Gérer l'interdiction de fumer dans l'entreprise
Interdiction de fumer : un principe absolu
La loi est stricte sur ce point. Il est absolument interdit de fumer dans les lieux à usage collectif et particulièrement sur le lieu de travail. Cette interdiction vaut tout aussi bien pour les lieux fermés et couverts, les lieux qui accueillent du public (réception, accueil…), les salles de réunion et de formation, les espaces de repos, les locaux affectés à la restauration collective, etc.
Et dans les bureaux individuels ? La règle est la même : vous ne pouvez pas fumer dans votre propre bureau, cette interdiction trouvant sa justification dans le fait que toute personne (un salarié, un client, un fournisseur, etc.) doit pouvoir être protégée contre les risques liés au tabagisme passif. L’interdiction de fumer s’applique donc aussi bien dans les bureaux collectifs que dans les bureaux individuels.
A l’extérieur ? Le fait de fumer dehors ne tombe pas sous le coup de cette interdiction, qui vise les lieux fermés et couverts. Mais attention à la définition de tels lieux. Un cafetier a été condamné pour avoir laissé ses clients fumer sur la terrasse de son établissement : les juges ont constaté que cette terrasse, couverte et fermée par ses 3 côtés principaux, et disposant d’une aération partielle, constituée d’espaces d’ouverture d’environ 50 cm entre le store banne et la façade de l’immeuble, répondait aux caractéristiques d’un lieu fermé et couvert accueillant du public et constituant un lieu de travail (il aurait fallu que cette terrasse soit totalement ouverte en façade frontale ou, à défaut, ne pas disposer de toit ou d’auvent).
Communiquez sur cette interdiction de fumer. Vous devez afficher, dans l’entreprise, de manière visible, une signalisation apparente rappelant le principe de l’interdiction de fumer (à défaut, vous vous exposez au paiement d’une amende de 750€). Vous pourrez également rappeler le principe de cette interdiction dans le règlement intérieur, le cas échéant.
Attention au tabagisme passif ! Si vous ne faites pas respecter cette interdiction de fumer, vous encourez des risques : un salarié exposé au tabac et victime de tabagisme passif pourra prendre acte de la rupture de son contrat, qui s’analysera comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou vous demander des dommages-intérêts.
Une appréciation au cas par cas. Les juges apprécieront les circonstances au cas par cas pour déterminer les effets d’une telle prise d’acte. Par exemple, le juge a déjà estimé que le manquement de l’employeur qui a laissé des clients fumer dans l’entreprise n’était pas suffisamment grave pour justifier la prise d’acte parce que les faits se sont déroulés en dehors de la présence du salarié, dans des locaux auxquels il n’a jamais accès.
Le saviez-vous ?
Vous avez une obligation de résultat s’agissant de protéger les salariés contre le tabagisme passif. Cela signifie que, non seulement vous devez rappeler, par voie d’affichage notamment, l’interdiction de fumer dans l’entreprise, mais vous êtes tenu de faire respecter cette interdiction.
Si un salarié ne respecte pas l’interdiction de fumer, vous pouvez, voire même vous devez appliquer une sanction disciplinaire, spécialement dans les cas où le fait de fumer peut engendrer des risques importants en matière de sécurité.
Pour la petite histoire. La faute grave, justifiant un licenciement, a pu être retenue, à titre d’exemple, à l’encontre d’un salarié d’une station-service surpris en train de fumer sur le lieu de travail ; de même, un employeur a pu licencier pour faute grave, là encore, un salarié surpris en train de fumer dans un local présentant un risque avéré d’incendie et d’explosion (présence de polyester et d’une conduite de gaz), d’autant, en outre, que ce salarié était membre de l’équipe de première intervention incendie au sein de l’entreprise.
Interdiction de fumer… une cigarette électronique !
Pour la cigarette électronique… L’interdiction vise les produits du tabac, entendus comme les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux.
… une interdiction ? Il est interdit de vapoter sur les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif, à l’exclusion des locaux recevant du public. Cela signifie concrètement que l’interdiction s’applique aux bureaux collectifs ou open-space mais pas dans les commerces, les cafés, les hôtels ou les restaurants, à moins que leur règlement intérieur ne l’interdise lui-même. La loi ne précise cependant pas si cette interdiction s'étend aux bureaux individuels.
Conseil. Il est conseillé aux employeurs d’interdire également l’usage de la cigarette électronique dans les bureaux individuels. En outre, parce que, d’une part, vous êtes soumis à une obligation générale de sécurité, visant notamment à veiller à la santé de vos salariés, et parce que, d’autre part, la cigarette électronique peut présenter un risque en raison des impuretés qu’elle contient et des composés volatils et des particules libérés dans l’atmosphère, son usage doit, être proscrit dans l’enceinte de l’entreprise.
Le saviez-vous ?
Pensez à mettre à jour votre règlement intérieur en prévoyant une interdiction d’utiliser la e-cigarette dans locaux de l’entreprise (respectez le formalisme prévu pour la modification du règlement intérieur qui est le même que celui prévu pour son élaboration).
Affichage obligatoire. Si vous êtes concerné par cette interdiction de vapoter, vous devez afficher, par une signalisation apparente, le principe de cette interdiction mais également ses conditions d’application dans l’enceinte des lieux, le cas échéant.
Des sanctions. Si vous ne respectez pas cette obligation d’affichage, vous encourez une amende pouvant aller jusqu'à 450 €. L'utilisateur de la cigarette électronique qui ne respecte pas l’interdiction de vapoter, quant à lui, encourt une amende de 150 € maximum.
Aménager des « espaces fumeurs » dans l’entreprise ?
C’est une possibilité. Rien ne vous oblige à installer, dans l’entreprise, ni un local fumeur, ni un local réservé aux vapoteurs. Mais si vous envisagez de le faire, vous devez impérativement consulter au préalable, le cas échéant bien entendu, les membres du comité social et économique (CSE), ainsi que la médecine du travail (cette consultation doit être renouvelée tous les 2 ans).
Comment ? En pratique, il est souvent prévu une salle close, affectée à la consommation de tabac et dans laquelle aucune prestation de service ne doit être délivrée, à l’entrée de laquelle vous aurez soin d’apposer un avertissement sanitaire informant qu’il s’agit d’un « espace fumeur » (sous peine d’amende), salle qui devra :
- être équipée d'un dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d'air minimal de 10 fois le volume de l'emplacement par heure (ce dispositif doit être entièrement indépendant du système de ventilation ou de climatisation d'air du bâtiment et le local doit être maintenu en dépression continue d'au moins 5 pascals par rapport aux pièces communicantes) ;
- être dotée de fermetures automatiques sans possibilité d'ouverture non intentionnelle ;
- ne pas constituer un lieu de passage ;
- présenter une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement au sein duquel les emplacements sont aménagés sans que la superficie d'un emplacement puisse dépasser 35 m² ;
Quelques précautions… La mise à disposition d’espaces fumeurs non conformes vous expose à une sanction pécuniaire. Sachez, en outre, que l’accès aux emplacements fumeurs doit être strictement interdit aux jeunes de moins de 16 ans.
Le saviez-vous ?
Des sociétés se sont spécialisées dans la fabrication et l’installation de « cabines fumeur » : une solution, dont le coût doit être étudié, qui peut permettre d’optimiser la gestion des espaces fumeurs dans l’entreprise.
Gérer les temps de « pause cigarette ». Mises bout-à-bout, les « pauses cigarettes » peuvent représenter un certain temps non travaillé, source de conflit entre fumeurs et non-fumeurs, entre salariés et employeurs, etc. D’autant qu’il n’est pas rare d’assister à des phénomènes de groupe, parfois stationné devant l’entreprise à l’extérieur en l’absence d’espaces fumeurs, les fumeurs se retrouvant souvent ensemble pour leur « pause cigarette », ce qui peut être source de désorganisation dans l’entreprise. Vous pouvez tout à fait tolérer ces « pauses cigarettes », qui ne sont alors pas décomptées du temps de travail effectif (cette tolérance s’apparentant à un usage). Mais vous pouvez aussi organiser ces temps de « pause cigarette » de manière à ce que ces pauses soient effectivement considérées comme des périodes non travaillées : si le badgeage est instauré dans l’entreprise, vous pouvez, par exemple, imposer à vos salariés de badger pour prendre leur « pause cigarette » ; vous pouvez aussi, autre exemple, instaurer des temps de pause dans la journée (¼ d’heure le matin, ¼ d’heure l’après-midi par exemple), les salariés fumeurs pouvant alors les mettre à profit pour leur « pause cigarette »...
A retenir
L’interdiction de fumer dans l’entreprise est totale, qu’il s’agisse des lieux de travail collectifs ou des bureaux individuels.
Pour faciliter la cohabitation entre fumeurs et non-fumeurs, pour éviter les conflits sur l’appréciation des temps de « pause cigarette », organisez des temps de pause.
J'ai entendu dire
Chef d’entreprise de maçonnerie, à chaque fois que je vois un de mes gars fumer sur un chantier, je me pose la question de savoir si je peux lui interdire de fumer pendant son travail. Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?L’interdiction de fumer vise les lieux de travail fermés et couverts. Par conséquent, si le lieu de chantier n’est ni couvert, ni clos, l’interdiction de fumer ne s’applique pas. Cela ne doit toutefois pas vous empêcher, le cas échéant, de faire de la prévention, tant pour la santé du salarié concerné que pour la sécurité de tous vos collaborateurs, spécialement s’ils manipulent des produits dangereux.
- Articles L 3511-1 et suivants du Code de la Santé Publique
- Article L3513-6 du Code de la Santé Publique (interdiction de vapoter)
- Articles R 3511-1 et suivants du Code de la Santé Publique
- Circulaire du 24 novembre 2006 concernant la lutte contre le tabagisme
- Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 28)
- Ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes (qui modifie la codification prévue par la Loi « Santé » du 26 janvier 2016)
- Décret n° 2017-633 du 25 avril 2017 relatif aux conditions d’application de l’interdiction de vapoter dans certains lieux à usage collectif
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 juillet 2004, n° 02-43595 (faute grave du salarié employé d’une station-service)
- Arrêt de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile, du 13 juin 2013, n° 12-22170 (terrasse d’un café)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 janvier 2014, n° 12-20321 (faute grave du salarié fumant dans un local exposé au risque incendie)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 26 novembre 2014, n° 14-81888 (interdiction de fumer et cigarette électronique)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 juin 2015, n° 14-11324 (sanction tabagisme passif)
- INRS, Références en santé au travail, n° 133, Mars 2013, QR 75
- Communiqué de presse de la Haute Autorité de Santé du 21 janvier 2014
- Programme national de réduction du tabagisme – Dossier de presse du 25 septembre 2014
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 mai 2019, n° 18-15175 (exemple d’une prise d’acte injustifiée malgré le non-respect de l’interdiction de fumer)
- Arrêt de la cour d’appel de Douai, du 25 mars 2022, n° 19/01513 (NA) (fumer dans un lieu soumis à une interdiction absolue constitue, au vu des risques encourus, une faute grave justifiant le licenciement)