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Un salarié commet une faute : qualifier la faute grave

Date de mise à jour : 03/05/2024 Date de vérification le : 08/07/2024 27 minutes

Un salarié refuse de suivre une directive. Un autre est régulièrement en retard au travail. Ces comportements, que l’on peut considérer comme fautifs, constituent-t-ils pour autant des « fautes graves » ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Un salarié commet une faute : qualifier la faute grave

Faute grave : qu’est-ce que c’est ?

Définition. Une faute grave est une faute d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Conséquence de la faute grave. La qualification de faute grave implique le départ immédiat du salarié sans préavis, ni indemnité (seule l'indemnité de congés payés bénéficie au salarié). Toutefois, si le contrat de travail prévoit des dispositions plus favorables au salarié, il faudra les appliquer.

Choix de la sanction. Lorsque l’employeur envisage une sanction ayant pour effet une modification du contrat de travail du salarié (mutation, rétrogradation, par exemple), l’accord de ce dernier est requis. En cas de refus du salarié de ladite mesure, l’employeur peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave, qui se substitue à la sanction refusée.

Le saviez-vous ?

L’insuffisance professionnelle n’est pas une faute grave. Le licenciement pour faute d’un salarié en situation d’insuffisance professionnelle est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Attention ! Ne retenez pas un motif tiré de la vie personnelle du salarié pour sanctionner un comportement fautif, sauf si vous arrivez à démontrer qu’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail (par exemple : exercice d’une activité concurrente à celle de l’entreprise, caractérisant un manquement au devoir de loyauté, préjudiciable à l’entreprise).

Un délai pour agir... Vous ne pouvez pas sanctionner un comportement fautif, ou plus exactement engager des poursuites disciplinaires, au-delà d’un délai de 2 mois à partir du moment où vous en avez eu connaissance (ce n’est donc pas nécessairement la date de commission du fait ou du comportement fautif qui importe ici). Un simple « on-dit » ne suffit pas pour faire débuter ce délai : cela suppose que vous ayez pleinement connaissance des faits qui peuvent être reprochés au salarié. Concrètement, vous devez agir rapidement si vous entendez sanctionner un comportement d’un salarié.

À prouver. Il vous appartiendra, en cas de contentieux, que vous avez effectivement agi dans ce délai de 2 mois.

Un double délai ? Si le délai de 2 mois s’impose pour engager les poursuites, il faut toutefois noter que, parce que la faute grave suppose le départ immédiat du salarié, l’employeur doit agir vite et n’a pas intérêt à attendre la fin du délai de 2 mois pour licencier le salarié pour ce motif.


Faute grave : exemples pratiques

L’intention. Il n’est pas nécessaire que le salarié ait agi intentionnellement pour qualifier la faute grave.

La négligence. Les juges ont, par exemple, estimé, à propos du licenciement d’une secrétaire de direction, que la négligence dans les dossiers et la répétition des erreurs dans l’exécution des tâches qui lui étaient confiées (retard récurrent de règlement des factures clients, oubli de facturation, défaut de traitement de dossiers à l’origine de suppression de primes au profit de salariés, documents confidentiels laissés à la vue de tous, etc.), et ce, malgré les avertissements de l’employeur, caractérisaient une mauvaise volonté délibérée de la salariée et constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

La commission d’une infraction pénale. A également été admis en faute grave un vol commis au préjudice de l’entreprise (du carburant en pratique), sans que l’ancienneté du salarié puisse être retenue comme circonstance atténuante. Mais attention : si le salarié bénéficie d’une relaxe, cette décision prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Indépendance de la faute grave. Notez que la faute grave peut être qualifiée comme telle en elle-même. Par exemple, un management agressif peut constituer en lui-même une faute grave sans qu’il soit nécessaire pour l’employeur de démontrer un harcèlement moral. 

La fraude d’une salariée. En revanche, le juge a refusé de qualifier de faute grave la fraude d’une employée consistant à minorer le prix des produits qu’elle a acheté. Il a, en effet, retenu que la fraude portait sur un faible montant (13,39 €), que la salariée comptait une ancienneté de 23 ans sans aucun antécédent disciplinaire. Ce qui lui a suffi pour décider que l’impossibilité de maintenir le contrat n’est donc pas établie ici.

Les détournements Le juge a pu reconnaître la faute grave d’un chef d’agence en raison de la fréquence et l’ampleur des détournements de chèques commis par un autre salarié se trouvant sous la responsabilité de ce chef d’agence. Cela prouvait que ce dernier n’avait pas rempli sa mission de vérification pendant plusieurs mois. Ce qui constitue une faute grave justifiant son licenciement, peu importe son ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaires.

Le manquement à l’obligation de loyauté. Le fait qu’une salariée exerce ses fonctions dans une entreprise concurrente pendant ses congés payés constitue un manquement à son obligation de loyauté, justifiant son licenciement pour faute grave. Même principe pour le salarié qui, alors qu’il est encore au service de son employeur, crée une entreprise concurrente à celle qui l’emploie.

Le refus de se soumettre à des soins. Le fait, pour un sportif professionnel, de ne pas se prêter, en cas de blessure, aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique constitue également un manquement à son obligation de loyauté.

L’indiscrétion. Le fait pour une salariée, responsable administrative de l’entreprise, de divulguer le montant des salaires de certains collègues justifie son licenciement pour faute grave, en raison d’un manquement aux règles de confidentialité lui incombant au regard, de surcroît, des fonctions qu’elle exerce.

La perte de confiance. Le fait de dissimuler à l’employeur, de manière volontaire et persistante, l'existence d'un trop-perçu de rémunération, y compris après la demande de remboursement par l'employeur du trop-perçu pour une partie, constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’absence injustifiée. Le juge a validé le licenciement pour faute grave d’une salariée qui n’a pas repris le travail, à l’issue de son congé maladie : bien que l’employeur lui ait adressé une LRAR lui demandant de reprendre son poste ou de fournir des explications, elle l’a laissé sans réponse. En revanche, une absence injustifiée ne constitue pas nécessairement une faute grave : il faut tenir compte de l’ancienneté du salarié, de ses difficultés sanitaires et personnelles (si elles sont connues), de la perturbation du fonctionnement du service, etc.

Attention ! Il faut vraiment que vous soyez en mesure de prouver un véritable comportement fautif et une mauvaise volonté caractérisée. Un employeur a été sanctionné pour avoir licencié un salarié pour faute grave, alors que le tort de ce dernier a été de se rendre coupable d’insuffisance professionnelle, même si cette insuffisance a eu pour effet de rendre mécontents de nombreux clients et de jeter le discrédit sur la crédibilité de l’entreprise.

Liberté d’expression. L’abus de liberté d’expression peut constituer une faute grave s’il est caractérisé par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, qui seraient de nature à gravement déconsidérer la personne concernée.

L'utilisation des réseaux sociaux (1). L’abus de liberté d’expression n’est pas caractérisé par les propos, que l’employeur trouverait injurieux et offensants, diffusés sur un groupe Facebook accessible à peu de personnes. Dans pareil cas, ces propos relèveraient d’une conversation privée et ne pourraient pas constituer une faute grave. Toutefois, une publication sur Facebook peut permettre de prouver la faute d’une salariée dès lors que l’employeur ne l’a pas obtenue par un stratagème (preuve rapportée volontairement par une collègue « amie » de la salariée sur Facebook) et que la production des extraits du compte privé est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée est proportionnée au but poursuivi (la défense de son intérêt légitime à la confidentialité de ses affaires).

L’utilisation des réseaux sociaux (2). Le juge a toutefois admis que des commentaires publiés sur le compte Facebook d’une salariée, injurieux pour l’entreprise, mais rédigés par des tiers, ne justifient pas nécessairement une faute grave de la salariée, dès lors qu’elle-même n’a pas rédigé de propos outranciers ou dénigrants.

L’utilisation des réseaux sociaux (3). L’abus de liberté d’expression n’est pas caractérisé non plus lorsqu’un salarié décide de publier une photographie le présentant nu sur Facebook, à des fins artistiques, dès lors que la photographie n’était ni injurieuse, ni diffamatoire, ni excessive et que le salarié n’a manqué à aucune des obligations résultant de son contrat de travail.

L’utilisation des réseaux sociaux (4). En revanche, l’envoi d’une image d’une salariée en maillot de bain et vraisemblablement alcoolisée sur son lieu de travail pendant son service sur un groupe de travail privé constitue bien une preuve recevable d’une faute grave pouvant fonder le licenciement de l’intéressée. 

Le saviez-vous ?

Dans une affaire récente, le juge européen a considéré qu’une salariée, cliquant sur le bouton « J’aime » de certaines publications Facebook, n’avait pas abusé de sa liberté d’expression, quand bien même son employeur estimait que le contenu des publications « likées » pouvait être de nature à perturber la paix et la tranquillité du lieu de travail.

Les propos dégradants à caractère sexuel. Les propos dégradants à caractère sexuel sont de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, peu importe son ancienneté ou que les propos aient été tenus sur le ton de la plaisanterie.

Le management de nature à nuire à la santé des salariés. Lorsque le management du salarié, illustré par exemple par des critiques vives et méprisantes, des ordres et contre ordres peu respectueux du travail des collaborateurs, ou par le fait de déchirer le travail d'un salarié en public au motif qu'il n'est pas satisfaisant… La faute grave est caractérisée.

L’usage non-autorisé d’internet. Le fait, pour un salarié de se connecter 800 fois en un mois sur des sites à caractère pornographique sur un ordinateur strictement affecté à un usage professionnel constitue une faute grave.

L’installation d’une caméra à l’insu de ses collègues… et sans autorisation dans les locaux de maintenance d’un site client (en l’espèce, une administration pénitentiaire) par un technicien de maintenance constitue une faute grave.

Le saviez-vous ?

Le salarié qui a eu comportement fautif généré par une pathologie ne peut pas être valablement licencié « pour faute ». Ainsi, un salarié licencié pour avoir tenu des conversations à caractère sexuel via son ordinateur professionnel, sur ses temps et lieu de travail, a pu obtenir l’annulation de son licenciement : atteint de la maladie de parkinson, son traitement médicamenteux a généré des troubles sexuels.

Dans pareil cas, mieux vaut solliciter l’avis du médecin du travail, notamment quant à l’aptitude du salarié.

Le covoiturage avec un véhicule de fonction. Le fait, pour un salarié, de pratiquer le covoiturage à des fins lucratives avec son véhicule de fonction, à l’insu de son employeur, l’exposant à un risque résultant de l’absence de garantie par l’assurance automobile, constitue une faute justifiant son licenciement.

L’endormissement sur le poste de travail. Le fait, pour un salarié de 26 ans d’ancienneté, de s’endormir sur son poste de travail ne constitue pas une faute grave lorsqu’il est causé par une fatigue excessive résultant des 72 heures de travail accomplies sur ces derniers jours.

Un « manque de retenue ». Lorsque le manque de retenu est constitué par un comportement agressif envers ses collègues de travail et une insubordination réitérée, qui caractérisent à eux seuls une faute grave, la poursuite de la relation de travail est effectivement rendue impossible.

Le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail. Si le salarié cumule plusieurs emplois, l’employeur doit s’assurer de la durée de travail réalisée auprès des autres employeurs. Le salarié qui vous empêcherait de procéder à cette vérification commettrait une faute grave. S’il excède la durée maximale de travail autorisée, l’employeur devrait mettre en demeure le salarié de modifier ses horaires ou de choisir lequel des emplois il souhaite conserver. S’il fait obstacle à une telle régularisation, il commet une faute grave.

Les cadeaux d’un fournisseur. Une salariée qui a accepté des cadeaux d’une valeur importante, à 2 reprises, de la part d’un fournisseur, tout en demandant qu’ils soient livrés directement chez elle, le tout au mépris des règles de conduite édictées dans l’entreprise, s’est rendue coupable d’une faute grave. Le juge a, en outre, insisté sur l’influence encadrant le choix du fournisseur qu’implique un tel comportement et sur le risque de redressement en matière sociale.

Précision. Dans une affaire similaire récente, le juge confirme le licenciement du salarié ayant manqué à ses obligations contractuelles en acceptant le cadeau d’un fournisseur. Cependant, parce que les faits dataient de 10 ans avant le licenciement et que le salarié n’a aucun antécédent disciplinaire, la faute grave du salarié n’a ici pas pu être retenue.

A retenir

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La sanction sera vraisemblablement un licenciement pour faute grave, sans préavis, sans indemnités.

C’est à vous qu’il revient de qualifier la faute, ce qui suppose de réunir tous les éléments justifiant le comportement fautif : constituez-vous un solide dossier en vue de l’application d’une sanction disciplinaire.

 

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