Harcèlement en entreprise : de quoi parle-t-on exactement ?
Harcèlement dans l’entreprise : de quoi parle-t-on ?
Identifier… Réagir face à des cas de harcèlement, qu’il s’agisse de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel, suppose au préalable de savoir précisément définir ce que recouvrent ces notions qui font l’objet d’une définition légale.
… le harcèlement moral. Le harcèlement moral est considéré comme le fait de tenir des propos ou avoir des comportements répétés ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail au point de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne visée, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou encore de compromettre son avenir professionnel. Notez qu’il n’est pas nécessaire qu’une intention de nuire soit établie pour caractériser un harcèlement moral.
Focus sur la notion de « répétition ». La répétition, nécessaire pour la qualifier le harcèlement, peut être constituée :
- par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
- successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Focus sur le harcèlement moral
Définition. Le harcèlement moral suppose des actes répétés : un acte isolé, même grave, ne peut pas caractériser un harcèlement moral. Néanmoins, des agissements à la fois multiples et répétés peuvent concourir à caractériser le harcèlement, même si certaines victimes n’ont eu à faire qu’à un acte isolé, dès lors que d’autres ont subi des agissements répétés.
Par exemple. Une salariée qui a fait l’objet de 2 sanctions en l’espace d’1 mois a été reconnue victime de harcèlement : l’une des 2 était disproportionnée au regard des faits qui lui étaient reprochés, l’autre était injustifiée. Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas non plus justifié d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Exemple du non-respect des préconisations du médecin du travail. Le juge, qui constate que l’employeur a confié au salarié de manière habituelle, au mépris des prescriptions du médecin du travail, des tâches dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé et mis ainsi en péril l'état de santé de son salarié, a fait ressortir l'existence d'éléments laissant supposer un harcèlement moral et l'absence de preuve par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement… caractérisant ainsi le harcèlement moral.
A ne pas confondre. Cette définition ne liste pas de manière exhaustive les cas de harcèlement moral, ce qui rend parfois cette notion parfois difficile à caractériser en pratique. C’est d’ailleurs pourquoi il ne faut pas la confondre avec le stress en entreprise ou une ambiance délétère au travail.
Focus sur le harcèlement sexuel et sexiste
Définition. Le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, répétés qui soit portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent une situation intimidante, hostile ou offensante. Il peut aussi consister en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers (on parle alors de « chantage sexuel »). Le harcèlement sexuel suppose des comportements imposés à la victime et non désirés.
Des actes répétés ? La répétition rendue nécessaire pour la qualification de l’infraction n’est pas exigée d’une seule même personne. En effet, depuis le 6 août 2018, l’infraction est également constituée :
- lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, et ce, même si chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
- lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Un fait unique peut suffire ! Il a déjà été jugé qu’un fait unique pouvait suffire à caractériser le harcèlement sexuel. C’est ce qui a été admis dans une affaire dans laquelle une salariée, employée en tant qu’animatrice dans un camp de vacances, s’était plainte à son employeur de coups de soleil douloureux. Ce dernier, présent sur le camp, l’avait alors invitée à dormir dans sa chambre, pour la soulager. Cette attitude a suffi au juge pour caractériser et qualifier un harcèlement sexuel.
Pression grave pour obtenir une faveur sexuelle. La pression faite dans le but d’obtenir une faveur sexuelle suppose une menace ou une contrainte. Ce ne sera pas nécessairement le cas en présence de sentiments amoureux exprimés au travail qui ne comportent aucune menace ou aucune forme de contrainte (c’est ce qui a, par exemple, été jugé à propos de sms envoyés par un supérieur hiérarchique à une salariée avec qui il a entretenu par le passé une liaison amoureuse, ces sms ne traduisant que la persistance d’un attachement sentimental, insuffisant à présumer un harcèlement sexuel).
L’outrage sexiste et sexuel. La création de cette infraction en 2018 résulte de la volonté des politiques de sanctionner le harcèlement de rue. Néanmoins, elle a vocation à s’appliquer dans le monde de l’entreprise puisque le salarié victime peut déposer plainte. Début 2023, le législateur est intervenu en remplaçant l’infraction d’outrage sexiste créé en 2018 par 2 infractions distinctes : l’outrage sexiste et sexuel et le délit d’outrage sexiste et sexuel.
L’outrage sexiste et sexuel simple. Il se définit, depuis le 1er avril 2023, comme le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou créant à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. il est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Des peines complémentaires sont également possibles (peines de stage ou travail d’intérêt général de 20 à 120 heures).
Le délit d’outrage sexiste et sexuel. Il se définit, depuis le 1er avril 2023, comme le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, lorsque ce fait est commis :
- par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
- sur un mineur ;
- sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
- sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
- par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
- dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
- en raison de l'orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;
- par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et sexuel et qui commet la même infraction en état de récidive.
Sanction du délit d’outrage sexiste et sexuel. Il est puni d’une amende de 3 750 €. Des peines complémentaires sont également prévues (stage ou travail d’intérêt général pour une durée de 20 à 150 heures).
Harcèlement des mineurs. Les mineurs bénéficient d’une protection renforcée contre les violences sexuelles ou sexistes, et particulièrement le mineur de moins de 16 ans (qui peut être embauché, par exemple, dans le cadre d’un job d’été ou d’un contrat d’apprentissage) : dans certains cas, il pourra déposer plainte contre l’auteur d’une agression sexuelle jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 48 ans, les peines prononcées seront alourdies, etc.
A retenir
Le harcèlement moral ou sexuel est considéré comme le fait de tenir des propos ou avoir des comportements répétés (à connotation sexuelle ou sexiste) ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail au point de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne visée, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou encore de compromettre son avenir professionnel.
- Article 222-33 du Code pénal (harcèlement sexuel)
- Article 222-33-2 du Code pénal (harcèlement moral)
- Articles L 1152-1 et suivants du Code du travail (harcèlements)
- Article R625-8-3 du Code pénal (outrage sexiste et sexuel simple)
- Article 222-33-1-1 et article 222-48-5 du Code pénal (outrage sexiste et sexuel aggravé)
- Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
- Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, articles 104 et 105
- Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, article 1
- Décision du Conseil constitutionnel, du 19 janvier 2023, n° 2022-846 DC
- Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (article 14)
- Décret n° 2023-227 du 30 mars 2023 relatif à la contravention d'outrage sexiste et sexuel
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2015, n° 14-17143 (harcèlement sexuel et simple attachement sentimental)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 mai 2017, n° 15-19300 (un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 25 mars 2020, n° 18-23682 (relaxe au pénal et condamnation civile)
- Arrêt de la Cour d’Appel de Paris, du 2 juin 2020, n°18-05421 (mise au placard et harcèlement)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 novembre 2020, n° 19-15901 (inaptitude et faits de harcèlements contemporains)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 novembre 2022, n° 21-19555 (l’action en matière de harcèlement se prescrit par 5 ans)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 juin 2024, no 23-14292 (tolérance passée vis-à-vis d'agissements sexistes n'empêche pas de sanctionner le salarié des années après)