Reconnaître un accident de travail
Accident du travail : ce qu’il est…
Un « accident survenu à l’occasion du travail ». L’accident du travail suppose effectivement qu’il soit intervenu à l’occasion du travail. Plus exactement, il se définit comme un événement (ou une série d’événements) survenu par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle (quelle que soit la date d’apparition de celle-ci). 3 conditions précises doivent donc être remplies pour caractériser un accident du travail.
3 conditions. Un accident du travail suppose un fait accidentel, une lésion corporelle et un lien avec le travail. Concrètement :
- fait accidentel : il doit s’agir d’un événement soudain, comme une chute de votre salarié par exemple ;
- lésion corporelle : cet accident a eu pour conséquence de causer une lésion corporelle au préjudice du salarié, comme une fracture par exemple ;
- lien avec le travail : il faut enfin que l'accident soit en lien avec le travail, c'est-à-dire que le salarié soit sous votre autorité quand l'accident a lieu, en principe pendant ses heures de travail et dans les locaux de l'entreprise (a contrario, pendant une période de suspension de son contrat de travail – une mise à pied par exemple – un salarié ne peut normalement pas être victime d'un accident de travail).
Cause étrangère au travail ? L'accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf preuve contraire rapportée par la Caisse d’assurance maladie. Il précise que la preuve contraire s'entend de la preuve d'une cause totalement étrangère du travail. Tel n’est pas nécessairement le cas de l’accident dont le salarié est à l’origine.
Le saviez-vous ?
Le parking de l'entreprise fait partie intégrante de l’enceinte de l'entreprise. Si un accident survient sur le parking de votre entreprise, vous devrez déclarer cet accident aux services de la sécurité sociale (CPAM).
Loisir organisé par l’entreprise. Il a déjà été jugé que l’accident survenu au cours d’une excursion organisée par l'employeur en dehors du temps de travail et du lieu de travail pour l'ensemble du personnel, dès lors que la victime y avait pris part de son plein gré et sans que rien ne lui en fasse obligation n'est pas un accident du travail, cet accident ne s'étant pas déroulé, selon le juge, à l'occasion du travail normal. Concrètement, mieux vaut déclarer l’accident mais penser à émettre des réserves sur les circonstances de l’accident.
La pause déjeuner. Si le temps de pause déjeuner ne constitue pas du temps de travail effectif permettant de décompter le temps de travail du salarié, l’accident subi par un salarié pendant le temps de sa pause déjeuner n’en est pas moins présumé lié au travail (sauf à rapporter la preuve que le salarié se soit soustrait à l’autorité de l’employeur ou que l’accident ait une cause « entièrement » étrangère au travail).
Cas du salarié en mission. Le salarié doit être protégé contre les risques d’accident de travail, peu importe que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, pendant toute la durée de sa mission. Pour exclure la qualification d’accident de travail, il appartient à l’employeur ou à la caisse de Sécurité sociale de prouver que le salarié a interrompu sa mission pour des motifs personnels.
2 exemples. Retenez que les juges ont déjà précisé que le seul fait que le salarié se soit blessé dans une discothèque, à 3 heures du matin, ne suffit pas à prouver l’absence de lien avec son activité professionnelle : il aurait très bien pu accompagner des clients ou des collaborateurs, ou tout simplement répondre à une invitation dans le cadre de sa mission ; c’est pourquoi, faute d’apporter la preuve contraire, cet accident doit être considéré comme un accident de travail. Dans une autre affaire, les juges ont admis que le salarié, victime d’un malaise cardiaque à la suite d’une relation sexuelle, alors qu’il était en déplacement professionnel, constituait un accident du travail.
Et le télétravail ? Selon les juges, l’accident, qui survient peu après qu’une salariée se soit déconnectée de son poste de travail, ne peut pas être qualifiée d’accident du travail. Dans les faits, une salariée, faisant du télétravail depuis son sous-sol aménagé en bureau, a fait une chute dans ses escaliers, à 16h02, après s’être déconnectée à 16h01.
Accident du travail : ce qu’il n’est pas…
Une distinction à connaître. L’accident du travail doit être distingué de deux autres types d’atteintes corporelles qui peuvent affecter un salarié. Lesquelles ?
Une 1ère distinction. Il faut, tout d’abord, distinguer l’accident du travail de l’accident de trajet. Un accident de trajet est l'accident survenu au salarié pendant le trajet aller/ retour entre, d’une part, le lieu de travail et, d’autre part, son domicile ou le lieu où il prend habituellement ses repas.
Quelle conséquence ? L'accident de trajet est différent de l'accident du travail pour l’entreprise, car il ne sera pas imputé sur son taux de cotisations accident du travail et maladie professionnelle (taux AT/MP). Par contre, les prestations de la sécurité sociale sont identiques pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'un accident de trajet (à ceci près que le délai de carence pour le versement des indemnités journalières ne s’applique pas en cas d’accident du travail). L'accident de trajet doit être déclaré selon la même procédure que l'accident du travail, mais avec un formulaire différent.
Le saviez-vous ?
Si l'un de vos salariés a un accident alors qu'il effectuait un détour dans un but strictement personnel pendant son trajet travail/domicile, il ne sera plus dans le cadre de ce trajet protégé. Seule une nécessité de la vie courante peut justifier ce détour du salarié (achat de nourriture par exemple).
Exemple. L’accident qui survient alors que le salarié quitte l’entreprise et se dirige vers son véhicule est un accident de trajet. Dans ce cas, la faute inexcusable de l’employeur ne peut pas être recherchée, tant qu’aucun témoin, ni aucune preuve ne permettent d’établir que l’accident s’est effectivement produit dans une dépendance de l’entreprise où le chef d'établissement exerçait ses pouvoirs d'organisation, de contrôle et de surveillance.
En revanche. Est victime d’un accident du travail le salarié qui a pointé et s’est dirigé vers la salle de pause lors de son malaise. Il a donc pris son poste, même s’il n’était pas encore dans le magasin où il exerçait effectivement ses fonctions, et se trouvait directement sous l’autorité de l’employeur, au temps et au lieu de travail. L’existence de symptômes préalables au malaise, pendant le trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail, ne caractérise pas l’accident de trajet, dès lors que le malaise est survenu aux temps et lieu de travail, sous l’autorité de l’employeur.
Une 2nde distinction. L’accident du travail doit aussi être distingué de la maladie professionnelle, en ce qu’il se caractérise notamment par sa soudaineté (une maladie apparaîtrait de manière plus lente et/ou progressive). Seront qualifiées de « maladies professionnelles » les maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles qui recensent les affections reconnues comme telles (notez, pour information, que des maladies n’y figurant pas peuvent, sous certaines conditions, être également prises en charge, notamment s’il est établi que la maladie est essentiellement et directement causée par le travail et si elle entraîne le décès du salarié ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %).
Quelle conséquence ? En pratique, vous n’avez pas à déclarer la maladie professionnelle d'un salarié, puisque c’est au salarié de prendre l'initiative de déclarer ce type d’affection à la CPAM. Les maladies professionnelles sont toutefois indemnisées au même titre que les accidents du travail.
À noter. La maladie professionnelle aura le même effet qu’un accident de travail sur le taux de cotisations accident du travail et maladie professionnelle (taux AT/MP) appliqué à l’entreprise.
Accident du travail : les conséquences
Une reconnaissance par la CPAM ? En cas de reconnaissance de l’accident du travail par la CPAM, votre salarié bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement pendant toute la durée de son arrêt de travail (interdiction de licencier, sauf pour faute grave ou impossibilité de maintien du contrat de travail pour un autre motif que l'arrêt de travail).
Le saviez-vous ?
La même protection existe pour les salariés victimes d’une maladies professionnelles.
A noter. La mention d’un motif économique dans la lettre de licenciement ne permet pas de caractériser l’impossibilité, pour l’employeur, de maintenir le contrat de travail. Dans une affaire récente, une entreprise placée en redressement judiciaire avait obtenu l’autorisation du juge-commissaire de supprimer 2 postes, dont l’un occupé par un salarié en arrêt à la suite d’un accident de travail. L’entreprise a donc licencié ledit salarié pour motif économique… mais sans caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident. De ce fait, le licenciement est nul.
Une indemnisation. Pendant son arrêt de travail, le salarié bénéficie des indemnités journalières de la sécurité sociale (avec complément versé par l’employeur le cas échéant), sans délai de carence (on rappelle qu’un délai de carence s’applique en cas d’accident de trajet).
Un arrêt de travail ? Si l’un de vos salariés dispose d’un arrêt de travail résultant d’un accident du travail, vous devez simplement en informer le médecin du travail en cas d'absence de moins de 30 jours. Par contre, vous devrez prendre l’initiative d’organiser une visite médicale de reprise en cas d'arrêt de travail supérieur à 30 jours.
Etablissement d’un arrêt. Aujourd’hui, en cas d’AT, le médecin établit un certificat médical spécifique dans lequel il indique l'état de la victime et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles, en particulier la durée probable de l'incapacité de travail, si les conséquences ne sont pas exactement connues. A compter du 1er novembre 2021, le médecin pourra remettre un avis d'arrêt de travail pour « accident du travail », vraisemblablement sur le même modèle que l’arrêt de travail pour maladie « ordinaire ».
Une rente d’incapacité permanente. A compter du lendemain de la consolidation de l’état de santé (c’est-à-dire le moment où les conséquences de l’accident du travail seront stationnaires), le salarié pourra prétendre à une rente d’incapacité permanente ou à un capital versé par l’Assurance Maladie. Celle-ci évaluera donc le taux d’incapacité permanente du salarié. S’il est inférieur à 10 %, elle lui octroiera un capital. A partir de 10 %, le salarié pourra prétendre à une rente viagère d’incapacité permanente, versée trimestriellement si le taux d’incapacité est inférieur à 50 % ou mensuellement en cas d’incapacité permanente évaluée à au moins 50 %. Le taux est notifié à l’employeur et lui est opposable.
À noter. Cette rente ou ce capital, selon le taux d’incapacité, répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation du salarié. Elle/il compense donc, notamment, la perte de droit à retraite.
Une attribution en espèce ? Auparavant, quel que soit le montant de sa rente d’incapacité permanente et de son taux d’incapacité, le salarié avait la possibilité de demander que lui soit attribué en espèce :
- au plus ¼ du capital correspondant à la valeur de la rente, si le taux d’incapacité est de 50 % au plus ;
- le capital correspondant à la fraction de la rente allouée jusqu’à 50 %, si le taux d’incapacité est de 50 % ou plus.
Fin de l’option. Depuis le 7 mai 2021, cette possibilité de percevoir une partie de la rente en espèces n’existe plus.
Une conversion de la rente au bénéfice du conjoint ? Le salarié dispose toujours de la possibilité de demander la conversion partielle de sa rente en rente réversible au bénéfice de son conjoint, de son partenaire de pacs ou de son concubin.
Précisions. Le titulaire de la rente avait, en effet, la possibilité de demander la constitution d’une rente viagère réversible au bénéfice de son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin, se basant :
- soit sur le capital représentatif de la rente ;
- soit sur le capital de la rente réduit du quart :
- ○ pris en son intégralité si le taux d’incapacité du salarié est au plus égal à 50 % ;
- ○ pour la portion de rente correspondant au taux d’incapacité de 50 %, si le taux d’incapacité permanente est supérieur à 50 %.
Désormais, avec la suppression la possibilité de percevoir une partie de la rente en espèces, cette conversion peut uniquement reposer sur le capital représentatif de la rente.
Le saviez-vous ?
Il peut arriver qu’un salarié soit déclaré inapte à reprendre son poste à la suite d’un accident ou d’une maladie ce qui vous contraindra à respecter l’ensemble des procédures applicables en pareille hypothèse (et notamment une proposition de reclassement vers un autre emploi approprié à ses capacités).
Un coût ? L’accident aura un impact direct sur votre taux de cotisation accident du travail et maladie professionnelle si vous avez un effectif de 20 salariés et plus, c’est-à-dire, si vous êtes soumis à une tarification mixte ou individuelle.
Une protection contre le licenciement. Le licenciement d’un salarié en arrêt de travail causé par un accident du travail (ou une maladie professionnelle) n’est possible qu’en cas de faute grave du salarié ou d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident (attention à le mentionner expressément dans la lettre de licenciement si vous envisagez un licenciement pour l’un de ces motifs). Ni l’existence de difficultés économiques, ni le respect des critères d’ordre des licenciements ne suffit à caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié dans une telle situation.
À noter. L’absence prolongée résultant d’une rechute d’un accident du travail ne peut pas donner lieu à un licenciement « pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant de pourvoir au remplacement définitif du salarié ». Au cours d’une absence consécutive à une rechute, l’employeur ne peut, en effet, licencier le salarié que s’il lui reproche une faute grave, ou encore s’il est dans l’impossibilité de maintenir le contrat pour une raison étrangère à son accident du travail (ou à sa maladie professionnelle). Un licenciement prononcé au mépris de cette règle serait nul.
Cas de la rupture de la période d’essai. La rupture de période d’essai intervenant pendant l’arrêt de travail causé par un accident du travail est nulle. Elle ne constitue pas pour autant un licenciement nul. Dans pareil cas, le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts librement évalués par le juge.
À retenir
Retenez que la qualification « accident du travail » suppose un fait accidentel en lien avec le travail entraînant une lésion corporelle. Accident du travail qui doit donc être distingué de l’accident de trajet, qui, lui, suppose d’être survenu au salarié pendant le trajet entre son lieu de travail et son domicile ou le lieu où il prend habituellement ses repas.
- Articles L411-1 et suivants du Code de la sécurité sociale
- Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de Ia sécurité sociale pour 2021 (art 100)
- Décret n° 2021-554 du 5 mai 2021 relatif à la procédure de reconnaissance et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (article 1)
- Arrêt de la Cour de cassation, assemblée plénière, du 3 juillet 1987, n° 86-14914 (le parking de l’entreprise fait partie de l’entreprise)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 mai 2017, n° 16-12232 (un motif économique ne justifie pas une impossibilité de maintenir le contrat)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 25 janvier 2018, n° 16-28125 (pas de faute inexcusable de l’employeur en cas d’accident de trajet)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 21 juin 2018, n° 17-15984 (accident de ski en séminaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 octobre 2018, n° 17-16474 (ordre des licenciements et accident du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 janvier 2019, n° 17-3174 (Rupture de la période d’essai et accident du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 5 mars 2019, n° 17-86984 (temps de pause déjeuner et accident du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 mars 2019, n° 17-31805 (rechute d’accident du travail et impossibilité de licencier pour absence prolongée)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 29 mai 2019, n° 18-16183 (malaise sur le lieu de travail avec symptômes antérieurs à la prise de poste)
- Cour d’appel de Paris, du 17 Mai 2019, n° 16/08787 (accident de la vie courante du salarié en mission)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 novembre 2019, n° 18-16715 (motif de licenciement d’un salarié en arrêt suite à un accident du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020, n° 19-11652 (indemnités dues au salarié licencié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 octobre 2020, n°19-15051 (NP) (nécessité de caractériser le licenciement d’un salarié en arrêt ATMP)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2e chambre civile, du 28 janvier 2021, n° 19-25722 (salarié à l’origine de son accident)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 septembre 2021, n°19-25418 (malaise pendant l’entretien préalable)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 7 avril 2022, n° 20-22657 (suicide salarié à son domicile)
- Arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 15 juin 2023, n° 22/00474 (NP) accident d’une salariée après s’être déconnectée de son poste de travail)