Gérer les augmentations de salaires
Augmentation de salaires : une obligation ?
Rappel d’un principe à connaître. Le montant de la rémunération perçue par un collaborateur ne peut pas être inférieur, ni au SMIC (soit 1766.92 € pour l’année 2024), ni au minimum conventionnel. Ce qui entraîne des conséquences lorsque le montant des salaires évolue…
Une augmentation automatique ? Si le SMIC augmente, le montant du salaire du collaborateur rémunéré sur cette base augmente également, et ce de manière automatique. Cette augmentation automatique vaut également pour un salarié rémunéré sur la base du minimum conventionnel, en cas d’évolution des minima conventionnels.
A noter. Cette évolution automatique des salaires ne vaut que si, par le biais de l’augmentation du SMIC ou du minimum conventionnel, le salaire versé au collaborateur devient inférieur à ces montants minimums. A contrario, un salarié qui perçoit une rémunération supérieure au SMIC ou au minimum conventionnel ne peut prétendre à une augmentation équivalente de sa rémunération.
Attention. Si votre convention collective prévoit une majoration des salaires en pourcentage ou en valeur absolue, ce sont les rémunérations de l’ensemble de vos collaborateurs qu’il faudra réviser.
Augmentation de salaires : une négociation ?
Une obligation ? Bien que par principe facultative, et encore qu’il s’agisse d’un thème à aborder dans le cadre des négociations annuelles obligatoires pour certaines entreprises (notamment celles dotées de délégués syndicaux), la question de l’évolution des salaires mérite d’être abordée régulièrement avec les collaborateurs de l’entreprise, au moins 1 fois par an. D’autant que vous ne pouvez pas nécessairement faire ce que vous voulez librement…
Le saviez-vous ?
Dans tous les cas, consultez votre convention collective pour connaître les dispositions prévues en matière de politique salariale et de révision des rémunérations.
Une interdiction ? La réglementation vous interdit de prévoir dans les contrats de travail des clauses de révision automatique des salaires en fonction de l’évolution des prix ou des salaires (ou du SMIC) : c’est ce qu’on appelle le principe d’interdiction des clauses d’indexation. Si un contrat de travail prévoit ce type de clause, le salarié ne pourra pas s’en prévaloir et vous pourrez y mettre fin à tout moment (la clause est dite nulle).
A noter. Cette interdiction vise les révisions automatiques : cela signifie, a contrario, que vous pouvez prévoir une révision des salaires en fonction de l’évolution des prix ou des salaires si cette révision n’a pas de caractère automatique et intervient une fois l’indice en question connu. En outre, ce qui est interdit est une révision automatique en fonction de l’évolution des prix ou des salaires, ce qui vous autorise donc à user d’autres indices (en fonction des prix des produits vendus ou des services rendus par l’entreprise par exemple).
Une possibilité ? Sachez qu’il est possible de négocier un accord d’entreprise qui encadre les conditions de l’évolution salariale. Il a déjà été jugé, par exemple, que toutes les absences peuvent retarder l’accès à un avancement de carrière avec augmentation de salaire, pour autant que les absences en question ne soient pas assimilées à du temps de travail effectif. C’est, par exemple, le cas de l’absence pour maladie, du congé sans solde, etc.
Une liberté ? En l’absence de dispositions conventionnelles ou d’un usage appliqué dans l’entreprise, il vous revient de décider du moment et des modalités de révision des salaires de vos collaborateurs. Il pourra s’agir d’augmentations générales dans l’entreprise ou d’augmentations individuelles (liées ou non à des promotions).
Conseils. Dans tous les cas, vous devez respecter le principe « à travail égal, salaire égal » et celui de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. En outre, n’oubliez pas qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure de discrimination, spécialement en matière de rémunération. Sont visées les discriminations liées aux origines, au sexe, aux mœurs, à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, à l'âge, à la perte d'autonomie, à la situation de famille, à la situation de grossesse, de son inscription à un parcours d’aide médicalisée à la procréation, aux caractéristiques génétiques, à la capacité à s'exprimer dans une autre langue que le français, à la particulière vulnérabilité économique (apparente ou connue), à l'apparence physique, à l'appartenance ou non à une ethnie, une race ou une nation, à l'obédience religieuse, à l'appartenance à une organisation politique ou syndicale, de l’exercice d’un mandat électif local, aux opinions politiques, au nom de famille, au lieu de résidence, à l’état de santé, la perte d'autonomie ou la situation de handicap.
Attention. Le juge a considéré que la décision d’octroyer une augmentation de salaire individuelle doit reposer sur des éléments objectifs : cela signifie donc que si vous augmentez la rémunération de certains salariés, sans en faire profiter l’ensemble des salariés appartenant à une même catégorie, vous devez justifier cette différence de traitement salarial par des éléments précis, chiffrés et objectifs, même si vous disposez d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’augmentations individuelles des salaires.
Conseil. Il s’agit là d’une illustration du principe « à travail égal, salaire égal » qui vous impose d’assurer une égalité de traitement entre tous les salariés placés dans une situation identique. En présence d’une disparité de traitement, vous devez la justifier par des éléments objectifs.
Conséquences. Vous devez adapter vos politiques salariales et justifier systématiquement vos décisions d’augmenter ou de ne pas augmenter les salaires par des critères objectifs : la simple constatation de performances décevantes ne sera pas suffisante si elle n’est pas étayée par des éléments objectifs et vérifiables (attention à la pertinence des outils d’évaluation !).
Augmentation de salaires : une modification du contrat
La rémunération, un élément essentiel du contrat ! Parce que le salaire prévu contractuellement entre vous et le salarié est un élément essentiel du contrat, vous devez modifier le contrat si vous entendez modifier un élément de la rémunération perçue par votre collaborateur.
Un accord obligatoire du salarié ! Cela suppose donc de recueillir l’accord du salarié avant toute modification de sa rémunération : vous ne pouvez pas modifier unilatéralement son salaire, même si cette révision lui est favorable.
Comment faire ? Bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale dans ce domaine, il est fortement recommandé d’informer par écrit votre salarié de l’augmentation projetée de son salaire. Vous devez laisser un délai de réflexion au salarié, dont la durée est estimée à au moins 15 jours par l’administration. En cas d’acceptation, vous devrez conclure un avenant au contrat de travail.
Conseil. Consultez votre convention collective qui peut prévoir une procédure spécifique d’information du salarié.
Le saviez-vous ?
Si vous souhaitez augmenter la durée de travail d’un salarié à temps partiel, sa rémunération devra augmenter en conséquence. Attention toutefois, ne faites pas comme cet employeur qui a omis de préciser, dans l’avenant au contrat de travail, que le doublement de la rémunération était assortie d’un doublement de la durée de travail. Auquel cas, vous auriez à payer, en plus de l’augmentation de salaire, des heures complémentaires qui ne seraient pas incluses, d’après l’avenant, dans le contrat de travail.
Révision du salaire : une diminution ?
Est-ce possible ? En soi, réduire la rémunération d’un collaborateur est possible, mais selon des procédures contraignantes, et pour autant bien entendu que le salaire n’atteigne pas un niveau inférieur au SMIC ou au minimum conventionnel.
Oui, si… Vous ne pourrez pas réduire le salaire d’un collaborateur sans son accord : comme pour l’augmentation de salaire, sa diminution suppose une modification du contrat de travail, et donc l’accord du salarié. Vous devez lui faire une proposition écrite et il doit disposer d’un délai de réflexion d’environ 15 jours pour se prononcer sur votre proposition.
Le saviez-vous ?
S’il s’agit de supprimer un usage constant dans l’entreprise, vous devez, pour y mettre fin, soit conclure un accord d’entreprise, soit dénoncer unilatéralement cet usage (ce qui suppose d’en informer les éventuels représentants de l’entreprise et de respecter un délai de prévenance pour permettre une négociation dans l’entreprise).
A noter. S’il s’agit de supprimer un avantage salarial prévu par un accord collectif, vous ne pouvez pas le réduire ou le supprimer librement. Vous devez respecter la procédure de négociation collective :
- si l’avantage résulte d’une convention de branche, vous ne pouvez rien faire au niveau de l’entreprise,
- si l’avantage résulte d’un accord d’entreprise, sa suppression ou sa réduction nécessitera de modifier l’accord initial, ce qui suppose une négociation collective au sein de l’entreprise.
Attention. Si la réduction du salaire est décidée pour un motif économique, vous devez faire une proposition au(x) salarié(s) concerné(s) par lettre recommandée avec AR en précisant qu’il(s) dispose(nt) d’un délai d’un mois pour refuser (15 jours si l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire). Un défaut de réponse dans ce délai équivaut à une acceptation tacite de la modification de salaire proposée.
Les conséquences. 2 situations peuvent se présenter :
- soit le salarié accepte : dans ce cas, vous devez conclure un avenant au contrat afin d’acter la modification du salaire (il ne pourra pas prétendre par la suite à un rappel de salaires) ;
- soit il refuse : dans ce cas, soit vous maintenez le salaire, soit vous décidez de vous séparer du salarié en le licenciant (vous devez préciser dans la lettre de licenciement les raisons vous ayant conduit en tant qu'employeur à décider la modification et le fait que le licenciement intervient à la suite du refus du salarié de voir son contrat modifié).
Attention. Hormis l’hypothèse d’une modification pour motif économique où le silence du salarié vaut acceptation, l’accord du salarié pour une modification de son salaire doit être clair et non équivoque : il ne saurait résulter de la seule poursuite du travail par exemple.
Accord « exprès ». Il a déjà été jugé que l’accord du salarié à la modification de sa rémunération résultant de plans de commissionnement procédait de leur signature par le directeur général de la société et le salarié.
A retenir
Si des salariés sont rémunérés au SMIC ou en fonction du minimum conventionnel, pensez à augmenter leurs salaires à chaque révision du SMIC ou des minima conventionnels.
N’oubliez pas que toute modification du salaire suppose un accord du salaire et la modification du contrat de travail (par voie d’avenant le cas échéant).
- Article L 112-2 du Code Monétaire et Financier (interdiction des clauses d’indexation)
- Article L 1132-1 du Code du Travail (discriminations)
- Article L 3231-3 du Code du Travail (interdiction des clauses d’indexation)
- Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, article 23
- Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 87
- Loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale
- Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (liste des motifs discriminatoires)
- Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (discrimination liée à l’exercice d’un mandat électif local)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 mai 2014, n° 12-24667 (augmentation minimum conventionnel et rémunération d’un montant supérieur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 mai 2015, n° 13-25821 (justifier l’absence d’augmentation individuelle par des éléments objectifs)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 2 mars 2016, n° 14-16414 à 14-16420 (accord du salarié requis pour toute modification, même favorable, de sa rémunération)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 26 avril 2017, n° 15-28429 (l'augmentation des minima conventionnels ne s’applique pas aux salaires supérieurs à ces minima)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 juin 2017, n° 16-15533 (augmentation de la rémunération n’implique pas augmentation de la durée de travail)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 novembre 2017, n° 16-14653 (prise en compte des absences dans l’évolution professionnelle)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 février 2021, n° 19-21749 (modification de la rémunération et plans de commissionnement)