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Gérer les conflits avec un salarié

Transiger avec un salarié

Date de mise à jour : 17/06/2022 Date de vérification le : 17/06/2022 22 minutes

Vous procédez au licenciement d’un salarié à qui vous reprochez un certain nombre de manquements professionnels. Ce salarié étant particulièrement procédurier, vous souhaitez sécuriser au mieux cette rupture de contrat et envisagez de conclure avec lui une transaction afin d’éviter toute contestation de sa part à l’avenir. Lisez ce qui suit avant de vous lancer dans une telle opération…

Rédigé par l'équipe WebLex.
Transiger avec un salarié

Conclure une transaction suppose au préalable quelques conditions

C’est un contrat. La transaction entre un employeur et un salarié est un contrat aux termes duquel il est mis fin entre les parties aux conflits relatifs à la rupture du contrat. Comme tout contrat, il est soumis à des conditions de validité. Bien qu’aucun formalisme ne soit prévu, il est fortement conseillé de rédiger le contrat par écrit, pour des raisons évidentes de preuve (le recours aux services d’un conseil professionnel peut ici s’avérer utile).

Attention au consentement. Le salarié, comme l’employeur, doivent être en capacité de transiger et de conclure un tel contrat (condition qui ne pose pas, en pratique, de difficultés, encore qu’il faille faire attention, par exemple, en présence d’un majeur protégé) : l’employeur pouvant être représenté, veillez à valider les délégations de pouvoirs en ce sens. Par ailleurs, la transaction ne sera valable que si vous comme le salarié y consentez de manière claire : laissez à votre salarié un délai de réflexion suffisant pour vous assurer qu’il donne son consentement en toute connaissance de cause.


Conclure une transaction suppose des concessions réciproques

Un objet... La transaction doit avoir un objet certain (et qui n’est pas illicite) : il s’agit de mettre fin aux conflits qui résultent de la rupture du contrat de travail (qu’il s’agisse de la nature de cette rupture ou des conséquences financières) ou liés à l’exécution du contrat de travail. Tout en rappelant les circonstances qui ont concouru à l’établissement de cette transaction, il s’agira de détailler le conflit entre vous et le salarié : précisez les motifs de contestations du salarié, précisez vos contre-arguments, etc.

...précis. En principe, une transaction conclue pour régler les conséquences de la rupture du contrat n’empêche pas une action liée à l’exécution du contrat de travail elle-même, sauf si elle le prévoit expressément. D’où l’importance d’être précis.

Attention à la formulation ! Une transaction conclue en des termes trop généraux peut aussi entraîner quelques difficultés. Mais les juges admettent qu’une transaction, qui prévoit qu’elle met fin à tout litige relatif à l’exécution et à la rupture du contrat de travail, empêche l’employeur et le salarié d’entamer des poursuites à propos de toutes les conséquences de la rupture du contrat de travail. Dans plusieurs exemples récents, le juge a reconnu qu’une transaction rédigée en termes généraux puisse faire obstacle à toute action du salarié. Ces transactions mentionnaient :

  • ou que le salarié déclarait « être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief quelconque à l’encontre de la société du fait de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail », ce qui a empêché au salarié de réclamer à son employeur une indemnisation de son préjudice d'anxiété dû à son exposition à l'amiante ;
  • ou que le salarié reconnaissait « être rempli de tous ses droits en matière de salaires et accessoires de salaires, primes, bonus et remboursement de frais », ce qui a empêché au salarié d’agir contre son employeur pour obtenir une indemnisation lié à la retraite complémentaire à laquelle il ne pouvait d’ailleurs pas prétendre.

Sort de la clause de non-concurrence. La transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail comprend, dans son objet, les obligations résultant d’une clause de non-concurrence.

Notre conseil. Evitez tout de même les formulations trop générales, sujettes à contentieux, et soyez précis quant à l’objet de la transaction et les litiges qu’elle entend régler. Une clause trop vague ne vous protègera pas toujours nécessairement d’une action en justice de votre ex-salarié sur un différend qui n’est pas expressément visé par la transaction vous liant à lui. Dans ce domaine, il est impératif de s’entourer d’un conseil pour vous assister dans la rédaction de la transaction.

La transaction peut prévoir des exclusions ! Il est possible de prévoir, dans la transaction, que celle-ci ne concernera pas certains domaines expressément listés. Dans pareil cas, la rédaction générale de la transaction interdira au salarié toute action ultérieure, à l’exception des cas qu’elle aura expressément exclus de son champ d’application.

Concessions réciproques. Si la transaction suppose un désaccord, elle suppose aussi des concessions réciproques, réelles et équilibrées. Des concessions dérisoires rendraient la transaction nulle, comme cela a par exemple été jugé à propos d’une transaction conclue avec un salarié ayant 10 ans d’ancienneté et à qui l’entreprise a proposé un montant inférieur à deux mois de salaire : ce montant a été qualifié de dérisoire car il ne constituait pas une véritable concession de la part de l'employeur.

Concrètement. En pratique, du côté salarié, il s’agira de renoncer à poursuivre l’employeur en justice en se prévalant d’une irrégularité ou d’une absence de cause réelle et sérieuse à un licenciement par exemple. En contrepartie, l’employeur lui versera une indemnité transactionnelle, pourra le dispenser d’exécuter son préavis tout en le rémunérant, renoncera à se prévaloir d’une faute grave, etc.

Attention. Il peut arriver qu’une transaction soit conclue avec un salarié dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Mais, pour qu’elle soit valable, cette transaction doit impérativement respecter les conditions suivantes :

  • elle ne doit pas porter sur un litige lié à la rupture du contrat : conclure une transaction sur point reviendrait à admettre que la rupture conventionnelle ne résulte pas d’un commun accord entre vous et le salarié (la transaction ne peut donc porter que sur un différend lié à l’exécution du contrat, et sur des points qui ne seront pas repris dans la convention de rupture) ;
  • elle ne peut intervenir qu’après l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative (ou la notification de son autorisation par l’inspecteur du travail, pour les salariés protégés).

Le saviez-vous ?

L’indemnité transactionnelle que vous pouvez être amené à verser dans le cadre de la transaction doit être mentionnée sur l’attestation Pôle Emploi, ce qui aura pour conséquence de différer le versement des allocations.
Informez votre salarié de cette obligation.

A toute fin utile… La transaction permet de neutraliser une contestation du salarié, à condition d’en respecter les termes. Par conséquent, si l’inexécution partielle d’une transaction constitue un manquement suffisamment grave aux obligations qui en résulte, elle pourra être annulée par le juge. Le salarié pourra alors contester la rupture de son contrat de travail, que l’employeur pensait avoir sécurisée.

Appréciation des concessions réciproques. Pour vérifier la validité de la transaction, le juge doit effectivement s’assurer de l’existence de concessions réciproques, qui s’apprécient en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de la transaction. Toutefois, il n’a pas à d’examiner les preuves de l’existence du litige que la transaction est supposée clore.


Conclure une transaction : pas à n’importe quel moment !

Après la rupture ! Parce que la transaction suppose le règlement d’un litige né ou à naître, la transaction ne peut, en pratique, intervenir qu’après la rupture du contrat, qu’il s’agisse d’une démission, d’une mise à la retraite, d’un licenciement, etc. Toute transaction envisagée avant la rupture serait nulle. Il en serait de même d’une transaction qui aurait pour objet de déterminer les conditions et modalités de la rupture du contrat (il semblerait alors évident que cette transaction a été conclue avant la rupture définitive du contrat de travail).

Exemple. Les juges ont ainsi précisé qu’une transaction conclue en l'absence de notification préalable du licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception doit être déclarée nulle.  La notification du licenciement par lettre remise en main propre contre signature ne vaut pas notification par lettre recommandée avec AR : la transaction conclue après la notification d’un licenciement par lettre remise en main propre contre signature est nulle. 

En pratique. Dans le cadre d’un licenciement, attendez d’avoir reçu l’accusé réception de la lettre de notification du licenciement au salarié. Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, attendez l’homologation par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Si la transaction fait suite à une démission, assurez-vous de ne la conclure qu’après la remise de la lettre de démission.

Le cas échéant… Les juges ont admis que l’existence d’une proposition de transaction antérieure à la rupture effective et définitive du contrat (avant la notification du licenciement par exemple) n’entraînait pas nécessairement la nullité de la transaction. Mais attention, les juges ont aussi considéré que la transaction était nulle si :

  • vous détaillez avant cette rupture les aspects financiers du projet de transaction ;
  • cette transaction est discutée avant cette rupture et n’est pas modifiée par la suite : la prudence reste donc de mise.

Pensez à respecter le formalisme de la notification du licenciement ! La transaction conclue alors que le licenciement n’a pas été régulièrement notifié par lettre recommandée avec avis de réception est nulle, peu importe que le salarié signe et paraphe un protocole transactionnel mentionnant les dates d’envoi et de réception de la lettre de notification du licenciement.

Mention sur l’attestation Pôle Emploi. La mention de l’existence d’une transaction en cours et de l’indemnité transactionnelle y afférant sur l’attestation Pôle Emploi, remplie par l’employeur le jour de la réception, par la salariée, de sa lettre de licenciement, ne prouve pas que la transaction a été conclue avant la rupture du contrat. C’est du moins ce qu’a décidé le juge reconnaissant la validité de la transaction signée 2 jours après réception par la salariée de sa lettre de licenciement alors que l’attestation Pôle emploi, datée du jour de la réception, mentionnait une transaction en cours.

Conseil. Voilà des exemples qui doivent vous conduire à la prudence : ne dévoilez pas avant la rupture du contrat un quelconque projet de transaction, au risque d’encourir la nullité de cette transaction.

Le saviez-vous ?

Dès lors que la transaction a été valablement signée, aucune rétractation n’est possible.

Transiger avec un salarié protégé. Aucune transaction ne peut être conclue avant la notification du licenciement, lequel doit, s’agissant d’un salarié protégé, être préalablement autorisé par l’inspecteur du travail. Faute de respecter cette procédure, la transaction pourrait être annulée et le salarié prétendre aux indemnités liées au licenciement nul, prononcé en violation de son statut protecteur.

Transaction en cours d’instance. Une transaction conclue en cours d’instance prud’homale produit les mêmes effets qu’un jugement. Mais rien n’empêche le salarié d’engager une nouvelle procédure portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s’est révélé postérieurement à la transaction.


Conclure une transaction : et après ?

Pour quoi ? La renonciation, incluse dans une transaction, à tous droits, recours ou actions ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui est l’objet même de la transaction. Concrètement, la transaction règlera le litige qu’elle prévoit, ce qui suppose de veiller à sa bonne rédaction, comme nous l’avons signalé précédemment. En tout état de cause, cette transaction a, entre les parties, « autorité de chose jugée » (il est d’ailleurs utile de le rappeler dans le texte même de la transaction) : cela signifie qu’elle éteint toutes les contestations qui en font l’objet. Si le salarié renonce à toute action en justice, il ne pourra pas saisir le conseil des prud’hommes pour contester par la suite la rupture du contrat de travail.

Sachez tout de même… Le salarié pourra saisir le Conseil des Prud’hommes pour faire annuler la transaction si les conditions de sa conclusion ne sont pas respectées.

Pour qui ? La transaction a ce que l’on appelle un effet relatif entre les parties : un tiers à la transaction ne peut pas s’en prévaloir. Elle n’a donc d’effet qu’entre vous (employeur) et le salarié signataire de cette transaction.

Le saviez-vous ?

Une entreprise a licencié un salarié pour absence injustifiée : il n’a pas repris le travail à l’issue de son arrêt maladie, qui a duré plusieurs mois. Ils concluent une transaction que le salarié va contester car il estime que son contrat devait être suspendu jusqu’à une visite médicale de reprise à laquelle il n’a jamais été convié. Mais le juge valide la transaction : les faits étaient bien constitutifs d’une faute grave et la transaction qui a suivi le licenciement prévoyait le versement d’une indemnité correspondant à l’indemnité de licenciement assortie de l’indemnité de préavis.

A retenir

Respectez impérativement la chronologie : une transaction ne peut pas être conclue avant la rupture du contrat de travail. Prévoyez des concessions réciproques équilibrées entre vous et le salarié.

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Sources
  • Articles 2044 à 2058 du Code civil
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 octobre 2011, n° 09-71829 (appréciation des concessions réciproques)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 28 novembre 2000, n° 98-43635 (caractère dérisoire du montant de la transaction)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 15 mai 2008, n° 07-40576 (caractère dérisoire du montant de la transaction)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 décembre 2009, n° 08-43992 (absence de caractère dérisoire du montant de la transaction
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 avril 2013, n° 11-15204 (conséquence d’un défaut de précision dans la transaction)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 26 mars 2014, n° 12-21136 (rupture conventionnelle et validité d’une transaction)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 juin 2014, n° 13-15082 (appréciation de la validité des concessions de l’employeur)
  • Réponse ministérielle Dubois, Assemblée nationale, du 2 septembre 2014, n° 55914 (transaction et rupture conventionnelle)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2014, n° 13-16600 (transaction conclue avant la notification d’un licenciement)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 novembre 2014, n° 13-18984 (effet de la transaction)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 13 mai 2015, n° 14-10116 (proposition transaction antérieure au licenciement)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 juin 2016, n° 15-12862 (validité de la transaction conclue après un licenciement fondé et comprenant une indemnité non dérisoire)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 11 janvier 2017, n° 15-20040 (transaction en termes généraux)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 mai 2017, n° 16-13195 (mention de l’existence d’une transaction sur l’attestation Pôle Emploi)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 juin 2017, n° 16-13447 (transaction en termes généraux)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 6 octobre 2017, n° 16-23905 et 16-23936 (transaction en termes généraux)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 18 octobre 2017, n° 16-16676 (validité de la transaction discutée avant notification du licenciement)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 31 janvier 2018, n° 16-20508 (exemple de transaction valable)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 septembre 2018, n° 16-22503 (transaction inexécutée et conséquences de son annulation)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 octobre 2018, n° 17-10066 (nullité de la transaction conclue après notification du licenciement par lettre remise en main propre)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 9 janvier 2019, n° 17-22788 (transaction et rétractation)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 février 2019, n° 17-19676 (transaction générale mais exclusion expresse de certaines mesures)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 février 2019, n° 17-21626 (transaction en cours d’instance prud’homale)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 octobre 2019, n° 18-17429 (transaction conclue avant la rupture du contrat de travail)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 février 2020, n° 18-19149 (transaction et notification du licenciement par lettre remise en main propre)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2020, n° 19-12635 (transaction conclue sans notification par LRAR du licenciement)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 12 novembre 2020, n° 19-12488 (transaction générale)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 6 janvier 2021, n° 18-26109 (appréciation concessions réciproques)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 17 février 2021, n° 19-20635 (sort de la clause de non-concurrence)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 3 mars 2021, n° 19-20265 (transaction et salarié protégé)
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