Salariée enceinte = salariée protégée ?
Le préalable : pas de question à l’embauche !
Pas de question ! La règle est claire : vous ne pouvez pas demander à une candidate à un poste dans votre entreprise si elle est ou non en état de grossesse. C’est rigoureusement interdit, de même qu’il ne vous est pas possible de lui reprocher, après, de vous avoir caché cet état, pour motiver un licenciement.
Pas de discrimination ! Vous pouvez encore moins refuser ouvertement un poste à une candidate parce qu’elle est enceinte. Sachez que si une salariée s’estime victime de discrimination, elle pourra vous poursuivre en justice : ayez à l’esprit, ici, que si un doute subsiste, il profitera toujours à la salariée.
Le saviez-vous ?
Les femmes bénéficiant de la procréation médicalement assistée (PMA) bénéficient de la même protection contre les discriminations.
Mais après ?
Vous serez amené à être informé… Bien entendu, et a fortiori si la salariée entend bénéficier d'un congé maternité, elle sera amenée à vous informer de son état. Mais, sachez tout de même, qu’en tout état de cause, aucun texte ne lui impose de vous révéler son état de grossesse et aucun texte ne la sanctionnera si elle vous dissimule cet état. Il en va de même pour la salariée bénéficiant de la PMA.
Pouvez-vous changer la salariée de poste ? De votre propre initiative (mais la salariée peut refuser) ou sur sa demande, vous pouvez l’affecter temporairement sur un autre poste de travail que le sien (attention, ce changement d'affectation n'entraîne aucune diminution de salaire). Vous pouvez même être obligé de le faire si son état de santé l’exige. Dans tous les cas, sollicitez l’avis de la médecine du travail pour que la nécessité du changement de poste soit constatée sur le plan médical (ce qui permettra d’éviter toute contestation ou désaccord).
Le saviez-vous ?
Certains travaux ou certaines tâches ne peuvent pas être effectués par une femme enceinte. Il en est ainsi de travaux exposants :
- à des risques à des agents biologiques pathogènes révèlent l'existence d'un risque d'exposition au virus de la rubéole ou au toxoplasme
- à rayonnements ionisants
- aux agents chimiques dangereux
- à des risques liés à l’utilisation d'engins du type marteau-piqueur mus à l'air comprimé
- à la manutention de charge (l'usage du diable pour le transport de charges est interdit à la femme enceinte)
Sachez que la femme enceinte doit faire l’objet d’une surveillance médicale renforcée. Les femmes enceintes ou allaitant doivent pouvoir se reposer en position allongée, dans des conditions appropriées.
Vous devez autoriser certaines absences… La salariée enceinte a droit à des autorisations d’absences pour subir les examens médicaux obligatoires, ces absences étant rémunérées et assimilées à du temps de travail effectif.
Même chose pour le père… Le père de l’enfant à naître est aussi autorisé à s’absenter de l’entreprise pour se rendre à 3 des examens médicaux obligatoires de suivi de la grossesse (pensez à lui demander un certificat médical attestant de l’absence liée à un examen prénatal obligatoire). Comme pour la mère, ces absences n’entraînent aucune diminution de salaires et sont assimilées à du temps de travail effectif. Ce droit bénéficie aux personnes mariées, liées par un PACS ou vivant maritalement avec la mère de l’enfant, quel que soit leur sexe.
Et dans le cas de la PMA ? Les salariées inscrites dans un parcours d’aide médicalisée à la procréation bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux examens médicaux nécessaires. Son conjoint, son partenaire de Pacs ou concubin bénéficie quant à lui d’une autorisation d’absence pour assister à 3 de ces examens.
Se séparer d’une salariée enceinte ou en congé maternité
La question délicate de la période d’essai… Une salariée vous informe de son état de grossesse alors qu’elle est encore en période d’essai. Soyons direct : pouvez-vous rompre de ce fait la période d’essai ? La réponse, tout aussi directe, est non, en tous les cas pour ce seul motif : vous ne pouvez pas prendre en considération l’état de grossesse d'une salariée pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai. Cela ne signifie toutefois pas, a contrario, qu’il vous est impossible de rompre la période d’essai d’une salariée enceinte : c’est possible, pour autant que la rupture ne soit pas discriminatoire…
Rompre le contrat ? A éviter ! Vous ne pouvez pas, non plus, licencier une salariée enceinte pour ce seul motif. De plus, de manière générale, le licenciement d’une salariée en état de grossesse médicalement constaté est également interdit pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit (il s’agit là d’une protection absolue).
Une protection relative. Avant le congé maternité ou après ce congé (pendant une période de 10 semaines après l’expiration du congé), la protection de la salariée enceinte est dite relative. Il vous est, en effet, possible de licencier une salariée enceinte, dans deux hypothèses :
- si vous justifiez d'une faute grave de la salariée, non liée à l'état de grossesse ;
- si vous justifiez d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
À noter. Cela suppose également qu’il est interdit de réaliser ou prendre des mesures préparatoires au licenciement pendant ces périodes de protection absolue et relative contre le licenciement.
Attention ! Si vous devez licencier une salariée enceinte (pour faute grave ou pour impossibilité de maintenir le contrat), veillez à ne préciser clairement, dans la lettre de licenciement, que l’un de ces motifs. Justifiez les faits qui constituent la faute grave, ou qui empêchent le maintien de la relation de travail. L’inaptitude ne suffit pas à elle seule à caractériser l’empêchement de maintenir le contrat de travail, ni même l’existence de difficultés économiques.
Le saviez-vous ?
Pendant la période de protection absolue (c’est-à-dire pendant le congé maternité), il vous est interdit de procéder à des actes préparatoires au licenciement (par exemple, pas d’entretien préalable possible, pas d’envoi de lettre de convocation à l’entretien préalable peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période).
Néanmoins, sachez qu’à ce titre des propositions de reclassement, faites pendant le congé maternité, résultant d’un PSE n’ont pas été considérées comme un acte préparatoire au licenciement économique d’une salariée. En effet, le juge a reconnu qu’il était indispensable, pour l’employeur, de se rapprocher de la salariée pour éviter son licenciement.
Report de la protection en cas de congés payés. Si la salariée prend ses congés payés immédiatement après son congé maternité, la période de protection de 10 semaines est suspendue par la prise des congés payés accolés au congé maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée.
Pas de report en cas de maladie. Ce qui est vrai pour les congés payés ne l’est pas pour un arrêt maladie : un simple arrêt maladie accolé au congé maternité n’a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de protection de 4 semaines.
Pas de report en l’absence de visite médicale de reprise. La salariée bénéficie d’un examen médical à l’issue de son congé. Néanmoins, celui-ci n’a pas vocation à reporter le point de départ du délai de protection. Aussi, même en l’absence de visite médicale, la salariée doit reprendre son poste. Veillez tout de même à l’effectivité de cet examen pour éviter que votre responsabilité ne soit engagée pour manquement à votre obligation de sécurité !
Attention ! Par ailleurs, la femme enceinte est protégée contre le licenciement lorsque vous n’avez pas connaissance de son état à la date de notification mais en êtes informé dans les 15 jours : le licenciement d’une salariée pourra être annulé, alors même que vous ignoriez qu’elle était enceinte, si elle vous informe de sa grossesse (cette règle ne s'applique pas en cas de faute grave non liée à l’état de grossesse ou en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse). Pour cela, la salariée doit vous adresser, dans un délai de 15 jours, par courrier recommandé avec accusé réception, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.
Concrètement. Ce délai de 15 jours court à compter de la notification du licenciement, c’est-à-dire au moment où le licenciement est effectivement porté à la connaissance de la salariée (peu importe la date effective du début de la grossesse). Dans une telle hypothèse, vous devez alors réintégrer la salariée dans son emploi précédent ou un emploi similaire (elle est normalement tenue d’accepter l’offre de réintégration).
Exemple. Le juge a déjà considéré que l’absence de remise du certificat médical constatant la grossesse dans les 15 jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail n’entraîne pas systématiquement la nullité du licenciement.
À noter toutefois. Pour bénéficier du statut protecteur de la femme enceinte, la salariée doit informer son employeur de sa grossesse avant de saisir le tribunal aux fins de résiliation judiciaire.
Licenciement nul. Tout licenciement prononcé en raison de l’état de grossesse d’une salariée serait déclaré nul. Et si la salariée demande sa réintégration dans l’entreprise, elle a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.
Et pour le père ? Le père de l’enfant bénéficie d’une protection contre le licenciement pendant les 10 semaines qui suivent la naissance de l’enfant, pendant lesquelles vous ne pouvez pas le licencier (sauf si vous justifiez d'une faute grave ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant).
Une démission possible ? Une salariée enceinte, ou du moins « en état de grossesse apparente » peut rompre son contrat de travail sans préavis et sans vous devoir une quelconque indemnité de rupture (elle doit vous fournir un certificat médical attestant sa grossesse). Mais, bien entendu, pour que cette démission soit valable, elle doit être claire et non équivoque. A l’issue de son congé maternité, elle pourra également démissionner sans respecter le délai de préavis, ni devoir de ce fait d’indemnité de rupture, sous réserve de vous avertir au moins 15 jours à l’avance (elle bénéficie d’une priorité de réembauche pendant 1 an).
Le saviez-vous ?
Cette possibilité de démission sans préavis bénéficie aussi au salarié, père de l'enfant, pendant les 2 mois qui suivent la naissance, sous réserve, là encore, de vous avertir au moins 15 jours à l’avance.
Une rupture conventionnelle possible ? Le juge a admis la possibilité de conclure une rupture conventionnelle pendant le congé maternité d’une salariée, ainsi que pendant les 10 semaines qui suivent l’expiration de ce congé maternité. Mais il a mis des conditions : cela suppose que la salariée y consente librement et sans équivoque (le constat d’un vice du consentement rendait nulle la rupture conventionnelle), ou encore que cette rupture conventionnelle ne soit pas entachée de fraude.
À retenir
Vous ne pouvez pas demander à une candidate à un poste dans votre entreprise si elle est ou non en état de grossesse ; vous ne pouvez pas prendre en considération l’état de grossesse d'une salariée pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ; vous ne pouvez pas, non plus, licencier une salariée enceinte pour ce seul motif.
J'ai entendu dire
J’avais envisagé un licenciement pour faute grave d’une de mes salariées, mais cette dernière m’informe après le licenciement qu’elle est enceinte. Le licenciement doit-il être annulé, même si j’ignorais l’état de grossesse de la salariée ?La salariée en cause pourra effectivement solliciter l’annulation du licenciement : mais elle doit, pour cela, vous avoir, dans les 15 jours de la notification du licenciement, envoyé un certificat médical attestant son état de grossesse. A défaut, la procédure ne pourra pas être annulée, sauf si elle peut établir que vous étiez informé de son état de grossesse (elle doit apporter les éléments de preuve nécessaires).
Comment gérer le travail de nuit pour une femme enceinte ?
Tout d’abord, si, en raison de son état de grossesse, une salariée demande à être affectée à un poste de jour, vous devez donner suite à sa demande. Ensuite, et en tout état de cause, dès lors que le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état, vous devez l’affecter sur un poste de jour. Si vous ne pouvez pas affecter temporairement la salariée enceinte sur un autre poste de travail, vous devez l’en informer par écrit : dans ce cas, son contrat de travail est suspendu jusqu'à la date du début du congé légal de maternité (et éventuellement durant la période complémentaire qui suit la fin de ce congé) ; elle bénéficie alors d'une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail (composée des indemnités journalières de sécurité sociale et d’une indemnité complémentaire à la charge de l'employeur).
- Articles L 1225-1 et suivants du Code du Travail
- Article L1225-16 du Code du Travail (autorisation d’absence des futurs parents bénéficiant de la PMA)
- Articles R 4152-1 et R 4152-2 du Code du Travail
- Articles D 4152-3 à D 4152-12 du Code du Travail
- Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, articles 9 et 11 (droits du père de l’enfant)
- Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (articles 10 et 123)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 2 février 1994, n° 89-42778 (interdiction de licencier une salariée pour dissimulation d’un état de grossesse)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 octobre 2004, n° 02-44972 (nullité du licenciement d’une femme enceinte alors que l’employeur avait connaissance de son état de grossesse)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 30 avril 2014, n° 13-12321 (décompte du délai de 4 semaines et protection relative de la salariée)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 2 juillet 2014, n° 13-12496 (information de l’état de grossesse dans les 15 jours du licenciement)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 25 mars 2015, n° 14-10149 (rupture conventionnelle et congé maternité)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale du 8 juillet 2015, n° 14-15979 (pas de report du délai de 4 semaines en cas d’arrêt maladie)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale du 15 décembre 2015, n° 14-15283 (pas de report du délai de 4 semaines en l’absence de visite médicale de reprise)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 14 septembre 2016, n° 15-15943 (acte préparatoire au licenciement et proposition de reclassement pour motif économique)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 3 novembre 2016, n° 15-15333 (motifs de licenciement et lettre de licenciement)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 1er février 2017, n° 15-26250 (actes préparatoires au licenciement pendant période de protection)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 décembre 2017, n° 16-23190 (motivation du licenciement pour inaptitude au retour du congé maternité)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 13 juin 2018, n° 17-10252 (pas de nullité du licenciement en l’absence de remise du certificat médical)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 28 novembre 2018, n° 15-29330 (résiliation judiciaire et protection de la femme enceinte)
- Réponse ministérielle Le Bohec, Assemblée Nationale, du 12 novembre 2019, n° 17452
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 novembre 2019, n° 18-20909 (mesures préparatoires au licenciement)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 15 janvier 2020, n° 18-24736 (interdiction de licencier une salariée enceinte)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 29 janvier 2020, n° 18-21862 (indemnisation du licenciement prononcé en raison de l’état de grossesse)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 4 mars 2020, n° 18-19189 (difficultés économiques et licenciement)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 14 septembre 2022, n° 20-20819 (pas de protection absolue contre le licenciement en cas d’arrêt maladie)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 septembre 2022, n° 21-15372 (le comportement agressif d’une salariée enceinte peut justifier son licenciement pour faute grave)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 29 novembre 2023, n° 22-15794 (l’employeur ne peut pas convoquer la salariée à l’entretien préalable au licenciement pendant le congé de maternité)