Vente du fonds de commerce : faut-il l'accord des associés ?
Le point sur l'affaire
Reprenons le fil de l’histoire. Le gérant des deux sociétés à responsabilité limitée (SARL) signe deux promesses de vente sous conditions suspensives (obtention d’un financement et défaut de préemption de la commune), le gérant se déclarant dûment habilité par décision de l’assemblée générale des associés. Les associés s’opposent à ces ventes, estimant ne pas avoir été informés et avoir donné leur accord. Quels ont été leurs arguments ?
L’opposition des associés. Ils opposent deux arguments :
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d’une part, ils avancent que lorsque le fonds cédé représente la seule activité de la société, la vente implique soit la modification de l’objet social de la société, soit sa disparition : une telle vente implique donc la consultation préalable des associés lors d’une assemblée générale, qui n’a ici jamais eu lieu
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d’autre part, ils avancent que l’accomplissement par le dirigeant social d’un acte relevant de la compétence exclusive de l’assemblée générale des associés est frappé d’une nullité opposable au tiers signataire de l’acte.
La décision du juge et ce qu’il faut en retenir
Premier rappel. Tout d'abord, le juge confirme effectivement que la cession d'un fonds de commerce exploité par une société relève de la compétence des associés dès lors qu'une telle vente implique une modification de l'objet social. Comme le rappelle le juge dans cette affaire, ce sera le cas lorsque le fonds de commerce cédé représente la seule activité de la société : en pareille hypothèse, une telle vente lui impose, en pratique, de disparaître ou de modifier son objet social.
Second rappel. La répartition légale des compétences entre le dirigeant et les associés est d'ordre public, de sorte que l'accomplissement par le dirigeant d'un acte relevant de la compétence exclusive de l'assemblée générale des associés est effectivement frappé de nullité, opposable à la tierce personne signataire de cet acte.
Conclusion. Le juge rappelle toutefois que le gérant d'une SARL est investi, dans les rapports avec les tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Pour le juge, la cession d'un fonds de commerce ne constitue pas, en elle-même, un acte relevant des pouvoirs légalement réservés aux associés. Puisque dans cette affaire, il n'a pas été prouvé ni allégué que les promesses de vente litigieuses auraient rendu nécessaire une modification des statuts des sociétés concernées, les promesses de vente ne peuvent être annulées.
L’objet social est-il modifié ? Dans bien des cas, la vente d'un fonds de commerce par une société imposera une modification des statuts, de sorte que la problématique soulevée dans cette affaire ne devrait pas trouver à s'appliquer. Mais ce ne sera pas toujours le cas. Imaginons une société, dont l’objet est d’exploiter tout fonds d’hôtellerie et de restauration, qui vend le restaurant dont elle assure la gestion et l’exploitation : une telle vente ne nécessitera pas nécessairement une modification de l’objet social. La solution serait différente si l’objet social visait nommément l’hôtel-restaurant effectivement exploité par la société. Dans ce dernier cas, l’accord de la collectivité des associés est nécessaire pour la modification de l’objet social.
Conseil. Quand bien même les statuts n'auraient pas à être modifiés suite à la vente du fonds appartenant à la société, réunir une assemblée générale des associés préalablement à l'opération de vente, notamment pour obtenir un aval de l'ensemble des associés, permettra de sécuriser le processus de vente et d'éviter toute confusion ou toute déconvenue...
À retenir
Dans cette affaire, les ventes n’ont pas été annulées, le juge ayant estimé, au cas d’espèce, que ces ventes auraient rendu nécessaire la tenue d’une assemblée générale des associés, en vue de modifier l’objet social en conséquence de la cession des fonds.
Dans tous les cas, même si la vente d’un fonds n’entraîne pas nécessairement la modification de l’objet social, assurez-vous que la collectivité des associés a donné son accord à cette cession.