Gérer le départ volontaire à la retraite d’un salarié
Départ volontaire à la retraite : quand ?
À quel moment ? Un salarié peut partir à la retraite dès qu’il a atteint l’âge légal de départ en retraite.
Nuance. Cependant, s’il part à l’âge légal, il ne percevra pas forcément une pension de retraite à taux plein. En effet, pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il faut avoir cotisé pour la retraite un certain nombre de trimestres à l’assurance du régime général. Il existe cependant également un âge permettant d’obtenir une pension à taux plein, quel que soit le nombre de trimestres cotisés.
Départ à 64 ans. Depuis le 1er septembre 2023, l’âge de départ à la retraite est progressivement relevé, afin d’atteindre 64 ans. En pratique, cet âge sera relevé à raison de 3 mois par génération pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961, pour pouvoir atteindre 64 ans en 2030.
Année de naissance du salarié |
Age d’ouverture des droits à pension |
Durée d’assurance requise pour le taux plein |
De 1958 à 1960 |
62 ans |
167 trimestres |
Du 1er janvier au 31 août 1961 |
62 ans
|
168 trimestres |
Du 1er septembre au 31 décembre 1961 |
62 ans et 3 mois |
169 trimestres |
1962 |
62 ans et 6 mois |
169 trimestres |
1963 |
62 ans et 9 mois |
170 trimestres |
1964 |
63 ans |
171 trimestres |
1965 |
63 ans et 3 mois |
172 trimestres |
1966 |
63 ans et 6 mois |
172 trimestres |
1967 |
63 ans et 9 mois |
172 trimestres |
1968 |
64 ans |
172 trimestres |
1969 |
64 ans |
172 trimestres |
1970 à 1972 |
64 ans |
172 trimestres |
A partir de 1973 |
64 ans |
172 trimestres |
Âge permettant une retraite à taux plein. Peu importe le nombre de trimestres cotisés au régime général, tous les salariés peuvent prétendre à une retraite à taux plein (c’est-à-dire 50 % de la rémunération perçue au cours des 25 meilleures années de carrière) s’ils liquident leur pension de retraite à 67 ans.
Une retraite progressive ? Un salarié peut percevoir une fraction de sa pension de retraite en contrepartie de la réduction de son activité professionnelle, c’est la retraite progressive. Ce dispositif est ouvert à toute personne exerçant, à titre exclusif, une activité à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale, réglementaire ou conventionnelle, exprimée en jours ou en heures. De même, ce dispositif de retraite progressive est également applicable aux personnes exerçant à titre exclusif une activité non salariée mais assimilée salariée pour le bénéfice du régime général de cotisations sociales, et en particulier aux mandataires sociaux.
Départ volontaire à la retraite : quels effets ?
Comment ? Le salarié qui souhaite partir à la retraite doit faire connaître son souhait à son employeur, idéalement par LRAR. Votre convention collective peut imposer un formalisme, la Loi étant muette à ce sujet. Notez qu’à l’instar de la démission, le salarié doit manifester sa volonté de partir en retraite, de manière claire et non équivoque.
Attention ! Si le départ du salarié se fait dans un contexte conflictuel, il peut s’analyser en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, et donc en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce qui implique le versement d’indemnités au profit du salarié. Le juge a eu l’occasion de préciser que tel est le cas notamment lorsque la lettre de notification du départ contient des reproches formulés par le salarié à l’encontre de l’employeur. Les indemnités prévisibles à verser sont : l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité légale de congés payés.
Un préavis. Le salarié demandant son départ à la retraite respecte un préavis dont la durée est, en principe, égale à celle du préavis en cas de licenciement. Néanmoins, votre convention collective peut prévoir une durée plus favorable (inférieure à celle imposée en cas de licenciement).
Le saviez-vous ?
Contrairement à ce qui est admis en cas de démission ou de licenciement, lorsque le salarié est victime d’un accident de travail pendant le préavis dont il a lui-même fixé le terme, celui-ci n’est pas suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail.
Quel coût ? Le salarié qui vous fait connaître sa volonté de partir à la retraite a droit à une indemnité de départ, dont le montant dépend de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. La rémunération à prendre en considération est soit le 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant le départ à la retraite, soit le 1/3 des 3 derniers mois, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié. Sauf disposition conventionnelle plus favorable, pour évaluer l’indemnité que vous aurez à verser, reportez-vous au tableau suivant.
Ancienneté du salarié |
Montant de l’indemnité |
Plus de 10 ans |
½ mois de salaire |
Plus de 15 ans |
1 mois de salaire |
Plus de 20 ans |
1, ½ mois de salaire |
Plus de 30 ans |
2 mois de salaire |
Le saviez-vous ?
L’indemnité de départ en retraite est due dès lors que le salarié a demandé la liquidation de sa pension de retraite. Et ce, même s’il n’exécute pas son préavis et même s’il ne peut pas prétendre à une retraite à taux plein.
En présence d’une clause de non-concurrence ? Le départ en retraite ne vous dispense pas de verser la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence, à moins que vous ne souhaitiez y renoncer. Dans ce cas, veillez à bien respecter les conditions prévues par votre convention collective, le cas échéant, ou à obtenir l’accord du salarié si la renonciation ne vous est pas permise autrement.
Exemple. Dans une convention collective prévoyant que la renonciation est possible dans les 15 jours qui suivent la notification de la rupture, il faut retenir que la date de notification est, non pas la date de la rupture effective mais la date de la lettre de qui vous annonce le départ en retraite du salarié, même si la date de départ effectif est encore incertaine (parce qu'elle dépendrait d'un accord de la caisse de retraite, par exemple).
Pour information. Les régimes Agirc-Arcco fusionnent à compter du 1er janvier 2019. De cette fusion résulte un dispositif d’application d’un coefficient temporaire majorant ou minorant la pension de retraite complémentaire : un salarié qui prend sa retraite à l’âge où il peut prétendre au taux plein du régime de base subira, pendant 3 ans, une décote de sa retraite complémentaire, alors que s’il poursuit son activité 4 trimestres de plus, il ne subira pas cette décote temporaire. En revanche, en poursuivant son activité 8 trimestres après avoir atteint l’âge lui permettant de bénéficier une retraite à taux plein dans le régime de base, il percevra une pension temporairement majorée (pendant 3 ans).
Départ volontaire à la retraite : une reprise d’une activité possible ?
Interdiction de travailler ? En principe, pour percevoir une pension de vieillesse, le salarié doit cesser toute activité. Néanmoins, cela ne l’empêchera pas de reprendre une activité après avoir liquidé ses droits à pension. Vous pouvez donc embaucher un salarié retraité. Et ce, même s’il s’agit d’un salarié qui travaillait à votre service jusqu’alors… mais pas immédiatement après qu’il soit parti !
Embaucher un salarié déjà retraité. Vous souhaitez embaucher une personne qui a déjà liquidé sa retraite (elle ne travaillait pas pour votre entreprise à ce moment-là), c’est possible. Une personne peut reprendre immédiatement une activité salariée après avoir liquidé sa retraite.
Embaucher un ancien salarié retraité. Si vous le souhaitez, vous pourrez réembaucher un salarié qui vient de liquider ses droits à retraite. Néanmoins, celui-ci devra attendre un délai de 6 mois minimum pour reprendre son activité auprès de vous. Sinon, il perdra le bénéfice de sa pension de vieillesse jusqu’à l’expiration de ce délai de 6 mois.
Le saviez-vous ?
Le cumul emploi retraite peut être total, lorsque le salarié a atteint l'âge minimal de départ à la retraite et qu’il bénéficie d’une pension à taux plein.
Dans les autres cas, le cumul emploi retraite est partiel : les revenus procurés par son activité professionnelle, cumulés aux pensions de retraite (de base et complémentaire) ne doivent pas excéder 1,6 SMIC (soit 2827.072 € pour l’année 2024) ou le dernier salaire perçu avant la liquidation de la retraite.
Le cumul emploi-retraite total : le droit à une 2de pension ? Depuis le 1er septembre 2023, le salarié en cumul emploi-retraite total peut bénéficier d’une 2de pension sur l’activité poursuivie ou reprise. Pour pouvoir en bénéficier, la reprise d’activité devra intervenir au plus tôt 6 mois après la liquidation de la pension de vieillesse.
Départ volontaire à la retraite et sensibilisation des salariés
Quel dispositif ? Dorénavant, tout employeur doit proposer à ses salariés, avant leur départ à la retraite, des actions de sensibilisation aux gestes qui sauvent et à la lutte contre l’arrêt cardiaque.
Dans quel but ? Cette action de sensibilisation, permet aux salariés d’acquérir certaines compétences, avant leur départ à la retraite. Ces compétences, nécessaires, permettent de :
- réagir face à une victime en arrêt cardiaque et utiliser un défibrillateur automatisé externe ;
- assurer sa propre sécurité, celle de la victime ou de toute autre personne ;
- transmettre au service de secours d’urgence les informations nécessaires à son interventions ;
- réagir face à une hémorragie externe et installer la victime dans une position d'attente adaptée.
Temps de travail. Le temps consacré à cette sensibilisation est considéré comme temps de travail, l’action de sensibilisation se déroulant pendant l'horaire normal de travail.
Quels formateurs ? Peuvent être autorisés à dispenser cette sensibilisation les organismes et les professionnels qui remplissent certaines conditions, qui seront prévues ultérieurement par arrêté ministériel.
Un dispositif personnalisable ? Cet arrêté pourra également prévoir une adaptation de cette sensibilisation en fonction des acquis des salariés liés notamment aux formations et sensibilisations dont ils attestent ou à leur profession.
À retenir
Lorsqu’un de vos salariés approche de l’âge de la retraite, qu’il puisse ou non prétendre à une pension à taux plein, vous devez vous préparer à l’annonce de son départ et à ses conséquences (préavis, indemnités, cessation d’activité…).
J'ai entendu dire
J’ai appris qu’un ancien salarié, auquel j’ai versé l’indemnité de départ en retraite, travaillait chez un concurrent. Puis-je lui en demander le remboursement ?Le paiement de l’indemnité de départ en retraite est subordonné à la liquidation des droits à pension de vieillesse. La convention collective peut, néanmoins, prévoir des conditions de versement d’une indemnité conventionnelle.
A défaut de précision dans votre convention collective, si votre salarié a prétexté partir en retraite pour bénéficier de l’indemnité mais qu’il n’a pas sollicité la liquidation de sa pension, son départ s’apparente à une démission (aucune indemnité n’est due dans ce cas). Toutefois, attention ! Il est tout à fait possible aussi que votre ancien salarié cumule une activité professionnelle avec sa pension de retraite et dans ce cas, l’indemnité lui reste due.
- Articles L1237-4, L1237-9 et L1237-10 du Code du travail
- Articles L161-17-2 et L351-8 du Code de la sécurité sociale (âge de départ en retraite)
- Article L161-22 du Code de la sécurité sociale (reprise d’activité auprès de l’ancien employeur)
- Article L161-22-1 A du Code de la sécurité sociale (reprise d’activité et absence de nouveaux droits à retraite)
- Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 du 23 décembre 2021, n°2021-1754 (article 110)
- Circulaire interministérielle n° DSS/3A/2014/347 du 29 décembre 2014 relative aux nouvelles règles applicables en matière de cumul d’une activité rémunérée et d’une pension de vieillesse (exception au principe de reprise d’activité et d’absence de nouveaux droits à retraite)
- Arrêté du 24 avril 2018 portant extension et élargissement de l'accord national interprofessionnel instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire, conclu le 17 novembre 2017
- www.agirc-arrco.fr
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 février 1996, n° 92-40704 (versement de l’indemnité de départ en cas d’inexécution du préavis)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 octobre 1996, n° 95-40405 (départ en retraite et indemnité de non concurrence)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2009, n° 08-41397 (indemnité de départ en retraite et liquidation de la pension de vieillesse)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 25 mai 2016, n° 15-10637 (pas de suspension du préavis en cas d’accident de travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 juin 2017, n° 15-29085 (départ en retraite et prise d’acte)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 juin 2017, n° 16-11595 (renonciation à la clause de non concurrence suite à départ en retraite)
- Décision du Conseil Constitutionnel, QPC n° 2020-885 du 26 février 2021 (retraite progressive et forfait jours)
- Décret n° 2021-469 du 19 avril 2021 relatif à la sensibilisation à la lutte contre l'arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 septembre 2021, n°20-11045 (refus d’une rétraction d’un départ à la retraite)
- Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- Décision du Conseil constitutionnel du 14 avril 2023, n° 2023-849 (DC)
- Décret n° 2023-435 du 3 juin 2023 portant application des articles 10, 11 et 17 de la loi n° 223-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- Décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 portant application des articles 10 et 11 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- Décret n° 2023-751 du 10 août 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive
- Décret n° 2023-753 du 10 août 2023 portant application de l'article 26 de la loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive
- Décret n° 2023-966 du 20 octobre 2023 portant application des articles 19, 20 et 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (revalorisation pension retraite à Mayotte)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 27 septembre 2023, no 21-14773 (pas de requalification en licenciement irrégulier sans grief du salarié à l’égard de l’employeur)