SCI : maîtriser les aspects juridiques
Créer une SCI
C’est une société… Une SCI est un contrat de société par lequel plusieurs personnes (les associés) décident de mettre en commun un ou plusieurs biens immobiliers afin d'en partager les bénéfices ou de profiter de l'économie qui pourrait en résulter, tout en s'engageant à contribuer aux pertes. Il s'agit donc d'une société civile dotée de la personnalité juridique et ayant un objet immobilier.
… avec des associés... Les associés sont au moins deux, majeurs ou mineurs émancipés, personnes physiques (des particuliers) ou morales (des sociétés). Ils désignent et révoquent le gérant, participent aux assemblées, et, en contrepartie de leurs apports en nature ou en argent, reçoivent des parts sociales (ce qui leur permet d’exercer un droit de vote et de percevoir des dividendes).
… responsables indéfiniment. Les associés d’une SCI supportent une responsabilité indéfinie et conjointe : ils sont indéfiniment responsables sur leur patrimoine envers les créanciers des éventuelles dettes de la SCI et devront les rembourser sur leurs propres deniers ; mais la responsabilité conjointe leur permet néanmoins d’opposer aux créanciers la division des recours (chaque associé ne peut être poursuivi par les créanciers qu’à concurrence de sa quote-part de capital dans la dette).
Caution. À l’occasion de la souscription d’un prêt bancaire, la banque va solliciter des garanties aux associés et peut notamment leur demander de se porter caution. La banque devra alors respecter un devoir de mise en garde sur les conséquences de l’engagement souscrit. Ce devoir sera plus ou moins étendu selon le caractère « averti » ou non de la caution. À titre d’exemple, sachez que ce caractère averti ne peut pas être déduit de la seule qualité d’associé de la caution.
=> Pour en savoir plus, consultez notre fiche « Le cautionnement (au 1er janvier 2022) : c'est quoi ? »
Le saviez-vous ?
Un mineur peut devenir associé d’une SCI, mais ce n’est pas toujours conseillé compte tenu de la responsabilité illimitée encourue par les associés. En pratique, pour protéger les intérêts du mineur associé, il est conseillé, voire obligatoire, de solliciter l’autorisation du juge des tutelles pour toute opération d’importance (emprunt immobilier, acquisition ou cession d’un bien immobilier...).
Rédiger des statuts. La SCI doit, comme toute société, avoir des statuts. Attention : les statuts ne sont pas si simples à rédiger car, outre les mentions obligatoires, il convient de tout anticiper. Nous ne pouvons donc que vous conseiller d'avoir recours à un conseil (avocat, notaire, etc.) pour vous aider dans la rédaction des statuts (et les formalités nécessaires à l’immatriculation de la SCI).
Le saviez-vous ?
Les statuts devront être enregistrés à la recette des impôts dans le délai d'un mois à compter de la date de l'acte ou bien être établis par acte authentique s’ils prévoient l’apport d’immeubles, et publiés dans un journal d'annonces légales. Prévoyez un coût minimal de 1 500 €.
Faire un apport en capital. Le capital d’une SCI, comme d’ailleurs le capital de toute société, est constitué des apports des associés, puis il est divisé en parts sociales, toutes d'égale valeur, réparties ensuite entre les associés, au prorata de leurs apports. Aucun capital minimum n’est imposé par la loi en matière de SCI et les associés choisissent donc librement le montant du capital social.
Attention ! En cas de cession ultérieure des parts sociales, le montant du capital peut avoir une importance particulière puisqu’il définira la valeur d’acquisition des parts sociales : un capital faible pourrait donc entraîner une plus-value importante en cas de cession de parts sociales.
Gérer les formalités de création. Diverses formalités doivent être accomplies pour conférer à la SCI la personnalité morale :
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enregistrement des statuts : les statuts doivent être enregistrés dans le mois qui suit leur signature à la recette fiscale des impôts du siège social de la SCI ou du domicile de l'un des associés ;
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publication d’une annonce légale : un avis de constitution doit être publié dans un journal d'annonces légales du lieu où se situe le siège social ;
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immatriculation de la société : il faut l'enregistrer auprès du guichet unique.
Faire fonctionner une SCI
Un gérant… La loi précise que la société doit être gérée par une ou plusieurs personnes, associées ou non, nommées pour la première fois par les statuts puis élues à la majorité des voix des associés lors de l'assemblée générale.
… et des associés. En contrepartie des apports qu'ils ont effectués, les associés reçoivent des parts sociales qui concrétisent leurs droits dans la société. Un certain nombre d'attributions leur sont conférées par la loi (Code civil) et les statuts qui précisent leurs modalités d'exercice.
Les prérogatives du gérant. Le gérant assure la gestion de la SCI (encaissement des loyers, paiement des charges, déclarations fiscales, assurances des biens, engagement du personnel, entretien des biens, etc.). Pour des actes plus importants comme l'acquisition ou la vente de biens immobiliers, la réalisation d’un emprunt, il conviendra de se référer aux dispositions statutaires. C’est pourquoi il est important dans les statuts d’anticiper ces opérations et de définir avec soin et précision quelles sont les modalités et les conditions de mise en œuvre applicables à ces opérations. Le gérant doit réunir au moins une fois par an les associés en assemblée générale et faire régulièrement un rapport comptable aux associés des activités de la société.
Le point sur la responsabilité du gérant. Le gérant peut voir sa responsabilité engagée s’il commet des fautes de gestion dans le cadre de son mandat.
Une précision sur le quitus. Le quitus donné au gérant par l’assemblée des associés d’une SCI ne peut avoir pour effet de mettre fin à une action en responsabilité engagée contre lui pour une faute de gestion commise dans le cadre de son mandat.
Le saviez-vous ?
Le gérant cesse ses fonctions par expiration de son mandat, démission ou décès. Il peut aussi être révoqué en assemblée générale à la majorité prévue dans les statuts. Sa révocation, si elle n'est pas fondée, peut donner lieu à dommages et intérêts et, a contrario, un tribunal peut aussi prononcer la révocation d'un gérant.
Les prérogatives des associés. Les associés interviennent nécessairement pour toutes les décisions importantes concernant le fonctionnement de la société (désignation du gérant et décisions excédant les pouvoirs de celui-ci). À ce titre :
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seuls les associés peuvent prendre l'initiative de modifier les statuts par une décision d'assemblée (ils doivent alors respecter les règles de majorité prévues à cet effet dans les statuts ; à défaut, l'unanimité est requise) ;
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chaque associé peut provoquer la réunion d'une assemblée pour une question déterminée (la demande est faite par lettre recommandée avec avis de réception) à laquelle le gérant doit répondre en convoquant l'assemblée ou en consultant les associés par écrit ; si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé peut saisir le président du tribunal judiciaire pour demander la désignation d’un mandataire ad hoc, chargé de provoquer la délibération des associés : encore faut-il que cette demande soit suffisamment justifiée et qu’il soit prouvé que le gérant n’ait pas rempli ses obligations ;
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les associés peuvent poser des questions par écrit au gérant qui doit répondre selon le même procédé ;
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ils peuvent également consulter au siège social tous les documents établis par la société ou reçus par elle.
Le droit de participer aux bénéfices. Grâce aux apports, chaque associé a vocation à percevoir une partie du capital de la société. Par suite, dès l'instant où la société fait des bénéfices (ce peut être le cas par exemple avec des revenus fonciers provenant de la location de logements), ceux-ci peuvent être partagés au prorata des parts dans le capital social.
La responsabilité des associés. À l'égard des tiers, chacun des associés répond indéfiniment des dettes sociales. Autrement dit, les créanciers de la société qui ne sont pas payés peuvent se retourner contre les associés quand ils ont engagé une action infructueuse contre la société. La répartition de la dette se fait ensuite proportionnellement à la part que l'associé possède dans la société.
Le saviez-vous ?
Au moment d’acheter des parts sociales alors que la SCI est déjà constituée, il est alors impératif, avant toute décision, de prendre connaissance de l'état des engagements pris par la société (engagements financiers résultant de prêts, travaux importants décidés dans l'immeuble social).
Pour la petite histoire. Il a été jugé que le créancier d’une SCI placée en redressement judiciaire pouvait demander la mise en place d’une saisie provisoire à l’encontre des biens de ses associés (à titre conservatoire et en attendant la décision définitive du juge) dès lors qu’il existait un risque que le plan de redressement qui mentionne sa créance ne soit pas respecté. Il n’a pas à prouver qu’il a au préalable poursuivi vainement la société en paiement de sa dette.
Pour la petite histoire (bis). Il a été jugé que la banque qui a consenti un prêt à une SCI dont les mensualités demeurent impayées peut réclamer le paiement du solde de sa dette aux associés de la société, dès lors que l’insolvabilité de la société a été établie avant qu’elle introduise son action en paiement envers les associés.
Exemple… Une banque est justifiée à poursuivre les associés de la SCI qui n’a plus aucun actif immobilier, plus aucune activité depuis environ 5 ans, plus d'adresse connue de sorte qu'un commandement aux fins de saisie-vente ne peut pas lui être délivré et qu’une saisie-attribution pratiquée auparavant s’était révélée infructueuse.
Le saviez-vous ?
Il a été jugé qu’une SCI ayant pour objet l’achat et la location d’immeuble pouvait se voir appliquer un prêt usuraire, dans la mesure où celui-ci était souscrit en vue de financer les besoins de son activité professionnelle.
Pour mémoire, on parle de « prêt usuraire » lorsqu’un prêt est consenti à un TEG dont le montant excède de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues.
Si ce type de prêt ne peut être consenti à un consommateur, il est en revanche parfaitement licite lorsqu’il est accordé à une personne morale se livrant à une activité professionnelle.
Dissoudre une SCI
La dissolution de la SCI - La SCI peut être dissoute par l’une des causes suivantes :
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l'expiration de sa durée (99 ans, maximum) sauf prorogation votée par les associés à la majorité requise dans les statuts ;
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la réalisation de son objet (par exemple : construction d'un immeuble achevée) ;
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la dissolution volontaire anticipée (en respectant bien entendu les règles de majorité prévues au statut) ;
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la faillite ;
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la dissolution judiciaire (c’est-à-dire prononcée par le tribunal).
Dans tous les cas… L'assemblée devra nommer un liquidateur (souvent le gérant) et accomplir des formalités : publication dans un journal d'annonces légales, compte définitif de liquidation déposé sur le guichet unique, partage de l'actif social. Ces opérations se décomposent en 2 phases :
la réalisation des opérations de liquidation (réalisation de l’actif et apurement du passif) ;
puis la clôture des opérations de liquidation (prévoir 2 assemblées générales, une pour chacune de ces opérations).
A retenir
Une SCI est avant tout une société, ce qui a pour conséquence l’obligation de respecter certaines formalités et contraintes sur le plan juridique : apport en capital, statuts à rédiger, responsabilité indéfinie des associés, formalisme juridique à respecter (assemblée générale des associés notamment), etc.
- Article 1845 et suivants du Code civil
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 5 juillet 2017, no 16-18003 (associé-pas suffisant pour être une caution « avertie »)
- Arrêt de la cour d’appel de Douai du 3 octobre 2019, no 19/00492 (NP) (demande de désignation d’un mandataire ad hoc – insuffisamment justifiée)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 25 mars 2020, no 18-17924 (le risque d’inexécution d’un plan de redressement par une SCI justifie la mise en place de mesure conservatoire sur les biens de ses associés)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 mai 2021, no 19-21725 (le PV d’AG d’une SCI n’a pas à mentionner le sens du vote de chaque associé : il doit seulement indiquer le résultat global des votes)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 27 mai 2021, no 19-16716 (le quitus donné au gérant par l’assemblée des associés d’une SCI ne peut avoir pour effet de mettre fin à une action en responsabilité engagée contre lui pour une faute de gestion commise dans le cadre de son mandat)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 24 juin 2021, no 19-25193 (responsabilité des associés et notion de « vaines poursuites »)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 8 septembre 2021, no 20-18642 (SCI et prêt usuraire)
- Arrêt du Conseil d’État du 18 octobre 2022, no 462497 (attribution ponctuelle de la totalité des pertes aux associés minoritaires)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 22 juin 2023, no 22-16342 (exemple de poursuites préalables infructueuses permettant la poursuite des associés par un créancier)