Répondre à une proposition de rectifications fiscales
Répondre à une proposition de rectifications fiscales : quand ?
30 jours... Dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, qui constitue la procédure « normale » (en opposition à la procédure d'imposition d'office ou encore à la procédure d'abus de droit), vous disposez d'un droit de réponse lorsque l'administration vous notifie des rectifications fiscales. Ce délai est, par principe, de 30 jours à compter de la réception de la proposition de rectifications émise par l'administration.
... + 30 jours = 60 jours ! Ce délai étant relativement court, vous avez la possibilité de demander un délai supplémentaire de 30 jours pour répondre. Attention, le bénéfice de ce délai supplémentaire suppose que vous en fassiez la demande (par écrit, le cachet de la Poste faisant foi !) avant l'expiration du délai initial de 30 jours : faites votre demande de prolongation de délai dès la réception de la proposition de rectifications.
A noter. Le délai de 30 jours est un délai qui s’exprime en jours francs. Lorsqu’un délai est calculé en jour franc, il ne faut pas tenir compte du jour même de la décision, ni du jour de l’échéance. En résumé, si le délai pour répondre est fixé par la Loi à 30 jours, il sera dans les faits de 32 jours : 30 jours sans compter le jour de réception du courrier, ni le dernier jour du délai.
A noter bis. Le délai de 30 jours ne commence à courir qu’à partir du moment où le destinataire de la proposition de rectifications a pleinement connaissance de tous les éléments justifiant la position de l’administration et le calcul des suppléments d’impôt réclamés.
Exemple. Une société, placée en liquidation judiciaire, fait l’objet d’un contrôle fiscal qui débouche sur l’envoi de 2 propositions de rectifications par lettre recommandée avec accusé de réception : l’une adressée au liquidateur qui concerne la situation fiscale de la société et l’autre, adressée le même jour au dirigeant, qui fait directement référence, pour le calcul du redressement portant sur son impôt personnel, au montant des redressements réclamé à la société. Le dirigeant n’ayant pas récupéré le pli recommandé, l’administration lui renvoie, 1 mois plus tard, la proposition de rectifications par lettre simple à laquelle elle joint cette fois-ci une copie de la proposition adressée à la société.
Mais. Dans le délai de 30 jours suivant la réception de ce courrier, le dirigeant présente ses observations. Trop tard, selon l’administration : le dirigeant disposait bien d’un délai de 30 jours pour présenter ses observations… qui se calcule à partir du jour de la présentation du pli recommandé. Le fait qu’il n’ait pas récupéré ce courrier recommandé est sans incidence : le redressement doit être maintenu. Mais pas pour le juge : la proposition de rectification envoyée par lettre recommandée au dirigeant n’était pas suffisamment motivée, puisqu’elle ne comportait ni copie, ni reproduction de la proposition de rectifications adressée à la société. Puisqu’il n’a reçu la copie de la proposition en question qu’1 mois plus tard, c’est à partir de ce moment-là qu’il convient de procéder au décompte du délai de 30 jours.
Le saviez-vous ?
L'administration a l'obligation d'attendre l'expiration de ce délai pour mettre en recouvrement les impositions complémentaires. Si elle ne respecte pas cette obligation, la procédure d'imposition serait qualifiée d'irrégulière et les impositions mises à votre charge annulées !
C’est l’histoire de… Une société, se pensant titulaire d’un crédit de TVA, en demande le remboursement à l’administration… Ce que cette dernière refuse, contestant l’existence même du crédit de TVA après avoir contrôlé ses déclarations de TVA. La société ne réagit pas et continue à reporter ce crédit sur ses déclarations de TVA suivantes. A l’issue d’un 3ème contrôle fiscal qui aboutit à la même conclusion, à savoir l’inexistence d’un crédit de TVA reportable, la société se décide à saisir le juge…qui donne raison à l’administration !
Donc. Puisque la société n’a jamais contesté la 1ère proposition de rectifications, elle n’est pas en droit de passer outre la décision de l’administration. Le juge maintient donc le redressement fiscal.
Répondre à une proposition de rectifications fiscales : qui ?
Le dirigeant de l’entreprise. La réponse à la proposition de rectifications doit être signée par le représentant légal de l’entreprise. Rappelons à cet égard, qu’une société de personnes est représentée par chacun de ses membres : concrètement, la signature de tous documents fiscaux par l'un des associés engage la société et est opposable aux autres associés. Vous pouvez également confier cette mission à un avocat, qui n’aura alors pas à justifier d’un mandat.
Une autre personne ? Vous pouvez confier cette réponse à toute autre personne de votre choix. Dans ce cas, la personne choisie devra justifier d’un mandat régulier que vous lui aurez au préalable délivré à cet effet (sauf si vous confiez cette mission à un avocat, qui n’aura pas à justifier d’un mandat). Sachez qu’une réponse faite par une personne n'ayant pas qualité pour agir sera considérée comme inexistante.
Mais… Sachez qu’un avocat, dès lors qu’il agit en votre nom, n’aura pas à justifier de l’existence d’un mandat (on dit que, juridiquement, un avocat est titulaire d’un mandat « ad litem »).
En matière d’impôt sur le revenu. Il vous reviendra, en tant que titulaire des revenus rehaussés (bénéfices industriels et commerciaux, bénéficies non commerciaux, etc.) de signer la réponse à la notification de redressements. Sachez, à toutes fins utiles, que cela peut être fait par votre conjoint lorsque les rehaussements, proposés au nom de l'époux précédé de la mention « Monsieur ou Madame », concernent d'autres revenus ou les personnes fiscalement à charge.
Répondre à une proposition de rectifications : comment ?
Par écrit... Parce que vous êtes contraint de répondre dans un délai précis, répondez systématiquement par écrit et envoyez votre courrier en recommandé avec accusé réception, afin de lui conférer une date certaine.
Soit vous acceptez… Vous pouvez, tout d’abord, accepter les propositions de l’administration, en tout ou partie. Cette acceptation, si elle met fin à la procédure de contrôle, ne vous empêchera pas de contester ultérieurement les impositions complémentaires qui seront mises en recouvrement (il vous appartiendra alors d’apporter la preuve que les redressements sont injustifiés).
Soit vous refusez. Vous pouvez aussi refuser, en tout ou partie, les rectifications envisagées par le vérificateur. Il est vivement conseillé de motiver vos observations. N’oubliez pas que la réponse à cette proposition de rectifications est une étape importante du contrôle fiscal en ce qu’elle va poser les bases de votre argumentaire pour contester la position de l’administration. Il est donc essentiel d’appuyer vos contestations par tous moyens, qu’il s’agisse d’arguments juridiques ou factuels. Associez votre conseil à la rédaction de cette réponse.
Réponse de l'administration. Au vu des arguments que vous lui opposerez, l’administration sera tenue d’y répondre : plus votre argumentaire sera complet et plus la position que devra prendre l’administration devra également être argumentée avec précision. Cette motivation est d’ailleurs une obligation pour elle : sa réponse à vos observations doit être motivée si elle entend rejeter vos observations, un défaut de motivation pouvant rendre irrégulière la procédure.
A noter. Bien entendu, la réponse à vos observations doit être signée par le vérificateur qui vous a notifié le redressement fiscal. Si la procédure de contrôle a été suivie par plusieurs vérificateurs qui ont effectivement signé le courrier de notification du redressement fiscal, aucune obligation n’impose qu’ils signent tous le courrier de réponse à vos observations. Dans cette situation, le juge de l’impôt a considéré que la signature d'un seul vérificateur n'entraine pas l'annulation du contrôle pour irrégularité.
Le saviez-vous ?
Ne vous limitez pas à refuser purement et simplement les redressements ! Une récente décision de justice mérite ici toute votre attention : le juge a décidé que si, dans le cadre de vos observations, vous ne mentionnez pas les motifs qui vous conduisent à contester le bien-fondé des redressements, l’administration ne sera pas tenue de répondre à vos observations. Un tel défaut de réponse n’entraînera pas la décharge des impositions supplémentaires (sauf dans l’hypothèse où le litige relève de la compétence de la commission départementale des impôts).
Sous quel délai ? L'administration n'est pas astreinte à un délai précis pour répondre à vos observations, sauf dans une hypothèse suivante : elle doit vous répondre dans les 60 jours de la réception des observations que vous lui avez envoyées lorsque la proposition de rectifications fait suite à une vérification de comptabilité. Toutefois, cette mesure n'est susceptible de s'appliquer qu'aux entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale et dont le chiffre d'affaires hors taxes de tous les exercices vérifiés n'excède pas 1 526 000 € si l'activité consiste en la vente de marchandises ou de denrées à emporter ou consommer sur place ou en la fourniture de logement, ou 460 000 € pour les entreprises prestataires de services ou non commerciales (si un seul des exercices vérifiés excède ces seuils, le délai de réponse de l’administration fiscale n’est pas limité à 60 jours).
Pour les SCI. Par mesure de tolérance, l’administration admet que cette mesure s’applique également aux sociétés civiles immobilières de gestion.
Mais… Le juge de l’impôt adopte une position différente de l’administration et réserve le bénéfice de cette mesure aux entreprises relevant des BIC ou des BNC. Il refuse donc que les SCI imposées au titre des revenus fonciers puissent se prévaloir du délai de 60 jours.
Important. Le non-respect de ce délai de 60 jours équivaut à une acceptation tacite de vos observations, d'où l'importance de répondre à une proposition de rectifications en recommandé avec accusé réception. Sachez, toutefois, que cette obligation ne s'applique pas en cas de graves irrégularités privant la comptabilité de l'entreprise de valeur probante, et elle suppose, en outre, que vous ayez vous-même respecté le délai de 30 jours (éventuellement prorogé) pour répondre à la proposition de rectifications.
A noter. Les sociétés holding, qui respectent ces seuils de chiffres d’affaires, mais dont l’actif est supérieur à 7,6 M€ sont exclues de ce dispositif imposant à l’administration un délai de 60 jours pour répondre à leurs observations. Ce seuil de 7,6 M€ s’apprécie par référence à la valeur d’origine des titres, à l'exclusion par conséquent des éventuelles provisions pour dépréciation. En outre, notez que le vérificateur peut répondre au-delà de ce délai dès lors que le montant total des titres est, pour un seul des exercices vérifiés, égal ou supérieur au seuil.
A retenir
Vous avez 30 jours pour répondre à une proposition de rectifications : pour vous donner un peu plus de délais, et notamment prendre position sur les redressements projetés, vous bénéficiez automatiquement d’un délai supplémentaire de 30 jours, à condition de le demander avant l’expiration du délai initial de 30 jours.
Associez votre conseil à la rédaction des observations que vous seriez susceptibles de faire en cas de contestation des redressements.
J'ai entendu dire
Que se passe-t-il si on envoie des observations après l’expiration du délai de 60 jours ? L’administration est-elle tenue d’y répondre malgré tout ?Une réponse parvenue après l'expiration du délai de 30 ou 60 jours n’est, en principe, pas prise en considération. Cependant, par mesure de tempérament, l’administration admet d’en tenir compte si vous justifiez avoir été, en raison d'un empêchement caractérisé, dans l'impossibilité de donner suite dans le délai imparti aux propositions de rectification. En outre, elle admet d’en tenir compte si vos observations sont de nature à remettre en cause le bien-fondé des impositions.
En tout état de cause, vous ne seriez pas empêché par la suite de contester les impositions supplémentaires, mais, comme nous l’avons signalé, la charge de la preuve vous incombera.
- Articles L 11, L 54 B, L 57 et L 57 A du Livre des Procédures Fiscales
- BOFiP-Impôts-BOI-CF-IOR-10-50
- Arrêt du Conseil d’Etat du 11 avril 2014, n° 349719 (conséquence d’un défaut de réponse de l’administration aux observations du contribuable)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 24 février 2010, n° 308312 (contrôle mené par plusieurs vérificateurs)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 21 juin 2017 (observations suite à proposition de rectification et jours francs)
- Arrêt de la Cour Administrative d’Appel du 28 mars 2017, n°16VE01707 (délai de réponse de 60 jours réservé aux entreprises relevant des BIC ou des BNC).
- Arrêt du Conseil d’Etat du 4 décembre 2017, n°395947 (absence de réponse à une proposition de rectifications et report d’un crédit de TVA)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 1er février 2018, n°397401 (réponse signée par un avocat et mandat « at litem »)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 3 octobre 2018, n°408643 (motivation par référence, proposition d’une rectification d’une société transmise en copie au dirigeant 1 mois après réception proposition de rectification impôt personnel et calcul du délai de 30 jours)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 25 octobre 2022, n° 20BX00995 (signature manuscrite de l’inspecteur pour la réponse aux observations)
- Arrêt du Conseil d’Etat du 20 juin 2023, n° 467042 (délai de réponse de l’administration et respect des seuils de chiffre d’affaires)