Gérer (et déduire) les frais de voyage
Frais de voyage : à déduire ?
Des dépenses… Ce qui est ici visé correspond aux frais que l’entreprise est amenée à engager, voire à rembourser sur justificatifs, dans le cadre de déplacements de ses collaborateurs à raison soit de congrès ou de séminaires, soit de voyages destinés à récompenser, motiver les collaborateurs. Ce type de dépenses est normalement déductible, mais cela suppose tout de même que certaines conditions soient effectivement réunies.
… déductibles ? Pour pouvoir déduire ces dépenses, il faut être en mesure de prouver qu’elles sont effectivement engagées dans l’intérêt de l’entreprise et correspondent à une dépense d’exploitation normale. Il doit donc s’agir de dépenses classées parmi les frais professionnels qui ont un lien direct avec l’activité de l’entreprise.
Oui, si… En d’autres termes, il ne faut pas que la dépense soit qualifiée d’acte anormal de gestion. Si le caractère normal (et donc déductible) des voyages et déplacements effectués par les salariés et dirigeants est reconnu dès lors qu'ils sont liés à l'exploitation compte tenu de la nature et des conditions d'exercice de l'activité (cas des frais de congrès, salons, séminaires, etc.), la question est plus subtile en ce qui concerne les frais engagés par les personnes étrangères à l’entreprise.
Exemple. Les frais de transport et de réception qu'une SARL rembourse à son gérant sont exposés dans l'intérêt de l'entreprise dès lors que celui-ci, en charge de la clientèle, est amené à se déplacer du siège de la société (situé dans la Manche) vers Paris mais également à l'étranger pour visiter les clients, prospecter de nouveaux marchés et conclure des contrats. En outre, le montant des frais en cause n'est pas disproportionné par rapport à l'activité de l'entreprise, laquelle a presque triplé en quatre ans.
Pour les clients… Des dépenses de voyages offerts à des clients pourraient être admis en déduction, pour autant toutefois que le montant de la dépense correspondante ne soit pas excessif. Ce caractère excessif s’apprécie au regard des retombées en termes de contrats, de chiffre d’affaires, d’influence et par rapport au montant global du chiffre d’affaires et des bénéfices de l’entreprise. Une dépense hors de proportion avec le niveau de résultat de l’entreprise serait qualifiée d’acte anormal de gestion.
Exemple. Une entreprise, importatrice de voitures, a offert des voyages aux lauréats de concours ouverts aux entreprises concessionnaires de sa marque. Les voyages de stimulation organisés dans l'intérêt de l'entreprise, dans un but de promotion commerciale de son activité, constituent ainsi des charges déductibles des résultats : il s’agit bien là pour elle de promouvoir ses ventes en créant une véritable émulation entre les différents personnels des entreprises constituant son réseau.
Pour les accompagnants… Il semble acquis que des frais de voyage engagés au bénéfice de personnes qui n'exercent aucune fonction ou emploi salarié au sein de la société et auxquelles cette dernière n'établit pas avoir effectivement confié une mission qui aurait été nécessaire à l'exploitation de l'entreprise ne sont pas déductibles des bénéfices de l’entreprise.
Exemple. Les frais de déplacement de l'épouse d'un dirigeant ne sont pas déductibles des bénéfices, même si l’entreprise explique qu'en raison de l'âge du dirigeant son épouse devait l'accompagner dans ses déplacements professionnels et que celle-ci prenait une part importante dans les activités de l'entreprise. Il en a été de même à propos d’une société qui a pris en charge les frais de voyage et de séjour exposés par les épouses de membres de l'entreprise à l'occasion d'un congrès professionnel : la circonstance que la présence des épouses correspondait aux usages et constituait une nécessité commerciale a été jugée inopérante.
Mais… Il faut toutefois noter que la prise en charge par une société des frais de voyage et de séjour occasionnés par la présence des accompagnants des salariés à la manifestation annuelle organisée par la société a pu être jugée comme étant justifiée par l'intérêt de l'entreprise. Dans cette affaire, le juge a reconnu qu’en permettant aux salariés qui travaillent sur l'ensemble du territoire national d'être accompagnés et en prenant en charge les dépenses y afférentes, la société s'assure de la présence de la majeure partie de ses salariés à cette manifestation annuelle qui a pour objet de contribuer à la fidélisation et à la cohésion des salariés. Les frais de voyage des accompagnants des salariés ont donc été admis en déduction du résultat imposable de la société.
Le saviez-vous ?
Lorsque les frais de voyage ont à la fois un caractère professionnel et personnel, vous devez ventiler ces dépenses entre celles engagées dans votre intérêt personnel ou celui de votre collaborateur et celles ayant pour objet exclusif le fonctionnement de l'entreprise, seules ces dernières présentant alors le caractère de charges d'exploitation déductibles.
Frais de voyage : à justifier !
Une obligation ! Comme n’importe quelle dépense d’exploitation, la déduction des frais de voyage suppose que l’entreprise soit en mesure d’apporter toutes les justifications de nature à démontrer que la dépense est bien engagée dans son intérêt et celui de son activité.
Le risque ? Ne produire aucun document ou pièces justificatives vous fera courir le risque d’un refus de déduction de la dépense correspondante par l’administration fiscale en cas de contrôle.
Comment ? Conserver toutes les pièces justificatives qui pourront être utiles et servir d’éléments de preuve : programme du séminaire, objet du salon ou du congrès, objectifs du voyage d’études, etc.
Exemple. Une entreprise, située en Ile-de-France, a déduit de son bénéfice soumis à l’impôt, les frais de voyage en Italie (et sur la Côte d’Azur) de l’un de ses dirigeants. Suite à un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause cette déduction au vu de l’absence de justificatifs : si la société apportait des devis ou des factures, ces documents ne mentionnaient ni le nom de la société, ni celui du dirigeant. De même, le dirigeant n’était pas en mesure de fournir son agenda, ou tout autre document justifiant que les voyages réalisés l’avaient été dans l’intérêt de l’activité de la société. En conséquence, le juge a validé le redressement fiscal.
Un peu de formalisme… N’oubliez pas que vous êtes tenu de fournir à l'appui de la déclaration de résultats de chaque exercice le relevé détaillé de chaque catégorie de dépenses, au nombre desquelles figurent les frais de voyage et de déplacement exposés par les personnes les mieux rémunérées de l'entreprise lorsque ces dépenses excèdent 15 000 €.
A retenir
Les frais de voyage et autres frais de représentation seront déductibles du bénéfice imposable de l’entreprise si vous êtes en mesure de prouver qu’ils sont effectivement engagés dans l’intérêt de l’entreprise et correspondent à une dépense d’exploitation normale.
- BOFiP-Impôts-BOI-BIC-CHG-40-20-40
- Arrêt du Conseil d’État du 4 décembre 1981, n° 16321 (frais engagés par une personne n’exerçant aucune fonction dans l’entreprise)
- Arrêt du Conseil d’État du 6 février 1981, n° 14390 (frais engagés par l’épouse d’un dirigeant âgé)
- Arrêt du Conseil d’État du 31 juillet 1992, n° 114895 (voyage de stimulation)
- Arrêt du Conseil d’État du 13 juillet 2007, n° 289233 (frais de voyage des conjoints)
- Arrêt du Conseil d’État du 16 juillet 2008, n° 291400 (frais de déplacement du dirigeant)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 25 octobre 2012, n° 11NT01836 (déduction des frais de voyage des accompagnants des salariés)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 19 septembre 2017, n°16VE00884 (frais de voyage d’un dirigeant et absence de justificatifs)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 27 octobre 2017, n°15BX02668 (frais de déplacement d’un dirigeant non justifiés)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 17 octobre 2013, n°11BX03266 (frais de déplacement d’un dirigeant non justifiés)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 5 décembre 2019, n°18LY01587 (frais de déplacement d’un dirigeant non justifiés)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 18 juin 2020, n 18NC01071 (frais de représentation ni justifiés, ni engagés dans l’intérêt de l’exploitation)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 31 juillet 2020, n°20PA00489 (frais de voyage ni justifiés, ni engagés dans l’intérêt de l’exploitation)
- Arrêt du Conseil d’État du 3 février 2021, n°437834 (frais de déplacement du gérant non engagés dans l’intérêt de l’exploitation)
- Arrêt du Conseil d’État du 21 juillet 2021, n°433103 (justification des frais de déplacement du gérant)
- Arrêt du Conseil d’État du 29 novembre 2021, n°452705 (frais de déplacement d’un club de football)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 22 septembre 2022, n° 20LY03507 (frais de repas avec partenaires commerciaux, conjoints et enfants)