Responsabilité civile du dirigeant : ce qu’il faut savoir
Responsabilité civile du dirigeant : une distinction à faire
Au préalable. Pour qu’un dirigeant engage sa responsabilité civile, il faut qu’il ait commis une faute source de préjudice pour la société ou pour un tiers. Et si ce lien de causalité est effectivement établi, il pourra être condamné à indemniser la personne qui se dit victime de cette faute.
Le saviez-vous ?
Lorsqu’une personne exerce tous les attributs dévolus au dirigeant d’entreprise alors qu’elle n’en a pas le pouvoir, les juges peuvent la considérer comme « dirigeant de fait ». Cette dernière peut alors engager sa responsabilité civile lorsque les actes qu’elle commet sont sources d’un préjudice.
Comment ? D’une manière générale, plusieurs situations sont susceptibles d’engager la responsabilité civile du dirigeant. Ce sera le cas dans l’hypothèse où la faute du dirigeant est reconnue en cas de :
- d’infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à l’entreprise : ce sera notamment le cas, par exemple, en présence d’un défaut de mention obligatoire dans les statuts, d’une modification irrégulière des statuts, d’une omission ou de l’accomplissement irrégulier d’une formalité prévue par la Loi ;
- de violation des règles prévues par les statuts ou des décisions prises dans le cadre des délibérations des associés (procès-verbal d’assemblée générale notamment) ;
- de faute de gestion, comme une faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif et pour laquelle le dirigeant peut être poursuivi dans le cadre d’une action en comblement de passif avec pour conséquence une prise en charge de tout ou partie des dettes de l’entreprise ;
- d’infractions aux obligations fiscales de l’entreprise lorsque le défaut de paiement des impôts ou taxes est dû aux manœuvres frauduleuses du dirigeant ou à ses inobservations graves et répétées aux obligations fiscales ;
- d’infractions aux obligations sociales, le dirigeant pouvant être condamnée au versement de pénalités sur l’entreprise ne s’acquitte pas de ses cotisations sociales ;
- d’infractions à la réglementation liée à la concurrence, le dirigeant étant tenu à l’égard de son entreprise d’une obligation de loyauté qui lui interdit de concurrencer directement ou indirectement l’entreprise qu’il dirige.
Le saviez-vous ?
Un dirigeant ne peut plus être condamné à assumer l’insuffisance d’actif de sa société, au titre d’une faute de gestion, lorsque cette insuffisance résulte d’une simple négligence.
Qui ? L’action en responsabilité peut être engagée, soit par un associé ou un tiers qui subit personnellement un préjudice (on parle d’action individuelle), soit, lorsqu’il s’agit de réparer un préjudice subi par la société (on parle d’action sociale), par :
- un associé agissant à titre individuel ;
- des associés représentant au moins 10 % du capital (cette possibilité ne s’appliquant pas aux associés de SNC) ;
- des créanciers dans le cadre d’une procédure collective.
À noter. Pour qu’un tiers puisse engager une action, la faute commise par le dirigeant, à l’origine du son préjudice, doit être séparable de ses fonctions et lui être imputable personnellement. Ce sera le cas, par exemple :
- d’un dirigeant qui ne paie pas les primes afférentes à l’assurance d’un véhicule de la société et qui engagerait alors sa responsabilité civile à l’égard d’un salarié qui serait victime d’un accident avec ce véhicule ;
- d’un dirigeant qui engagerait sa responsabilité vis-à-vis d’un fournisseur qu’il aurait sciemment trompé sur la solvabilité de son entreprise.
Le saviez-vous ?
Lorsqu’une faute pénale est commise intentionnellement, elle est d’office considérée comme séparable des fonctions de dirigeant. Tel est le cas, par exemple, du dirigeant qui ne souscrit pas une assurance de construction obligatoire.
Quel délai pour agir ? L’action en responsabilité pour irrégularités des statuts ou des modifications statutaires se prescrit dans les 10 ans qui suivent à compter soit de l'immatriculation de la société au Registre du commerce et des sociétés (RCS), soit de l'inscription modificative audit registre et du dépôt, en annexe dudit registre, des actes modifiant les statuts.
Bon à savoir. Si le préjudice est lié la nullité de la société ou des délibérations prises par les associés, le délai est réduit à 3 ans.
Mais aussi… Au-delà de cette responsabilité dite « de droit commun », des règles spécifiques sont susceptibles de s’appliquer aux dirigeants de société à responsabilité limitée (SARL), de société anonyme (SA), de société en nom collectif (SNC) et de société en commandite simple (SCS).
Responsabilité civile du dirigeant de SARL ou de SA
Principe. Le dirigeant d’une SARL ou d’une SA (gérants, administrateurs ou directeur général) est responsable envers la société ou envers les tiers, soit des infractions à la Loi, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Une responsabilité solidaire ? Les dirigeants répondent individuellement ou solidairement de leurs fautes. En raison du caractère collégial du conseil d’administration et du directoire, les décisions fautives prises par ces organes engagent, par principe, la responsabilité de tous les administrateurs ou de tous les dicteurs solidairement.
Exonération de responsabilité. Il est toutefois possible de s’exonérer de sa responsabilité lorsque l’administrateur ou le dirigeant prouve qu’il était hostile à la décision qui a causé un préjudice.
Le saviez-vous ?
Si plusieurs dirigeants engagent leurs responsabilités solidairement, le Tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage, sans qu’elle soit nécessairement égalitaire.
3 ans pour agir. L’action en responsabilité civile contre le dirigeant d’une SARL ou d’une SA se prescrit par 3 ans, à compter de la réalisation de la faute ou de sa révélation. Ce délai est toutefois porté à 10 ans lorsqu’il s’agit d’un crime.
Responsabilité civile du dirigeant de SNC et de SCS
Principe. Lorsque le dirigeant d’une société en nom collectif (SNC) ou d’une société en commandite simple (SCS) prend une décision en violation des statuts, en violant des règles légales, commet une faute de gestion (en augmentant sa rémunération, par exemple), etc., source d’un préjudice, il peut engager sa responsabilité civile.
Quel délai ? L’action en responsabilité civile dirigée contre le dirigeant d’une SNC ou d’une SCS doit être engagée dans un délai de 5 ans à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître la faute du dirigeant.
A retenir
Le dirigeant d’une société peut engager sa responsabilité civile lorsque les décisions qu’il prend causent un préjudice à la société ou aux associés, ou aux tiers. Mais il faut, bien entendu, que soit établi un lien de causalité entre la décision jugée fautive du dirigeant et le préjudice subi et effectivement prouvé.
J'ai entendu dire
Le liquidateur d’une société faisant l’objet d’une procédure collective considère que le dirigeant de cette société a commis une faute de gestion ayant aggravé son déficit en n’ayant pas tenté d’obtenir une augmentation de capital. A-t-il raison ?Il a été jugé que le dirigeant d’une société commet une faute de gestion lorsqu’il ne tente pas d’obtenir une augmentation de capital, alors même qu’il savait que la société serait en état de cessation des paiements si elle n’était pas rapidement recapitalisée.
- Article 1843-5 du Code civil (responsabilité des dirigeants de SNC et de SCS)
- Article 2224 du Code civil (prescription quinquennale)
- Article L 210-8 du Code de commerce (constitution de la société-défaut de respect de la Loi)
- Article L 235-1 du Code de commerce (nullité d’une société ou de ses actes de délibérations)
- Article L 235-13 du Code de commerce (prescription de 3 ans-nullités)
- Articles L 223-22 et L 225-251 du Code de commerce (responsabilité civile des dirigeants de SARL et de SA)
- Articles L 223-23 et L 225-254 du Code de commerce (prescription de 10 ans pour les crimes)
- Article R 223-31 du Code de commerce (action menée par des associés possédant 10 % du capital)
- Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (article 146)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 12 juillet 2016, n° 14-23310 (faute de gestion)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 30 mars 2010, n° 08-17841 (exonération responsabilité du dirigeant-hostilité à la décision fautive)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 9 mars 2010, n° 08-21793 (action individuelle par un associé-préjudice distinct)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 20 mai 2003, n° 99-17092 (fournisseur trompé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 4 juillet 2006, n° 05-13930 (non-paiement des primes de l’assurance d’un véhicule professionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 28 septembre 2010, n° 09-66255 (faute pénale intentionnelle-séparation des fonctions de dirigeant)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 10 mars 2016, n° 14-15326 (absence d’assurance construction obligatoire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 12 juillet 2016, n° 14-23310 (absence de tentative d’augmentation du capital-faute de gestion)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 28 juin 2017, n° 14-29936 (faute de gestion-augmentation de la rémunération)