Réclamation fiscale : la réponse de l'administration
L’administration va « instruire » votre réclamation
C’est une obligation pour l’administration. Sauf si votre réclamation s’avère irrecevable pour vice de forme ou si elle est présentée hors délai, l’administration a l’obligation d’instruire votre réclamation. En règle générale, cette instruction est réalisée par l’agent des impôts qui est à l’origine de l’imposition contestée.
Concrètement, comment se déroule cette étape ? L’agent va procéder à un examen de votre réclamation : non seulement il va vérifier si les conditions de forme sont effectivement respectées (avez-vous joins l’avis d’imposition contesté, la réclamation est-elle effectivement signée, etc. ?), mais il va aussi et surtout étudier vos arguments tendant à obtenir la décharge des impositions. Cela suppose d’étudier les circonstances de fait qui motivent votre réclamation, ainsi que les arguments de droit que vous soulevez pour faire valoir votre position. En pratique, l’agent instructeur va s’assurer du bien-fondé de votre demande :
- le vérificateur portera une attention particulière aux faits décrits afin de vérifier l’intérêt qu’ils présentent pour la solution qu’il faudra apporter au litige ; il pourra enquêter pour vérifier l’exactitude des faits que vous rapportez (il pourra, par exemple, procéder à un examen de la comptabilité, même si le litige fait suite à une vérification de comptabilité) ;
- il examinera l’ensemble des éléments de preuve et les justifications que vous apportez à l’appui de votre demande, spécialement quand la charge de prouver que l’imposition est exagérée vous revient ;
- il examinera également vos arguments de droit : il vérifiera les règles et la jurisprudence dont vous faites état, mais, plus généralement, des dispositions qui se rapportent au litige examiné.
L’importance de la motivation. Voilà pourquoi il est essentiel de motiver avec suffisamment de précisions et d’arguments votre réclamation : c’est bien au vu de votre argumentation que l’administration sera encline à faire droit ou non à votre demande. Il n’est donc pas inutile, dans le cadre d’une réclamation, de recourir aux services d’un conseil spécialisé, rompu à ce genre d’exercice.
Attention. Le dépôt d'une réclamation ne dispense pas le contribuable du paiement de l’impôt contesté. Toutefois, si l’impôt n’a pas encore été payé, le contribuable peut demander, via sa réclamation, un sursis de paiement. Si le sursis de paiement est accordé, l’exigibilité de la créance est alors suspendue jusqu’à la décision de l’administration, ou le cas échéant, du tribunal.
L’administration va répondre à votre réclamation
Est-elle astreinte à un délai ? Par principe, l’administration est tenue de vous répondre dans le délai de 6 mois, décompté à partir de la réception de votre réclamation (d’où l’intérêt d’envoyer cette réclamation par courrier avec accusé réception afin de lui donner une date certaine et opposable). Il faut savoir que si l’agent ne peut pas statuer sur votre réclamation dans ce délai, il doit vous en aviser : il dispose alors d’un délai complémentaire de 3 mois maximum.
Le saviez-vous ?
Une absence de réponse de l’administration dans ce délai de 6 mois, éventuellement prolongé de 3 mois, ne signifie pas qu’elle vous donne automatiquement raison : il s‘agira alors d’une décision « implicite » de rejet, qui vous permet, une fois ce délai écoulé (et à condition d’être en mesure de le justifier) de saisir le juge de l’impôt.
L’administration vous donne raison. C’est évidemment la meilleure des solutions : dans cette hypothèse, les impositions complémentaires sont annulées, et vous n’aurez rien à payer. Trois remarques à ce sujet :
- si vous aviez versé l’impôt dont vous venez d’obtenir le dégrèvement, il vous sera remboursé ;
- dans l’hypothèse où vous avez constitué des garanties et versé des consignations, à l’appui d’une demande de sursis de paiement, ces garanties vous sont restituées ; si vous avez engagé des frais, demandez-en le remboursement ;
- dans ces deux hypothèses, vous avez droit au versement d’intérêts moratoires, calculés au taux de 0,20 % par mois (calculés depuis la date de paiement de l’impôt ou la date de versement des consignations).
L’administration ne fait pas droit à votre demande. Spécialement dans cette hypothèse, l’administration est tenue de motiver sa décision de rejet, par lettre recommandée avec accusé de réception, tant au regard des circonstances de fait qu’au regard des règles et textes applicables, que ce rejet soit total ou partiel. Vous avez, par la suite, trois options :
- soit vous renoncez à poursuivre le contentieux : l’imposition complémentaire est donc due et, si vous ne l’avez pas encore payée, vous devez vous acquitter de votre dette, assortie, le cas échéant, des pénalités pour paiement tardif et des intérêts de retard ;
- soit vous entendez poursuivre la contestation, et vous devez dans ce cas saisir le juge de l’impôt compétent ;
- soit vous privilégiez une tentative de recours amiable avant toute saisie du juge. Il convient alors de saisir le conciliateur fiscal départemental ou le médiateur des ministères économiques et financiers.
Le délai pour saisir le juge. Plusieurs délais sont applicables, selon la nature de la réponse de l’administration :
- si elle rejette votre réclamation par écrit et vous mentionne expressément les délais et voies de recours qui s’offrent à vous : vous disposez alors d’un délai de 2 mois pour saisir le tribunal ;
- si elle rejette votre réclamation par écrit mais ne mentionne pas les délais et voies de recours : vous pouvez saisir le tribunal dans un « délai raisonnable », fixé à un an ;
- si elle ne vous répond pas dans les 6 mois suivants la présentation de votre réclamation : dans cette hypothèse, vous pouvez saisir le tribunal à tout moment, le « délai raisonnable » d’un an n’étant pas ici applicable.
À noter. Si le délai pour saisir le tribunal est dépassé, rien n’est perdu. Le contribuable peut toujours, si le délai légal de réclamation n’est pas dépassé, présenter une nouvelle réclamation pour la même imposition.
Saisir quel juge de l’impôt ? Vous avez deux mois pour saisir le juge de l’impôt, décompté à partir de la notification du rejet de votre réclamation par l’administration. Mais, sachez que vous pouvez aussi saisir le juge de l’impôt dès l’expiration du délai de 6 mois (éventuellement 9 mois) imparti à l’administration pour se prononcer sur votre réclamation. Pour votre information :
- le juge administratif est compétent pour connaître des litiges relatifs aux impôts directs et aux taxes sur le chiffre d’affaires ;
- le juge civil est compétent pour connaître des litiges relatifs aux droits d’enregistrement et de timbre, aux contributions indirectes, à l’impôt de solidarité sur la fortune (jusqu’au 1er janvier 2018) et à l’impôt sur la fortune immobilière (qui remplace, depuis le 1er janvier 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune).
Le saviez-vous ?
Lorsqu’un litige doit être soumis au juge administratif, la requête, présentée par un avocat, doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet (dénommée « Télérecours »). La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant.
À noter. Si l’administration rejette votre réclamation, vous pouvez toujours former une demande de dégrèvement d’office. Retenez cependant que cette possibilité de vous accorder un dégrèvement n’est qu’une faculté laissée à la libre appréciation de l’administration. En clair, si l’administration refuse de vous accorder un dégrèvement, vous ne pourrez pas contester sa décision !
À retenir
Une fois son instruction faite, l’administration doit vous répondre et motiver sa décision. Si elle vous donne raison, vérifiez les conditions de remboursement de l’impôt dégrevé (si vous l’avez versé), et notamment le versement d’intérêts moratoires ; demandez le remboursement des frais de constitution de garanties que vous auriez constitués en cas de sursis de paiement.
Inversement, si elle ne réserve pas une suite favorable à votre réclamation, vous aurez deux mois pour saisir le juge de l’impôt compétent.
J'ai entendu dire
À qui doit-être notifiée la décision de l’administration sur la réclamation ?La décision doit être notifiée, par écrit, à l’entreprise elle-même. Il faut noter que la Cour de Cassation a eu l’occasion de juger que la notification de la décision à l’avocat qui a rédigé la réclamation au nom de l’entreprise est irrégulière.
L’irrégularité de la notification n’affecte pas l’imposition elle-même : elle rend inopposable le délai qui vous est imparti pour saisir le juge de l’impôt.
- Articles R 198-1 et suivants du Livre des procédures fiscales (instruction des réclamations)
- BOFiP-Impôts-BOI-CTX-PREA-10-70 et 10-80
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 29 novembre 1983, n° de pourvoi 82-12187 (notification de la décision à l’avocat)
- Arrêt du Conseil d’État du 7 décembre 2016, n° 384309 (délais de recours contre les décisions de rejet de réclamations fiscales)
- Décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016 relatif à l'utilisation des téléprocédures devant le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs
- Arrêt du Conseil d’État du 19 juin 2017, n°403096 (contestation d’un refus de dégrèvement d’office)
- Loi de finances rectificative pour 2017 du 28 décembre 2017, n° 2017-1775 (article 55).
- Avis du Conseil d’État du 21 octobre 2020, n°443327 (délai pour saisir le tribunal)