Informer vos salariés en cas de vente des titres de société : comment ?
Vente des titres de société et obligation d’information : quelle information ?
Pour qui ? Si vous envisagez la vente de titres représentant plus de 50% du capital de votre société, vous devez informer vos salariés de ce projet pour qu’ils puissent présenter une offre de reprise.
Par qui ? L’information est donnée par le propriétaire au dirigeant, ce dernier informant les salariés. Si le propriétaire est lui-même dirigeant, il informe directement les salariés ou, le cas échéant, le comité social et économique.
Quelle information ? Vous n’avez une obligation d’information vis-à-vis de vos salariés qu’à propos de votre volonté de procéder à une vente et du fait qu'ils peuvent présenter une offre d’achat (avec la possibilité de se faire assister par une personne de leur choix). Retenez que la loi n’impose la transmission d’aucune autre information et d’aucun document relatif au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise ; il en sera de même des noms des éventuels repreneurs ou du calendrier prévu pour la reprise que vous n’avez pas à communiquer aux salariés.
Exemple de lettre d’information. Dans le cas d’une vente de parts sociales d’une SARL, l’administration propose ce type de contenu informatif : « Nous vous informons par la présente, sans qu'il s'agisse d'une offre de vente, en application des dispositions de l’article L 23-10-1 du Code de Commerce, que Monsieur X, associé majoritaire de la SARL Y, souhaite céder une participation représentant plus de 50 % des parts sociales. Vous avez la possibilité de présenter une offre d’achat pour cette participation. Vous êtes tenus par une obligation de discrétion à l’égard de cette information dans les conditions prévues à l’article L 23-10-3 du Code de Commerce, qui peut être sanctionnée disciplinairement et/ou devant les juridictions civiles. Vous avez la possibilité de vous faire assister par la personne de votre choix. Dans ce cas, vous serez tenu d’en informer le chef d’entreprise dans les meilleurs délais. La personne qui vous apportera une assistance sera soumise à une obligation de confidentialité. ».
Le saviez-vous ?
À l’instar des membres du comité social et économique, les salariés informés de ce projet de vente sont soumis à une obligation de discrétion. À défaut, ils commettraient une faute justifiant une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement, voir des poursuites pénales.
Cette obligation de discrétion s’impose également aux personnes accompagnant les salariés, à propos des informations qu’elles reçoivent.
À noter. Il faut distinguer cette obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise de celle prévue pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés qui doivent informer le comité social et économique et rechercher un repreneur potentiel quand elles envisagent de fermer un établissement ayant pour conséquence un licenciement collectif pour motif économique.
Vente des titres de société et obligation d’information : quand ?
Quelle est la taille de l’entreprise ? Les délais sont calculés différemment selon la taille de l’entreprise. Il faut en effet distinguer selon que votre entreprise emploie plus ou moins de 50 salariés.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés. Vous devez informer vos salariés du projet de vente au moins 2 mois avant la vente. Ce délai commence à courir à partir du moment où tous les salariés de l’entreprise ont été informés de la cession et s’apprécie au regard de la date de la cession (c’est-à-dire la date de la conclusion de la vente). Notez que ce délai peut être réduit à une durée inférieure à 2 mois si tous les salariés ont fait part de leur décision de ne pas présenter d’offre de reprise (attention : cette intention doit être explicite et non-équivoque).
À noter. Dans le cas particulier où le cédant n’en est pas l’exploitant, le délai de 2 mois s’apprécie à partir de la notification de la volonté de céder à l’exploitant.
Le saviez-vous ?
Dans les entreprises de 50 à 249 salariés ne disposant pas de représentants du personnel, il est fait application des mêmes règles et délais. Mais attention, vous devez être en mesure d’établir l’absence de représentants du personnel au moyen d’un procès-verbal de carence établi lors des élections.
Dans les entreprises de 50 à 249 salariés. Vous devez informer vos salariés du projet de vente au plus tard au moment où vous consultez les représentants du personnel sur le projet de vente comme le prévoit la loi.
Une information valable 2 ans ! Une fois vos salariés informés, vous disposez d’un délai maximal de 2 ans pour réaliser la vente, sans avoir l’obligation d’informer à nouveau vos salariés en cas de nouveau projet de cession. Ainsi, si le projet de cession pour lequel l’information a été faite ne se concrétise pas, vous pouvez rechercher un autre repreneur et entamer une nouvelle opération de cession sans pour autant devoir informer à nouveau vos salariés. Les salariés ayant été informés au préalable de l’intention de céder, vous disposez, en pratique, d’un délai de 2 ans et 2 mois pour réaliser cette cession. Mais attention : au-delà de ce délai, vous devrez renouveler l’information des salariés si la cession n’a pas eu lieu.
Une information triennale. Les salariés des PME de moins de 250 salariés doivent être informés tous les 3 ans sur les possibilités de reprises d’une entreprise (information portant sur les conditions juridiques de la reprise, ses avantages et ses inconvénients). Cette information doit également porter sur les orientations générales de l'entreprise relatives à la détention de son capital, notamment sur le contexte et les conditions d'une vente de celle-ci et, le cas échéant, sur le contexte et les conditions d'un changement capitalistique substantiel.
À noter. Cette information peut être dispensée par écrit ou oralement lors d’une réunion à laquelle les salariés doivent avoir été convoqués par tout moyen leur permettant d'en avoir connaissance. Notez que cette information peut utilement être dispensée par l’indication d’un site Internet comportant ces informations.
Le saviez-vous ?
Le cas échéant, si, au cours des 12 mois qui précèdent la vente, celle-ci a déjà fait l'objet d'une information auprès des salariés dans le cadre de l’information triennale, aucune information supplémentaire ne sera nécessaire.
Vente des titres de société et obligation d'information : comment faire ?
Par tous moyens. Vous devez informer vos salariés par tout moyen. Cette information préalable pourra ainsi être délivrée :
-
au cours d’une réunion d’information des salariés, avec signature d’un registre de présence,
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par affichage, avec signature d’un registre daté attestant avoir connaissance de cet affichage,
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par courrier électronique, avec une date de réception certifiée,
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par remise en mains propres, contre émargement ou récépissé,
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par lettre recommandée avec avis de réception,
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par acte extrajudiciaire (délivré par un commissaire de justice par exemple),
-
par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.
À noter. Si vous procédez par courrier recommandé avec AR, retenez que le délai commence à courir à partir de la date de 1re présentation du pli (et non de la date de remise effective du pli au destinataire en cas d’absence par exemple).
Vente des titres de société et obligation d’information : quelles conséquences ?
Un salarié fait une offre. Vous êtes totalement libre de choisir d’entrer ou non en négociation avec un ou plusieurs salariés. À cet égard, si vous ne souhaitez pas entrer en négociation avec un salarié qui a manifesté son intérêt pour racheter l’entreprise, le fonds de commerce ou les parts ou actions, vous n’avez aucune obligation de lui transmettre des informations ou des documents relatifs à l’entreprise, sa stratégie ou sa comptabilité.
Le saviez-vous ?
Cette offre doit être faite auprès du chef d’entreprise, à charge pour ce dernier de la transmettre, le cas échéant, sans délai au propriétaire.
À noter. Vous n’avez également aucune obligation à l’égard d’une offre présentée par les salariés, qui ne revêt pas de caractère prioritaire. Notez que votre refus d’étudier ou d’accepter une offre n’a pas à être motivé ; vous pouvez ne pas répondre si vous le souhaitez.
Pour information. Alors que l’absence, le retard ou l’information incomplète pouvait justifier une saisine des tribunaux, par les salariés, en vue d’obtenir la nullité de la vente, cette sanction a été annulée par le Conseil constitutionnel le 17 juillet 2015. Mais vous n’échappez toutefois pas à toute sanction puisque vous risquez tout de même une amende d’un montant maximum égal à 2 % du prix de vente en cas de manquement à votre obligation d’information.
À retenir
Si vous employez moins de 50 salariés (ou moins de 249 salariés tout en ne disposant pas de représentants du personnel dans l’entreprise), vous devez informer vos salariés du projet de vente au moins 2 mois avant la vente.
Si un salarié manifeste un intérêt pour faire une offre, vous restez totalement libre de choisir d’entrer ou non négociation avec lui.
- Loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relatives à l’économie sociale et solidaire
- Décret no 2014-1254 du 28 octobre 2014 relatif à l’information des salariés en cas de cession de leur entreprise
- Loi no 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle
- Loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
- Article L 2312-8 du Code du travail (consultation des représentants du personnel)
- Articles L 1233-57 et suivants du Code du travail (obligation de recherche d’un repreneur)
- Guide pratique du Ministère de l’Economie sur le « Droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise » - Octobre 2014
- Décision du Conseil constitutionnel no 2015-476 QPC du 17 juillet 2015 (inconstitutionnalité de la sanction)
- Décret no 2015-1811 du 28 décembre 2015 relatif à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise
- Décret no 2016-2 du 4 janvier 2016 relatif à l’information triennale des salariés prévue par l’article 18 de la loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire
- Arrêt du Conseil d’État du 8 juillet 2016, no 386792 (appréciation du délai de 2 mois)