Salarié protégé : ce qu’il faut savoir
Qui est visé ?
Toutes les entreprises. Toutes les entreprises de toute taille sont susceptibles de compter, dans leurs effectifs, un ou des salariés soumis à une protection particulière.
Quels salariés ? La loi dresse une liste de personnes pouvant bénéficier de la protection, mais la liste n’est pas exhaustive. Nous nous concentrerons sur les catégories les plus courantes bénéficiant d’une protection : les organisateurs et candidats aux élections professionnelles, les salariés élus ou désignés.
Organisateurs des élections professionnelles. Le salarié qui réclame la mise en place d’élections professionnelles est protégé pendant 6 mois, à compter de l’envoi de la lettre recommandée par laquelle il demande la mise en place des élections. Si sa demande est sérieuse, peu importe que le seuil d’effectif ne soit pas atteint. Le juge reconnaît qu’un salarié puisse se méprendre sur la nécessité d’organiser des élections, s’il exerce ses fonctions non pas dans les locaux de l'entreprise mais à son domicile et s’il n’a pour seule information, que des listings d'adresses mail, par exemple.
Candidats aux élections. Les candidats aux élections prud’homales bénéficient d’une protection de 6 mois après la publication des candidatures par l'autorité administrative. A vous de veiller à ce que votre salarié figure ou non sur la liste préfectorale avant de procéder à son licenciement. De la même manière, les candidats aux élections professionnelles pour la mise en place ou le renouvellement du comité social et économique sont protégés pendant 6 mois à compter de l’envoi, par lettre recommandée, des listes de candidatures à l’employeur (le juge a d’ailleurs eu l’occasion de préciser que la période de protection débute à compter du moment où l'employeur a eu connaissance de la candidature imminente du salarié aux élections).
« Imminence de la candidature ». Notez que le caractère imminent de la candidature n’est pas subordonné à la conclusion préalable d’un protocole préélectoral.
Le saviez-vous ?
Le candidat aux fonctions de représentant syndical au CSE bénéficie également de cette protection lorsque l’employeur a reçu la lettre du syndicat lui notifiant la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du CSE ou lorsque le salarié démontre que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant d’avoir été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.
Salariés élus. Les représentants du personnel restent protégés à compter du jour de la proclamation des résultats, pendant et jusqu’à 6 mois après l’expiration de leur mandat.
Les élus locaux ? Lorsqu’ils sont titulaires d’un mandat local (maires, adjoints au maire, conseillers départementaux, etc.), les salariés qui poursuivent l’exercice de leur activité salariée bénéficient d’une protection dans le cadre de leur contrat de travail. Ce statut a toutefois été supprimé pour les maires et adjoints des communes de 10 000 habitants au moins et les présidents et vice-président des conseils départementaux et régionaux (en contrepartie, l’exercice d’un mandat d’élu local a été ajouté à la liste des discriminations interdites par la Loi).
Conseillers du salarié. Certains salariés bénéficient d’un statut spécifique de « conseiller du salarié ». Ces salariés peuvent assister et conseiller des salariés, extérieurs à leur entreprise, lors de leur entretien préalable à licenciement, en l’absence de représentant du personnel.
Salariés désignés. Les représentants syndicaux sont protégés à compter de la réception par l’employeur de la lettre de désignation du syndicat. La lettre de désignation peut prendre la forme d’une LRAR, d’une lettre remise en main propre, au même, plus étonnant, d’un simple fax. Quant au conseiller du salarié, sa protection court dès lors que la liste est arrêtée par le Préfet mais vous devez être informé par la Direccte de la nomination d’un de vos salariés. La protection des conseillers prud’homaux court également à compter de la promulgation des résultats et perdure pendant 6 mois après la fin de ses fonctions.
Le saviez-vous ?
Les représentants syndicaux auprès du CSE qui ont exercé pendant au moins 2 ans bénéficient d’une prolongation de leur protection de 6 mois après la fin de leur mandat. Les autres représentants syndicaux (délégués syndicaux, représentants de section syndicale) sont protégés pendant 12 mois après la fin de leur mandat s’ils l’ont exercé au moins 1 an.
Pour la petite histoire… Sachez qu’un salarié qui souhaite révoquer son mandat syndical doit faire part de cette volonté directement au syndicat. Aussi, un courrier d’un délégué syndical adressé uniquement à l’ensemble de ses collègues, et incidemment à son employeur, ne consiste pas en une révocation de son mandat.
En présence d’une instance conventionnelle. Les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle confèrent à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice des représentants du personnel et des syndicats à la condition qu’elles soient de même nature que celles prévues par le Code du travail ; tel n'est pas le cas des commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire, dont l'existence n'est pas prévue par le Code du travail.
Quelle protection ?
Etendue de la protection. La protection assurée aux salariés concernés s’applique dans l’exécution du contrat de travail, mais aussi dans sa rupture, quelle que soit la nature du contrat de travail.
Spécificité en cas de mandat extérieur. Lorsque votre salarié exerce un mandat extérieur qui lui confère une protection, cette protection ne vaut que si vous avez été préalablement informé, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou pour les ruptures sans entretien préalable (non-reconduction d’un CDD), au plus tard avant la notification de la rupture. En cas de litige, le salarié devra justifier qu’il vous en a informé ou que vous en aviez déjà connaissance.
Précision. Un mandat de membre élu du comité social et économique ne constitue pas un mandat extérieur à l’entreprise, même en cas de transfert de salariés résultant d’un transfert de marché.
Attention ! Le fait de contraindre un salarié protégé à un emploi du temps déterminé (comme par exemple le rôle établi par le conseil de prud’hommes en début d’année) afin de mieux organiser l’activité de l’entreprise peut être considéré comme une entrave aux fonctions résultant du mandat du salarié. Cela peut alors justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail.
Modification du contrat de travail. D’une manière générale, les salariés ne peuvent se voir imposer une modification de leur contrat de travail. Les salariés protégés ne font pas exception à cette règle. En outre, leur protection va plus loin : aucun changement de leurs conditions de travail ne peut leur être imposé. Leur accord est donc toujours requis pendant la période de protection.
Dénonciation d’un accord collectif. La dénonciation d’un accord collectif prévoyant une progression salariale indiciaire sera opposable au salarié protégé (sans que son accord soit requis) dès lors que :
- l’accord collectif a été régulièrement conclu par les partenaires sociaux,
- la progression salariale qui en est résulté n’a pas été contractualisée,
- son application n’entraîne aucune baisse de rémunération pour le salarié.
Cas du transfert des contrats de travail. Lorsque l’entreprise cédante doit transférer des salariés protégés, leur transfert est automatique, en cas de transfert total de l’entreprise. Cependant, dans le cas d’un transfert partiel, le transfert du contrat de travail du salarié protégé devra être autorisé par l’inspecteur du travail. Mais si l’autorisation administrative de transfert est annulée, le salarié doit être réintégré sans délai. Par ailleurs, notez que seul le salarié protégé peut se prévaloir d’une absence d’autorisation de transfert de son contrat de travail.
Suspension du contrat et mandat. Les causes de suspension du contrat de travail (pour cause de maladie ou de grève, par exemple) n’entraînent pas pour autant suspension du mandat du salarié protégé. Il est donc possible pour un salarié protégé d’être autorisé par son médecin à poursuivre l’exercice de son mandat pendant un arrêt maladie. Lorsque les représentants du personnel sont concernés dans une opération de vente ou de fusion de l'entreprise, le transfert de leurs contrats de travail au nouvel employeur s'opère de plein droit, sans formalité particulière.
Des sanctions possibles ? En tant qu’employeur, vous disposez d’un pouvoir disciplinaire. La protection spécifique de certains salariés ne doit pas faire obstacle à votre pouvoir disciplinaire. Aussi, vous pouvez prononcer une sanction à l’encontre d’un salarié protégé fautif.
Attention ! Votre sanction doit tout de même tenir compte de la protection particulière du salarié concerné. Cela signifie que si vous envisagez une sanction ayant pour effet une modification du contrat de travail (une rétrogradation, par exemple), vous devrez impérativement obtenir l’accord du salarié protégé. De la même manière, si vous souhaitez prononcer le licenciement de ce salarié, vous devrez respecter la procédure particulière, imposant l’autorisation de l’inspecteur du travail.
Faute pendant l’exercice du mandat. Vous ne pouvez sanctionner un salarié protégé qui commet une faute pendant l’exercice de son mandat que si cette faute constitue un manquement du salarié à ses obligations professionnelles à votre égard. L’employeur qui a sanctionné un salarié agissant dans l'exercice de son mandat représentatif doit caractériser (et prouver) un abus de sa part. Sinon, la sanction est injustifiée.
Rupture du contrat. Si vous êtes à l’initiative de la rupture du contrat de travail du salarié protégé, vous devez respecter une procédure spéciale, qu’il s’agisse d’une rupture de période d’essai, d’un licenciement, d’une rupture conventionnelle ou d’une mise à la retraite. Vous devez obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail dès lors qu’au jour de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable, le salarié bénéficie d’un statut protecteur.
Rupture conventionnelle du contrat. Si vous envisagez de signer une rupture conventionnelle avec un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit autoriser la rupture et non pas simplement homologuer la convention. Il doit entendre les parties, au cours d’un entretien individuel, pour s’assurer que la décision de rupture est libre et dénuée de tout vice.
Terme d’un CDD. Si le CDD d’un salarié protégé arrive à son terme, vous devez, préalablement à l'arrivée du terme du contrat, demander l’autorisation à l’inspection du travail pour mettre fin à la relation contractuelle. L’objectif de cette procédure est de s’assurer qu’il n’y a pas de lien entre la fin du contrat et l’exercice des fonctions qui ouvrent droit à la protection spéciale du salarié.
Le saviez-vous ?
Si l’autorisation de l’inspecteur du travail venait à être annulée, la rupture conventionnelle serait nulle. Le salarié protégé devrait être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Si l’employeur manque à cette obligation, sans justifier d’une quelconque impossibilité, le contrat de travail doit être résilié à ses torts.
Cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul, justifiant l’octroi, pour le salarié protégé, d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction et jusqu’à la fin de la période de protection, dans la limite de 30 mois.
Le cas des contrats courts. Si vous ne souhaitez pas renouveler le CDD ou la mission d’intérim de votre salarié protégé, vous devez solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail. Il sera alors chargé de s’assurer que votre décision n’est pas de nature discriminatoire (qu’elle est sans rapport avec le statut dudit salarié). En outre, si vous souhaitez rompre le contrat avant son terme, vous devez respecter la procédure spéciale de licenciement.
Attention aux sanctions ! Si vous ne reconduisez pas un CDD sans solliciter, au préalable, l’autorisation de l’inspecteur du travail, la relation de travail se poursuit en CDI. De ce fait, le salarié protégé peut prétendre non seulement à une indemnité pour violation de son statut protecteur mais aussi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Requalification en CDI ? Lorsque l’inspecteur du travail refuse le non-renouvellement du CDD, il est possible de contester sa décision devant le ministre du travail. En attendant que ce dernier se prononce, la relation de travail se poursuit. S’il autorise finalement le non-renouvellement du CDD, la poursuite de la relation n’a pas à être requalifiée de CDI.
À retenir
Un salarié protégé est un salarié investi d’un mandat. Sa protection vous impose d’obtenir son accord pour modifier son contrat de travail ou même ses conditions de travail ou d’obtenir l’accord de l’inspection du travail pour mettre un terme à son contrat.
- Articles L2411-1 du Code du travail (liste des salariés protégés)
- Articles L2421-1 et suivants du Code du travail (demande d’autorisation administrative de rupture)
- Ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes
- Loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat
- Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, article 1
- Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
- Circulaire 91-16 du 5 septembre 1991 relative à l'assistance du salarié lors de l'entretien préalable au licenciement
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 juillet 2000, n° 97-44.846 (faute commise pendant l’exécution du mandat et manquement aux obligations professionnelles)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 avril 2003, n° 00-46787 (extension de la protection aux candidats au CHSCT)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 décembre 2003, n° 01-43876 (respect de la procédure spéciale pour mise à la retraite)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 juin 2010, n° 09-66792 et n° 09-66793 (faute commise pendant l’exécution du mandat et manquement aux obligations professionnelles)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 septembre 2010, n° 09-40968 (point de départ de la période de protection du conseiller prud’homal)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 janvier 2014, n° 12-26650 (information préalable de l’employeur en cas de mandat extérieur)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre mixte, du 21 mars 2014, n° 12-20002 et n° 12-20003 (l’exercice du mandat, non suspendu par l'arrêt de travail, ne peut ouvrir droit à indemnisation que s'il a été préalablement autorisé par le médecin traitant)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 janvier 2016, n° 13-26318 (faute commise pendant l’exécution du mandat et manquement aux obligations professionnelles)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 6 avril 2016, n° 14-23198 (pas de révocation du mandat syndical si elle n’est pas notifiée au syndicat)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 juin 2016, n° 14-15982 (information de l’employeur sur le statut protecteur du salarié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 21 avril 2017, n° 15-23492 (cumul d’indemnités en cas de rupture du CDD)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 octobre 2017, n° 16-10139 (candidature annoncée aux élections pro avant la convocation à l’entretien préalable)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 octobre 2017, n° 16-11048 (annulation désignation après la convocation à l’entretien préalable)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 novembre 2017, n° 16-12109 (pas de sanction disciplinaire du salarié qui agit dans le cadre de son mandat sans abus)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 novembre 2017, n° 16-17692 (conseiller prud’homme en CDD qui n’a pas informé son employeur de son statut protecteur)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 décembre 2017, n° 15-25108 (réintégration après transfert annulé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 mai 2018, n° 16-20423 (absence de requalification du CDD en CDI si l’administration autorise le non-renouvellement du contrat)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 décembre 2018, n° 17-11223 (entrave aux fonctions de conseiller prud’hommes)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 avril 2019, n° 18-10414 (demande d’organisation des élections d’un salarié)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 mai 2019, n° 17-28547 (rupture conventionnelle annulée)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 27 novembre 2019, n° 18-16975 (début de la période de protection d’un candidat aux élections professionnelles)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 décembre 2019, n° 18-16713 (pas de sanction possible dans le cadre de l’exercice du mandat, sauf abus)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 janvier 2020, n° 18-21206 (statut des membres d’une instance conventionnelle)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 février 2020, n° 18-17438 (dénonciation d’un engagement unilatéral contractualisé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 février 2020, n° 18-17925 (dénonciation d’un accord et salarié protégé)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 26 février 2020, n° 18-15447 (transfert contrat de travail salarié protégé entreprise de nettoyage)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 mars 2020, n° 18-23893 (candidat aux fonctions de représentant syndical)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 19-12272 (candidature imminente et protocole préélectoral non encore conclu)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 19-12845 (RSS de moins d’un an d’ancienneté)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 mars 2021, n° 19-20290 (désignation RSS, protection et fax)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 7 juillet 2021, n° 19-23989 (cessation d’un CDD et autorisation de l’inspection du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 mars 2023, n° 21-21561 (licenciement d'une salariée à l'expiration de la période de protection)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 19 avril 2023, n° 21-24175 (licenciement d’un salarié protégé sans autorisation de l’inspecteur du travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 octobre 2023, n° 22-12922 (mutation disciplinaire d’un salarié protégé)