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Notification de redressement fiscal : est-elle justifiée ?

Date de mise à jour : 09/01/2024 Date de vérification le : 09/01/2024 20 minutes

L’administration vient d’achever le contrôle fiscal de votre entreprise. Le vérificateur vous envoie sa proposition de rectifications et, comme prévu, il met à la charge de l’entreprise un complément d’impôt sur les bénéfices et un rappel de TVA. Lisez bien cette proposition de rectifications : vous explique-t-il pourquoi il sanctionne votre entreprise ? La réponse à cette question est essentielle…

Rédigé par l'équipe WebLex.
Notification de redressement fiscal : est-elle justifiée ?


Une proposition de rectifications fiscales doit être motivée

Un débat oral et contradictoire. La procédure dite de droit commun en matière de vérification de comptabilité est la « procédure de rectification contradictoire ». Cette procédure impose à l’administration de mettre en place un débat entre elle et vous, par le truchement du vérificateur : ce débat permettra d’instaurer une discussion à propos des propositions de rectifications fiscales qu’elle peut envisager à votre encontre et à l'encontre de votre entreprise.

Une obligation pour l’administration ! Non seulement le vérificateur doit, en cours de contrôle, instaurer un débat oral et contradictoire, dont le non-respect peut entraîner l’irrégularité de la procédure, mais il doit aussi expliquer dans la proposition de rectifications les raisons qui le conduisent à rectifier tel impôt ou telle taxe.

Attention. Ce débat est présumé avoir lieu lorsque le contrôle est effectué dans les locaux de l’entreprise. Si vous estimez en avoir été privé, il vous appartient d’apporter la preuve que l’administration aurait refusé un tel débat. Preuve qu’il est difficile de rapporter en pratique…

Pour la petite histoire… Un couple fait l’objet d’un contrôle fiscal qui aboutit à un redressement. Il conteste, considérant avoir été privé d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. L’administration conteste à son tour et rappelle que :

  • le couple a reçu une proposition d’entretien accompagnée d’une demande de renseignement ;
  • le couple résidant régulièrement à l’étranger, le vérificateur s’est rapproché du professionnel chargé de les conseiller et d’assurer leur représentation ;
  • le vérificateur et le conseil du couple se sont réunis à 4 reprises pour échanger sur les propositions de rectifications fiscales envisagées.

Donc. Au vu de tous ces éléments, l’administration considère avoir ouvert un débat oral et contradictoire avec le couple et maintient le redressement fiscal… ce que confirme le juge.

Quelle est l’étendue de cette obligation ? Non seulement la proposition de rectifications fiscales doit indiquer, au moins sommairement, quels sont les impôts, déclarations, actes, faits ou périodes en cause, mais le vérificateur doit, en outre, motiver ses propositions de redressements. Chaque chef de rehaussement doit être mentionné de manière distincte. Si la proposition de rectifications fiscales concerne plusieurs catégories d’impôt, elle doit comporter la mention de tous les impôts auxquels les rehaussements s'appliquent, étant entendu que lorsque les bases sont différentes, chaque impôt doit faire l'objet d'un développement spécial. Une proposition de rectification peut également, pour un même impôt ou groupe d'impôts, concerner plusieurs périodes d'imposition, mais les rehaussements afférents à chaque période doivent alors apparaître distinctement.

Le saviez-vous ?

Il ne faut pas perdre de vue, ici, que l’objectif sera de vous permettre de prendre position sur les rectifications envisagées en toute connaissance de cause : accepter ou contester les redressements suppose que vous puissiez en appréhender les motifs. Comment peut-on accepter ou refuser des redressements si on est dans l’incapacité de comprendre pourquoi le vérificateur les envisage ?

Une motivation « en droit ». La proposition de rectification doit obligatoirement comporter l'indication des motifs de droit ou de fait sur lesquels se fondent les rehaussements. Parce qu’une rectification fiscale suppose une application erronée d’une règle fiscale, quel que soit l’impôt concerné, le vérificateur doit expliquer en quoi cette application de la règlementation fiscale n’est pas conforme. Et s’il entend rehausser le montant de l’impôt sur les bénéfices, rectifier le montant de votre TVA due ou corriger les valeurs locatives de votre cotisation foncière des entreprises, il ne pourra le faire que si des textes de loi l’y autorisent.

Une motivation « en fait ». Le vérificateur doit également vous expliquer en quoi les circonstances liées spécialement à votre entreprise l’ont conduit à rehausser les résultats déclarés. Prenons l’exemple classique de la déduction fiscale d’une provision pour créance douteuse. Le vérificateur pourra remettre en cause la déduction fiscale de cette provision pour créance douteuse, mais, il devra alors justifier pourquoi, selon lui, la créance en question ne peut pas faire l’objet d’une provision : le risque d’irrécouvrabilité est-il avéré dans ce cas ou s‘agit-il d’un simple impayé ? L’entreprise est-elle en mesure de justifier du montant de la créance en question, etc. ?

Le cas du rejet de la comptabilité. Il peut arriver qu’un vérificateur rejette la comptabilité de l’entreprise. Il ne pourra le faire, toutefois, que si votre comptabilité est effectivement irrégulière (vous n’êtes pas en mesure de présenter les pièces comptables justificatives, des erreurs graves sont régulièrement répétées, etc.), ou si sa sincérité peut être mise en cause. S’il entend user de cette possibilité, le vérificateur devra reconstituer le chiffre d’affaires de l’entreprise et les bases d’imposition nécessaires à la détermination de l’impôt sur les bénéfices et des différentes taxes dues par l’entreprise. Dans cette hypothèse, la proposition de rectifications doit mentionner les raisons du rejet ainsi que les éléments retenus et la méthode suivie pour déterminer la base d'imposition redressée.


La sanction du défaut de motivation : la nullité de la procédure !

La proposition de rectifications est irrégulière. Une proposition de rectification qui n’est pas motivée est une proposition qualifiée d’irrégulière. La conséquence directe d’une absence de motivation des rectifications envisagées à votre encontre et à celle de votre entreprise sera la nullité des impositions complémentaires établies par l’administration.

Exemple. L’associé d’une société soumise à l’impôt sur le revenu fait l’objet d’un contrôle fiscal à l’occasion duquel l’administration relève qu’il n’a pas reporté le bénéfice de la société sur sa propre déclaration d’impôt. Elle lui adresse donc une proposition de rectifications en ce sens. Mea culpa de l’associé qui reconnaît effectivement son oubli…mais qui s’étonne du montant du supplément d’impôt qui lui est réclamé : d’après ses calculs, la somme demandée est bien supérieure à celle à laquelle il pouvait normalement s’attendre. La proposition de rectifications ne comportant aucune précision sur le calcul effectué par l’administration, intégrant apparemment une majoration, l’associé réclame l’annulation du redressement fiscal.

Position du juge. Ce que lui accorde le juge qui rappelle à l’administration que sa proposition de rectifications, pour être valable, doit être « motivée », donc argumentée : elle ne peut pas, comme c’est le cas ici, se contenter d’appliquer une majoration sans même la mentionner sur la proposition de rectifications.

Le saviez-vous ?

L’administration qui ne motive pas suffisamment une proposition de rectifications ne peut pas corriger cette erreur en détaillant ses arguments ultérieurement dans la réponse aux observations du contribuable : ses arguments doivent être précisés dès la proposition de rectifications.

C’est ce qui a été jugé dans une affaire où l’administration avait apporté des précisions sur les motifs des redressements envisagés dans la réponse aux observations du contribuable : cette réponse détaillée n’a pas couvert l’irrégularité de la proposition de rectifications dont la motivation a été jugée insuffisante.

Encore faut-il prouver le défaut de motivation ! Cela étant, il faut être en mesure de prouver l’absence ou le défaut de motivation, preuve qui sera bien souvent soumise à l’appréciation souveraine du juge de l’impôt et qui n’est pas toujours aisée à apporter en pratique.

Attention. Si vous suspectez un défaut de motivation dans la proposition de rectifications fiscales envoyées par l’administration, ne soulevez pas cet argument trop tôt : faites-le à partir du moment où l’administration ne pourra plus rectifier son erreur, c’est-à-dire en envoyant une proposition de rectifications fiscales rectificative. Concrètement, attendez que son délai de reprise ait expiré, délai à partir duquel elle ne peut plus mettre à votre charge ou celle de votre entreprise des impositions complémentaires.


Motivation des redressements : des conséquences à titre personnel ?

Pour une société de capitaux. On rappelle que cette société détermine son propre résultat et acquitte son propre impôt (il s’agit, en pratique, des SAS, SARL, SA, etc. soumises à l’impôt sur les sociétés). Il peut arriver que l’administration fiscale refuse la déduction d’une charge au niveau de la société et considère, en outre, qu’il s’agit de revenus distribués qui doivent être imposés chez l’associé. Dans cette hypothèse, l’administration va, à la suite des redressements opérés au niveau de la société, vous envoyer une notification de redressements en qualité de bénéficiaire de ces revenus qu’elle qualifie de revenus distribués. Notification de redressements qui doit être motivée…

Dans ce cas… L’administration doit exposer les raisons de droit et de fait pour lesquelles elle estime devoir rectifier les bases imposables de la société, et donc rectifier votre propre impôt personnel à raison de ces revenus distribués. Cette notification de redressements ne peut pas se limiter à faire référence à la notification de redressements adressée à la société. Si l’administration ne respecte pas cette obligation, la notification de redressements pourra être jugée irrégulière.

À noter. Il est admis que la proposition de rectification adressée à l'associé d'une société de capitaux bénéficiaire de revenus réputés distribués puisse être motivée par référence à la proposition de rectification envoyée à la société à condition qu'une copie de celle-ci soit annexée à votre proposition de redressement personnelle ou soit envoyée à votre adresse personnelle.

Le saviez-vous ?

Dans une affaire mettant en cause une EURL ayant opté à l’IS, un juge a considéré que le non-respect de cette obligation n’entraînait pas l’irrégularité de la procédure (et donc la décharge des impôts rectifiés) : il a considéré que le gérant associé unique de la société ayant reçu la proposition de rectification adressée à son entreprise détaillant tous les motifs de droit et de fait ayant conduit à ce redressement fiscal, il ne pouvait ignorer les raisons retenues par l’administration pour rectifier son impôt personnel au titre des revenus distribués.

Pour une société de personnes. On rappelle que, pour ce type de société, si la détermination du bénéfice soumis à l’impôt est effectuée au niveau de la société, l’imposition se fait au niveau de chaque associé à raison de sa quote-part déterminée en fonction de sa participation au capital de la société. Dans ce cas, si l’administration entend rectifier le bénéfice imposable, la notification de redressement doit être adressée à chaque associé : cette proposition de rectifications fiscales doit exposer pour chacun d'eux les conséquences du contrôle fiscal de la société sur son imposition personnelle. Comme le précise l’administration, si cette notification peut être motivée sommairement et se référer à la notification envoyée à la société, elle doit contenir les précisions suivantes :

  • la précision selon laquelle elle fait suite à la vérification de la société ;
  • la précision selon laquelle elle s'approprie les motifs de la notification adressée à la société et en donner les références ;
  • le rappel de la participation de l'associé au capital social ou sa quote-part dans les bénéfices ;
  • la mention de la catégorie dans laquelle le revenu est imposable, sa nature et son montant ainsi que l'année de rattachement.

A retenir

Si l’administration fiscale envisage de rectifier le montant des bases d’imposition de votre entreprise, elle doit, dans le cadre de sa proposition de rectifications, motiver sa position, en droit et en fait : vous devez être en mesure d’être suffisamment informé sur les raisons qui ont poussé le vérificateur à sanctionner l’entreprise pour que vous puissiez, en toute connaissance de cause, soit accepter les redressements, soit les contester.
 

J'ai entendu dire

Ma société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui s’est soldé par des rectifications fiscales. Le vérificateur a tiré les conséquences de ces rehaussements à mon niveau et m’a notifié, à titre personnel, une proposition de rectifications fiscales en mettant à ma charge ce qu’il appelle des « revenus distribués ». Mais je trouve que ce redressement qui m’est destiné n’est pas très explicite : quelle est l’étendue de l’obligation de motivation dans ce cas ?

La règle est la suivante : lorsque l'administration tire les conséquences de rehaussements apportés aux résultats d'une société (soumise à l’impôt sur les sociétés) en ce qui concerne la situation personnelle des associés au regard de leur impôt sur le revenu, la proposition de rectification qui leur est adressée doit être suffisamment motivée. Elle doit donc reproduire les motifs qui ont justifié les rehaussements au niveau de la société.

Le juge a, à cet égard, rappelé qu‘une société soumise à l’IS est un contribuable distinct de son gérant. Ce dernier doit donc avoir été informé personnellement des motifs de redressements imposés à la société pour que ceux-ci soient utilisés pour rectifier son impôt personnel.

Une notification de redressement envoyée au gérant d’une société qui serait la conséquence des redressements subis par cette société n’a pas été jugée suffisamment motivée, dès lors que n’y figuraient pas de manière explicite les motifs du redressement de la société (et ce, alors même que le gérant avait reçu, en cette qualité, la proposition de rectifications propre à la société et que le siège de la société était fixé au domicile du gérant).
 
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