Responsabilité des produits défectueux : comment ça marche ?
Responsabilité des produits défectueux : un producteur
Qui est concerné ? Peu importe la qualité de la victime, un professionnel comme un particulier peut invoquer la responsabilité des produits défectueux. Celui qui engage sa responsabilité est appelé le « producteur ».
Qu’entend-on par producteur ? Le producteur se définit comme la personne ou l’entreprise ayant fabriqué le produit qui a causé un dommage, qu’il s’agisse d’un produit fini, d’une partie composante du produit ou d’une matière première. Vous devez donc agir à titre professionnel pour être qualifié de producteur.
Assimilation. Vous pouvez être assimilé à un producteur et ainsi engager votre responsabilité, si dans le cadre professionnel :
- vous vous présentez comme producteur en apposant sur le produit votre nom, votre marque ou un autre signe distinctif (comme en apposant une étiquette à votre nom par exemple) ;
- vous importez un produit dans l’Union Européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution ;
- vous faites don d'un produit vendu sous marque de distributeur en tant que fabricant lié à une entreprise ou à un groupe d'entreprise.
Attention ! Un professionnel qui engage sa responsabilité en tant que « constructeur » au titre de la garantie décennale ou biennale n’est pas considéré comme un « producteur ».
Problème d’identification ? Dans certaines occasions, il se peut que le producteur ne puisse pas être identifié. Dans ce cas, il est possible d’engager la responsabilité du vendeur, du loueur (sauf crédit-bailleur) ou de tout autre fournisseur. Ces professionnels peuvent se dégager de leur responsabilité s’ils désignent leur propre fournisseur ou le producteur dans un délai de 3 mois après que la victime leur ait notifié une demande d’identification du producteur.
Le saviez-vous ?
Il est tout à fait possible que deux entreprises soient considérées comme « productrices ». Elles engagent alors leur responsabilité solidairement.
Responsabilité des produits défectueux : un produit
Un produit… Ce qui doit causer un dommage doit être un produit entendu comme un « bien meuble ». Il peut s’agir, par exemple, d’une voiture, d’une commode, d’un appareil électroménager, du matériel informatique, etc. (notez que l’électricité est également considérée comme un produit).
… défectueux. La défectuosité du produit est caractérisée par un défaut de sécurité. Si le produit cause un dommage qui n’est pas dû à un défaut de sécurité, vous n’engagez pas votre responsabilité au titre des produits défectueux.
Le saviez-vous ?
Il est impératif que le défaut du produit cause un dommage à un bien ou à une personne qui lui est extérieur(e). Ainsi, si le dommage est subi par le produit lui-même, les règles de la responsabilité des produits défectueux ne s’appliquent pas.
Exemple. Un appareil défectueux cause un incendie dans une habitation : le propriétaire qui subit un préjudice peut poursuivre le fabricant au titre de la responsabilité des produits défectueux. Ce ne pourrait pas être le cas si seul l’appareil défectueux est détruit sans causer d’autres dommages.
Attention ! Il ne suffit pas que le produit soit impliqué dans un dommage pour que sa défectuosité soit établie. Il faut qu’il y ait un lien entre le dommage subi et le défaut du produit : le dommage est dû au défaut du produit.
Et si le produit n’est pas dangereux ? Il a été jugé qu’un produit utilisé dans le cadre de l’électrodialyse de vins engage la responsabilité de son producteur dès lors qu’il altère le goût des vins, et ce même s’il n’est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs.
Une précision de la CJUE. Il a été précisé qu’un exemplaire de journal imprimé contenant un conseil de santé inexact ne pouvait être considéré comme un produit défectueux, susceptible d’engager la responsabilité de son éditeur à ce titre.
Responsabilité des produits défectueux : une victime
Une mise en cause. Pour que votre responsabilité soit engagée, il faut que l’un de vos produits, présumé défectueux, ait causé un préjudice à une personne qui l’a utilisé : le dommage doit l’atteindre directement ou indirectement (le produit défectueux cause un dommage à un bien lui appartenant par exemple).
Un client ? Pas nécessairement : pour que votre responsabilité soit engagée, il n’est pas nécessaire que la victime ait conclu un contrat avec vous. Il peut donc s’agir d’un simple utilisateur. Quoiqu’il en soit, c’est à la victime de prouver qu’elle a subi un dommage.
Comment ? Pour prouver son préjudice, la victime va généralement demander une expertise judiciaire afin de déterminer la défectuosité (réelle ou non) du bien. Mais sachez que le défaut de sécurité ne relève pas forcément d’un défaut dans la conception du produit. Par exemple, si un étiquetage alertant le client ne comporte aucun avertissement de danger, votre responsabilité peut être engagée.
Le saviez-vous ?
Contrairement à la réglementation européenne, le régime français de la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique aux dommages causés à un bien à usage professionnel.
Faute de la victime. Votre responsabilité peut être réduite ou supprimée lorsque la victime a commis une faute dans la réalisation du dommage qu’elle a subi. Mais il existe d’autres moyens pour vous exonérer de votre responsabilité.
Exonération de responsabilité. Vous pouvez également vous dégager de votre responsabilité lorsque :
- vous n’avez pas mis le produit en circulation sur le marché ;
- l’on peut estimer que le défaut ayant causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation sur le marché ;
- le produit n’a pas été destiné à la vente (ou à toute autre forme de distribution) ;
- l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment de la mise en circulation du produit, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ;
- le défaut est dû à la conformité du produit avec les règles légales ;
- le défaut est imputable à la conception du produit ou aux instructions données par le concepteur.
Responsabilité de 10 ans. Vous n’êtes plus responsable au titre de la défectuosité du produit lorsque 10 ans se sont écoulés depuis la mise en circulation du produit.
Délai. À compter du moment où la victime a connaissance ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut ou de votre identité de producteur, elle a 3 ans pour engager une action en justice.
À noter. Le cas échéant, la victime peut toujours engager votre responsabilité au titre de la responsabilité contractuelle ou d’un autre régime spécial de responsabilité (extracontractuelle, etc.). Toutefois, pour utiliser un autre régime de responsabilité, la victime doit recourir à un fondement autre que celui d’un défaut de sécurité du produit litigieux comme la garantie des vices cachés ou la faute.
À retenir
Pour engager votre responsabilité au titre de la défectuosité du produit, vous devez en être le « producteur ». Il n’est pas nécessaire que vous ayez conclu un contrat avec la victime pour que vous soyez mis en cause. Vous n’êtes plus responsable de la défectuosité du produit lorsque 10 ans se sont écoulés depuis la mise en circulation du produit.
La défectuosité du produit est caractérisée par un défaut de sécurité qui doit causer un dommage à une personne ou un produit autre que le produit lui-même.
J'ai entendu dire
Est-il possible de prévoir par contrat que je ne serai pas responsable en cas de défectuosité du produit ?Oui et non. Il est impossible d’insérer une telle clause dans un contrat conclu avec un particulier. En revanche, il est tout à fait possible d’insérer cette clause dans un contrat lorsque votre partenaire agit à titre professionnel.
- Articles 527 et suivants du Code civil (notion de biens meubles)
- Articles 1386-1 et suivants du Code Civil (responsabilité des produits défectueux)
- Loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (article 2)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile du 17 mars 2016, n° 13-18876 (utiliser d’autres régimes de responsabilité sur un autre fondement que celui du défaut de sécurité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 14 octobre 2015, n° 14-13847 (le dommage doit être causé à un élément extérieur du produit)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 4 février 2015, n° 13-27505 (la victime doit prouver le dommage)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 4 février 2015, n° 13-19781 (étiquetage n’avertissant pas le client)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 26 novembre 2014, n° 13-18819 (responsabilité solidaire)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 4 juin 2014, n° 13-13548 (assimilation à un producteur-étiquette)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 26 mai 2010, n° 07-11744 (clause limitative de responsabilité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 22 octobre 2009, n° 08-15171 (implication du produit dans le dommage non suffisante pour établir la défectuosité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 9 juillet 2003, n° 00-21163 (nécessité d’un défaut de sécurité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 27 juin 2018, n° 17-17469 (imputer un défaut n’est pas suffisant)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 14 novembre 2018, n° 17-23668 (le régime français s’applique aux dommages causés à un bien à usage professionnel)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 21 octobre 2020, n° 19-18689 (assimilation d’une société commercialisant un herbicide au statut de producteur à cause de l’étiquette)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 9 décembre 2020, n° 19-17724 (un produit utilisé dans l’électrodialyse de vins engage la responsabilité de son producteur dès lors qu’il altère le goût des vins, et ce même s’il n’est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 5 mai 2021, n° 19-25102 (fromage contaminé et connaissances scientifiques)
- Arrêt de la Cour de Justice de l’Union-européenne (CJUE) du 10 juin 2021, VI contre KRONE – Verlag Gesellschaft mbH & Co KG (un exemplaire de journal contenant un conseil de santé inexact ne constitue pas un produit défectueux)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 14 septembre 2022, n°21-15374 (délai de prescription de 3 ans)