Sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés : comment utiliser vos déficits ?
La première solution : « reporter en avant » vos déficits
Constater le déficit. Par définition, un déficit fiscal suppose que vos charges admises en déduction du résultat fiscal sont plus importantes que vos produits imposables, au titre d’un même exercice. Ce déficit fiscal, constaté par la société, sera mis en réserve : en pratique, vous complétez le tableau n° 2058-A (régime d’imposition normal) ou n° 2033-B (régime d’imposition simplifié) qui permet d’assurer un suivi des déficits constatés par la société. A quoi cela va-t-il servir ?
Imputer le déficit sur les bénéfices futurs. Le déficit que vous constatez au titre d’un exercice viendra s’imputer sur le bénéfice imposable réalisé au titre d’un exercice suivant : ce déficit va donc permettre de générer une économie d’impôt future. Dans l’hypothèse où le bénéfice de l’exercice suivant n’est pas suffisant pour absorber la totalité du déficit reportable, le solde non imputé est à nouveau reportable, sans limitation de durée, jusqu’à épuisement complet. Si d’aventure, au titre de l’exercice suivant, vous constatez encore un déficit fiscal, vous cumulez les déficits constatés au niveau de la société.
Dans certaines limites… Le montant du déficit imputable est, toutefois, plafonné : le déficit que votre société subit au titre d’un exercice sera imputable sur le bénéfice de l’exercice suivant dans la limite de 1 M€, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice qui excède ce seuil d’1 M€. L’excédent de déficit qui n’a pu être imputé est alors reportable sur les exercices suivants, sans limitation de durée, mais dans la même limite.
Le saviez-vous ?
Le juge de l’impôt a rappelé que le déficit subi au cours d’un exercice s’impute sur le bénéfice net de l’exercice ultérieur sur lequel il est reporté : ce bénéfice net s’entend du bénéfice calculé après déduction de toutes les charges, dont les amortissements.
La seconde solution : « reporter en arrière » vos déficits
Un report en arrière ? Vous pouvez aussi choisir d’opter pour le report en arrière du déficit subi par la société : concrètement, vous imputez le déficit subi au titre de votre dernier exercice (que vous venez de clôturer) sur le bénéfice de l’exercice précédent. Comment est-ce possible ?
L’option « carry-back ». Cette imputation fait naître une créance fiscale, qui correspond, en pratique, à l'excédent d'impôt sur les sociétés (IS) que vous avez antérieurement versé. Cette créance fiscale pourra être utilisée pour payer l’IS que vous devrez verser au titre des exercices suivants. A défaut d'imputation possible dans les 5 ans, cette créance fiscale vous est remboursée.
Exemple. Votre société a dégagé un bénéfice fiscal d’un montant de 45 000 € au titre de l’exercice 2016, qui a généré un montant d’IS de 15 000 € (calculé en retenant le taux de 33.33 %). Au titre de l’exercice suivant, vous constatez un déficit de 35 000 €. Opter pour le report en arrière du déficit revient à considérer que vous avez payé trop d’IS au titre de l’exercice 2016 : ce « carry-back » fera donc naître une créance fiscale de 11 666 € (soit 35 000 x 33.33 %). Ce montant servira au paiement d’un IS futur ou sera remboursé dans les 5 ans.
Le saviez-vous ?
Les entreprises qui font face à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire peuvent obtenir, par anticipation le remboursement de leur créance de carry-back, dès l’ouverture de la procédure (même pour les créances nées postérieurement à la date d’ouverture de ces procédures).
En revanche, celles qui font face à ce type de procédure, ou qui choisissent volontairement d’engager une procédure de liquidation amiable, ne pourront pas opter pour un report en arrière du déficit constaté postérieurement à l’ouverture de ladite procédure.
Là encore, dans certains limites… Le montant du déficit reporté en arrière est plafonné à 1 M€. Par ailleurs, la base sur laquelle s'impute le déficit correspond au bénéfice soumis au taux normal de l’IS (25 %), ou au taux réduit spécifique aux PME (15 % appliqué aux 42 500 premiers euros de bénéfices), diminué des distributions prélevées sur ce bénéfice et des bénéfices ayant donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôt ou de réductions d’impôt.
Comment opter ? L'option résulte du dépôt d'un imprimé spécifique n° 2039, que vous devez joindre au relevé de solde d'impôt sur les sociétés de l'exercice au titre duquel vous exercez l'option « carry-back ». Attention : cette option doit être exercée dans le délai de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice au cours duquel le déficit reporté en arrière est constaté (dans les 3 mois de la clôture de l'exercice ou, pour les sociétés clôturant leur exercice au 31 décembre, au plus tard le 2ème jour ouvré qui suit le 1er mai). Vous formalisez, en outre, cette option en complétant, soit la ligne ZL du tableau n° 2058-A, soit la ligne 356 du tableau n° 2033-B (selon le régime d’imposition de votre société).
Le saviez-vous ?
Bien entendu, le montant du déficit reporté en arrière ne peut pas être reporté en avant : il a déjà été « utilisé ». Mais la fraction du déficit reporté en arrière qui n'a pu être imputée, faute de bénéfice d'imputation suffisant, reste reportable en avant.
À noter. Une demande de remboursement de cette créance s’apparente, sur le plan fiscal, à une réclamation contentieuse que l’administration peut ou non accepter. Même si le principe du remboursement est accepté par l’administration, rien ne l’empêchera de remettre en cause le remboursement ultérieurement, le cas échéant. Un accord sur le remboursement d’une créance de carry-back ne constitue pas une prise de position formelle de la part de l’administration fiscale qui lui est opposable.
Techniquement… La garantie qui profite aux contribuables et qui consiste à opposer à l’administration les décisions qu’elle a pu prendre à leur égard (une « prise de position formelle ») ne concerne que les situations qui visent des rehaussements d’impositions antérieures. Or, ce n’est pas le cas du report en arrière d’un déficit qui n’a pas pour effet de modifier la base imposable de l’exercice précédent sur lequel vient s’imputer ce déficit.
Attention. Si le montant de votre bénéfice d’imputation venait à être rectifié par l’administration fiscale et que vous sollicitez le remboursement de votre créance fiscale, vous devez réitérer votre option pour que le calcul de cette créance fiscale se fasse sur la base du bénéfice rectifié. Sinon, le remboursement de la créance fiscale ne pourra se faire qu’à hauteur de l’imputation du déficit sur le bénéfice initialement déclaré, avant rectification.
Report en avant ou report en arrière ?
Privilégier le report en avant ? Le report en avant présente un intérêt par rapport au report en arrière si votre société est assujettie à la contribution sociale de 3.3 % (sont concernées les entreprises qui paient un IS d’un montant supérieur à 763 000 €), voire à la contribution exceptionnelle : le déficit reporté en avant diminuera le montant de l'IS sur lequel sont calculées ces contributions. Le report en avant présente également l'avantage de diminuer la base de calcul des acomptes d'IS à payer au cours de l'exercice.
Privilégier le report en arrière ? Le report en arrière présente l'avantage de réaliser une réelle économie d'IS : en effet, l'utilisation du report en avant suppose la réalisation de bénéfices au titre des exercices ultérieurs, alors que le report en arrière, lui, fait naître une créance fiscale. La constatation de cette créance vous assure de réaliser une économie d’impôt : soit vous l’utilisez pour payer votre IS futur, soit son montant vous sera remboursé. Cette créance fiscale, inscrite à l'actif du bilan de l'entreprise, améliore, en outre, la présentation des comptes de l'entreprise.
Un point d’alerte à connaître. Il arrive qu’à la faveur d’un changement stratégique, une société modifie, voire change d’activité. Un changement d’activité s’analysera, sur le plan fiscal, comme une cessation d’activité suivie d’une création d’une nouvelle activité. Si les règles fiscales permettent d’atténuer les conséquences de ce changement d’activité, il n’en demeure pas moins que, cette situation entraînera pour une société soumise à l’IS une perte de son droit au report des déficits. Dès lors que vous envisagez une restructuration de votre activité ou de votre société, pensez systématiquement à analyser l’utilisation possible de vos déficits restant en report.
Toutefois... Ces conséquences fiscales supposent toutefois un changement d’activité qualifié de « profond » : cela suppose donc que la nouvelle activité n’a plus grand-chose à voir avec l’ancienne. Ce sera le cas, par exemple, en présence de l’abandon d’une activité de production au profit d’une activité de location de locaux, suite à une restructuration, ou en cas de filialisation d’une activité d’une société qui devient une société holding porteuse de titres de participations.
À retenir
Par principe, votre déficit est « reporté en avant » et viendra diminuer le montant des bénéfices réalisés au titre des exercices ultérieurs. Mais si vous avez réalisé un bénéfice au titre de l’exercice antérieur à celui au cours duquel vous constatez ce déficit, vous pouvez le reporter en arrière : ce report va faire naître une créance fiscale qui servira à payer l’IS futur (si elle n’est pas utilisée dans les 5 ans, elle vous sera remboursée).
J'ai entendu dire
J'ai entendu dire que le choix des modalités de report d'un déficit pouvait avoir une incidence sur la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Qu'en est-il ?La participation des salariés aux résultats de l'entreprise est calculée à partir du bénéfice réalisé par l'entreprise. Selon que vous choisissez de reporter en avant ou en arrière un déficit, les conséquences ne seront effectivement pas les mêmes au regard de la participation : si vous choisissez de reporter en avant un déficit, ce dernier viendra en diminution des bénéfices ultérieurs, ce qui réduira d'autant le montant de la participation; à l'inverse, un déficit reporté en arrière ne viendra pas modifier ou réduire le montant de la participation acquise au titre de l'exercice précédent (la créance née du report en arrière viendra majorer l’un des éléments de calcul de la participation – les capitaux propres des exercices suivants – si elle figure en report à nouveau).
Une entreprise qui réalise une opération pouvant être qualifié de « coup d’accordéon », c’est-à-dire une opération qui comporte une augmentation de capital libérée par le biais de prélèvement sur le compte courant des associés suivie ou précédée d’une réduction de capital par imputation des pertes, perd-elle le droit au report des déficits constatés antérieurement ?
Non, il a été jugé dès 1989 qu’une telle opération était sans incidence sur le droit au report des déficits constatés antérieurement, dès lors qu’elle ne dégageait aucun profit imposable pour l’entreprise. L’administration vient d’ailleurs de rappeler ce principe à l’occasion d’une réponse à une question posée au Gouvernement.
- Articles 209 et 220 quinquies du Code général des impôts
- Article 344-I-0 bis de l’annexe III du Code général des impôts
- BOFiP-Impôts-BOI-IS-DEF
- Loi de Finances pour 2017 n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 (article 11)
- Arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 7 mai 2008, n° 06BX01227 (changement d’activité de production en activité de location)
- Arrêt du Conseil d’État du 20 mars 1989, n°56087 (coup d’accordéon et report des déficits)
- Arrêt du Conseil d’État du 30 juin 2010, n° 308531 (filialisation d’activité)
- Arrêt du Conseil d’État du 10 avril 2015, n° 369667 (imputation déficit sur le bénéfice net)
- Arrêt du Conseil d’État du 22 juin 2016, n° 391748 (un accord pour le remboursement de la créance de carry-back peut être remis en cause)
- Arrêt du Conseil d’État du 19 juillet 2016, n° 385768 (imputation du déficit sur un bénéfice rectifié)
- Arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2017, n°397027 (demande de carry back pour un déficit constaté postérieurement à l’ouverture d’une procédure de liquidation amiable)
- Réponse ministérielle Joyandet du 3 octobre 2019, Sénat, n°10344 (coup d’accordéon et report des déficits)
- Dossier de presse du Gouvernement du 10 juin 2020, 3e projet de Loi de finances rectificative, n°2202
- Communiqué de presse du Gouvernement du 10 juin 2020, n°1050
- Loi de finances pour 2021 du 29 décembre 2020, n°2020-1721, article 19 (remboursement des créances de carry back pour les entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation)
- Actualité BOFiP-Impôts du 24 février 2021 (précisions sur le remboursement accéléré des créances de carry back pour les entreprises en difficulté)
- Loi de finances rectificative pour 2021 du 19 juillet 2021, n°2021-953 (article 1) – carry back
- Actualité du site Internet des impôts du 5 août 2021 (formulaire à remplir pour exercer l’option pour le report en arrière des déficits exceptionnel)
- Loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, n°2021-1900 (article 15)
- Actualité Bofip-Impôts du 2 février 2022 (mise à jour du Bofip à la suite de la loi de finances pour 2022)
- Réponse ministérielle Babary du 10 février 2022, Sénat, n°25721 (pas de remboursement immédiat pour les entreprises du BTP confrontées à la hausse du prix des matériaux)
- Arrêt du Conseil d’État du 10 mars 2022, n°443690 (Carry back et bénéfice d’imputation)
- Loi de finances pour 2023 du 30 décembre 2022, n°2022-1726 (article 37)
- Arrêt du Conseil d’État du 17 octobre 2023, n°464667 (transmission universelle de patrimoine et transfert des déficits de la société absorbée au profit de la société absorbante)