrait.
Objet des statuts. Ceux-ci doivent notamment indiquer les principes et objectifs appliqués à la gestion des titres et parts sociales objets des apports, et l’utilisation des ressources du fonds. Ils doivent également indiquer les œuvres ou missions d’intérêt général que le fonds doit réaliser ou financer.
Focus sur la modification des statuts. Les statuts définissent les modalités selon lesquelles ils peuvent être modifiés. Cette modification ne peut être décidée qu’après 2 délibérations du conseil d’administration, réunissant au moins les 2/3 des membres, prises entre 2 à 6 mois d’intervalle et à la majorité des 2/3 des membres.
A noter. Pour le calcul du quorum, les membres représentés ne sont pas pris en compte.
Focus sur les formalités administratives
Déclaration en préfecture. La création du fonds de pérennité et les modifications de ses statuts et annexe doivent être déclarées à la préfecture du département du lieu où il a son siège social.
Mentions obligatoires des déclarations. Depuis le 9 mai 2020, ces déclarations doivent mentionner :
- la date de la déclaration,
- la dénomination,
- l'objet et le siège du fonds de pérennité,
- la durée pour laquelle il est constitué,
- la date de clôture de son exercice,
- les noms, prénoms, dates de naissance, lieux de naissance, professions, domiciles et nationalités des membres du conseil d'administration et du comité de gestion.
Accusé de réception. La préfecture doit accuser réception du dépôt de ces déclarations, en délivrant un récépissé dans un délai de 5 jours.
Publication des déclarations au JO. La publication de la déclaration de création au Journal officiel doit être faite par les fondateurs du fonds de pérennité, et à leurs frais. En revanche, la déclaration de modification des statuts ou de leur annexe au Journal officiel incombe au conseil d'administration du fonds de pérennité, et est réalisée aux frais de ce dernier.
Mentions obligatoires des publications. Ces 2 publications au Journal officiel doivent mentionner :
- la dénomination et le siège du fonds de pérennité,
- son objet,
- sa durée,
- la date de la déclaration.
A noter. Le fonds de pérennité est tenu de faire connaître à la préfecture, dans les 3 mois, toute modification de ses statuts ou de leur annexe, ou des autres informations mentionnées dans les déclarations de création ou de modification.
Annexe aux statuts. L'annexe aux statuts indiquant les titres ou parts apporté(e)s par les fondateurs du fonds doit faire apparaître, pour chaque catégorie de titres ou de parts, le pourcentage de capital et de droits de vote qu'ils représentent.
Publication sur le site internet de la direction légale et administrative (DILA). Les statuts et leur annexe ainsi que de toutes modifications ultérieures doivent être publiés par le fonds sur le site internet de la direction de l'information légale et administrative (DILA), dans les mêmes conditions que les fondations dont les subventions reçues excèdent 153 000 €.
Pour rappel. Pour mémoire, celles-ci doivent transmettre leurs comptes annuels par voie électronique à la direction de l'information légale et administrative, dans les 3 mois qui suivent leur approbation.
Rôle du conseil d’administration et du comité de gestion
Composition du conseil d’administration. Le conseil d’administration (CA) est composé d’au moins 3 membres nommés par le ou les fondateur(s) ou les personnes désignées par le testateur (en cas de legs fait au fonds) pour le constituer.
Rôle du conseil d’administration. Le CA va administrer et gérer le fonds de pérennité économique. Il est, pour cela, investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom du fonds de pérennité, dans la limite de son objet.
A noter. Dans les rapports avec les tiers, le CA engage le fonds de pérennité économique par les actes entrant dans son objet. Les actes réalisés en dehors de cet objet sont nuls, sans que cette nullité ne soit opposable aux tiers de bonne foi.
Composition du comité de gestion. Le comité de gestion est composé d’au moins un membre du conseil d’administration et de 2 membres non-membres de ce conseil.
Rôle du comité de gestion. Ce comité est chargé du suivi permanent de la (ou des) société(s) et formule des recommandations au CA portant :
- sur la gestion financière de la dotation,
- sur l’exercice des droits attachés aux titres ou parts détenu(e)s,
- sur les actions et les besoins financiers associés, permettant de contribuer à la pérennité économique de la (ou des) société(s).
Bon à savoir. Le comité peut aussi proposer des études et expertises.
Contrôle du fonds de pérennité : par qui ? comment ?
Organe chargé du contrôle. Depuis le 9 mai 2020, le contrôle des fonds de pérennité revient à une mission du Contrôle général économique et financier.
Régularité du fonctionnement du fonds de pérennité. Celle-ci doit notamment s’assurer de la régularité du fonctionnement du fonds de pérennité : à cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations qu’elle estime nécessaire.
Focus sur les dysfonctionnements graves. Les dysfonctionnements qui sont considérés comme affectant la réalisation de l’objet du fonds de pérennité sont les suivants :
- manquements commis par le fonds quant à l’utilisation de sa dotation (c’est-à-dire la violation des dispositions légales et statutaires) ;
- violation, par le fonds, de ses obligations concernant l'établissement et à la publicité des comptes annuels, et la mission du commissaire aux comptes ;
- fait, pour le fonds de pérennité, de ne pas avoir adressé les rapports d'activité à la préfecture durant deux exercices consécutifs, malgré la mise en demeure qu’il a reçue.
Intervention de l’organe de contrôle. Lorsqu’elle constate de tels dysfonctionnements, la mission du Contrôle général économique et financier doit :
- mettre en demeure le fonds de régulariser sa situation dans un délai de 6 mois ;
- saisir l’autorité judiciaire afin de dissoudre le fonds de pérennité ; sa décision est alors motivée et notifiée au conseil d'administration, au commissaire aux comptes du fonds de pérennité et au préfet du département dans le ressort duquel le fonds de pérennité a son siège ; elle est publiée au Journal officiel, aux frais du fonds de pérennité.
Rapport d’activité établi par le fonds. Pour rappel, le fonds de pérennité doit adresser chaque année un rapport d'activité auquel sont joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels à la mission du Contrôle général économique et financier chargée de son contrôle.
Approbation par le conseil d’administration. Il est précisé que ce rapport d'activité est soumis à l'approbation du conseil d'administration.
Contenu du rapport d’activité. Il doit contenir, pour la période à laquelle il se rapporte, les éléments suivants :
- un compte-rendu de l'activité du fonds de pérennité, qui porte sur son fonctionnement interne et sur ses rapports avec les tiers ;
- un compte-rendu relatif à sa façon de gérer les titres ou les parts qui composent sa dotation, d’exercer les droits de vote et les autres droits qui y sont attachés et d’utilisation de ses ressources ;
- le cas échéant, la liste des œuvres ou missions d'intérêt général que le fonds a réalisées ou financées, le montant de ces réalisations ou financements ainsi que la liste des personnes bénéficiaires.
Communication à la préfecture. Le rapport d'activité, les comptes annuels et, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes s’il en a été désigné un, sont adressés à la préfecture par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR), dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice.
A défaut. Si le rapport d'activité n'a pas été notifié dans le délai imparti ou s’il est incomplet, la mission du Contrôle général économique et financier peut mettre en demeure le fonds de pérennité de se conformer à ses obligations dans un délai d'un mois.
Mission du commissaire aux comptes et obligations relatives aux comptes annuels
Désignation d’un commissaire aux comptes (CAC). Le fonds de pérennité est tenu de désigner un commissaire aux comptes (CAC) lorsque le montant total de ses ressources dépasse 10 000 € à la clôture du dernier exercice.
Mise à disposition des comptes annuels. Le fonds doit mettre à la disposition du commissaire aux comptes ses comptes annuels et son rapport d’activité au moins 45 jours avant la date de la réunion du conseil d'administration convoquée pour leur approbation.
Certification des comptes. Le commissaire aux comptes certifie les comptes annuels du fonds de pérennité et vérifie leur concordance avec le rapport d'activité.
Publication des comptes. Le fonds de pérennité doit assurer la publication de ses comptes annuels dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice sur le site internet de la direction de l'information légale et administrative (DILA) dans les mêmes conditions que les fondations dont les subventions reçues excèdent 153 000 €.
Pour mémoire. Pour rappel, celles-ci doivent transmettre leurs comptes annuels par voie électronique à la direction de l'information légale et administrative, dans les trois mois qui suivent leur approbation.
Alerte par le CAC. Lorsque le commissaire aux comptes relève, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'activité du fonds de pérennité, notamment des dysfonctionnements graves, il doit en informer par LRAR sans délai le conseil d'administration et recueillir ses explications.
Suite de la procédure. Le conseil d'administration a 15 jours pour répondre aux demandes d'explication du commissaire aux comptes à compter de la réception de la lettre recommandée.
Rapport spécial. A défaut de réponse ou si les mesures prises lui apparaissent insuffisantes, le CAC doit établir un rapport spécial qu'il remet par LRAR au conseil d'administration dans un délai de 15 jours à compter de la réception des réponses formulées par lui. Une copie du rapport doit être communiquée (toujours par LRAR) au comité de gestion et à l'autorité administrative.
A noter. Si le CAC invite le conseil à délibérer sur les faits relevés, il doit fixer la date (dans un délai qui ne peut excéder 8 jours à compter de la date de son rapport spécial), l'ordre du jour et le lieu de la réunion du conseil d'administration. Le fonds de pérennité doit prendre en charge les frais de cette réunion.
Dissolution du fonds
Publication. La dissolution du fonds de pérennité doit faire l'objet d'une publication au Journal officiel, aux frais du fonds.
En pratique. Plus précisément :
- en cas de dissolution statutaire, la publication incombe au conseil d’administration ;
- en cas de dissolution judiciaire, elle incombe au liquidateur désigné par l'autorité judiciaire.
Précisions fiscales
Un sursis d’imposition. Depuis le 24 mai 2019, les plus et moins-values qui résultent de la transmission à titre gratuit (et irrévocable) de titres au profit d’un fonds de pérennité, au moment de sa constitution, font l’objet d’un sursis d’imposition.
Valeur fiscale. L’entreprise qui apporte les titres pourra bénéficier de ce sursis sous réserve que le fonds s’engage à calculer la plus ou moins-value d’après la valeur fiscale des titres dans les écritures de la société ayant procédé à la transmission (au jour de cette transmission).
Fin du sursis. Il sera mis fin au sursis lors de la vente ultérieure des titres : la plus-value sera alors comprise dans le résultat du fonds au titre de l’exercice au cours duquel la vente a eu lieu, et elle sera calculée par rapport à la valeur fiscale mentionnée plus haut.
A retenir
Le fonds de pérennité permet d’allier les actions d’intérêt général avec leurs objectifs économiques et financiers. Son fonctionnement obéit cependant à des règles strictes, qu’il est nécessaire de connaître !
- Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (article 177)
- Décret n° 2020-537 du 7 mai 2020 relatif aux fonds de pérennité
- Loi de Finances pour 2020 du 28 décembre 2019, n°2019-1479 (article 14)
- Actualité BOFiP-Impôts du 6 août 2020
- Décret n° 2021-669 du 27 mai 2021 portant diverses mesures relatives aux sociétés, mutuelles et unions à mission, aux institutions de prévoyance et aux fonds de pérennité