Que faire du bénéfice réalisé par votre société ?
Le résultat de l’exercice : un bénéfice ou un déficit
Déterminer le résultat de l’exercice. À la clôture de l’exercice, vous devez récapituler l’ensemble des opérations de l’exercice pour déterminer le résultat réalisé par la société pour établir le bilan, le compte de résultat et les annexes. En pratique, cette opération est réalisée en lien avec votre expert-comptable.
Etablir la liasse. Vous devrez donc établir la liasse comptable et fiscale, ainsi que les annexes. Le bilan de la société décrira séparément les éléments actifs et passifs de l'entreprise, et fera apparaître, de façon distincte, les capitaux propres. Le compte de résultat récapitulera les produits et les charges de l'exercice, et fera apparaître, par différence, et après déduction des amortissements et des provisions, le bénéfice ou la perte de l'exercice. Les annexes complèteront, le cas échéant, et commenteront les informations données par le bilan et le compte de résultat.
Le saviez-vous ?
Pour information les « micro-entreprises » (chiffre d’affaires < à 700 K€, total de bilan < à 350 K€, nombre moyen de salariés < à 10) sont dispensées de l’obligation d’établir une annexe.
Quant aux « moyennes entreprises » (chiffre d’affaires < à 40 M€, total de bilan < à 20 M€, nombre moyen de salariés < à 250), elles peuvent opter pour une présentation simplifiée de leurs comptes annuels.
Un profit ou une perte… Une fois le résultat de l’exercice déterminé et validé, vous devrez l’affecter : un bénéfice pourra (et devra dans certains cas) être affecté en réserves ou être distribué aux associés, au prorata de leurs droits dans le capital de la société. Si la société dégage une perte comptable, elle viendra diminuer les capitaux propres de la société (elle sera inscrite dans un compte de report à nouveau ou imputée sur un compte de réserve s’il en existe).
Le résultat de l’exercice : un point sur les « réserves »
Une option. Le bénéfice réalisé au cours de l’exercice pourra être, soit « mis en réserve », soit distribué aux associés. Cette décision relève du choix effectué par la collectivité des associés, à ceci près que, dans certaines hypothèses, vous n’aurez pas toujours le choix…
Une obligation dans certaines hypothèses. Dans certaines sociétés, et plus spécialement dans les SARL et les sociétés dites par actions (SAS et SA notamment), vous aurez l’obligation de constituer une réserve légale. Si vous ne le faites pas, les délibérations prises en sens contraire seront déclarées nulles.
Doter la réserve légale. Vous avez l’obligation d’affecter 5 % au moins du bénéfice (diminué, le cas échéant, des pertes antérieures) à la réserve légale. Cette réserve légale constitue une garantie supplémentaire, en plus du capital, pour les tiers et partenaires de la société : cette réserve ne pourra pas être distribuée aux associés.
Le saviez-vous ?
Une fois que cette réserve légale a atteint le seuil de 10 % du capital social, vous n’êtes plus dans l’obligation de la doter.
Autres réserves ? Au-delà de cette obligation, vous pouvez aussi faire le choix de ne pas distribuer le bénéfice disponible et de placer le bénéfice en réserve : la mise en réserve du bénéfice consiste à le laisser à la disposition de la société, pour assurer son autofinancement, anticiper d’éventuelles pertes futures, maintenir un niveau de capitaux propres conséquent, etc. Cette mise en réserve ne vous empêchera pas par la suite de distribuer les sommes ainsi placées, sauf si vous avez prévu dans vos statuts l’obligation de constituer une « réserve statutaire » qui ne pourra alors pas faire l’objet d’une distribution aux associés.
Report à nouveau ? Vous pouvez également reporter à plus tard la décision sur l’affectation du bénéfice et décider de le placer en « report à nouveau ».
Le saviez-vous ?
La décision liée à l’affectation des résultats est prise par la collectivité des associés, dans les conditions prévues par les statuts. Il faut toujours veiller à ce que les décisions ne soient pas contraires à l’intérêt de l’entreprise et prises dans le seul but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires (auquel cas un abus de majorité pourrait être caractérisé).
Le résultat de l’exercice : un point sur les « dividendes »
La rémunération de votre apport. La distribution du bénéfice, autre option qui vous est offerte, s’apparente à la rémunération légitimement attendue de votre apport en capital à la société. Le « bénéfice distribuable » pourra être reversé aux associés.
Le saviez-vous ?
Dans l’hypothèse où les parts de la société sont démembrées entre un usufruitier et un nu-propriétaire, la distribution est répartie de la manière suivante : les dividendes (correspondant aux bénéfices de l’exercice écoulé) reviennent à l’usufruitier et les réserves reviennent au nu-propriétaire.
Bénéfice « distribuable ». Il s’agit donc du bénéfice réalisé au cours de l’exercice dont vous approuvez les comptes, diminué des pertes antérieures et, le cas échéant, des sommes prélevées pour doter la réserve légale et/ou la réserve statuaire. Le montant qu’il est possible de distribuer sera, en outre, augmenté des bénéfices des exercices précédents qui n’ont pas été distribués (il s’agit des réserves). Sachez, toutefois, que les sommes distribuées sont prélevées, en priorité, sur le bénéfice distribuable de l’exercice.
Le saviez-vous ?
Consultez vos statuts pour vérifier ce qui est prévu au sujet de la distribution de dividendes. Par exemple, est-il prévu un dividende prioritaire ou un dividende majoré au bénéfice de certains associés ? Des modalités de paiement sont-elles prévues (dividende en numéraire ou en actions par exemple) ?
Après avoir approuvé les comptes. La décision de verser des dividendes revient aux associés, ces derniers ne pouvant avoir droit aux dividendes que si une décision a été prise en ce sens par l’assemblée générale (AG) : c’est donc l’assemblée générale qui va décider du montant de la distribution et de la part qui va revenir à chaque associé, après avoir approuvé les comptes de l’exercice et constaté l’existence de sommes distribuables. Elle va également décider des modalités de mise en paiement des dividendes (encore que cela peut également être décidé par le gérant, le conseil d'administration ou le directoire selon le cas), la mise en paiement du dividende devant avoir lieu au plus tard dans les 9 mois de la clôture de l’exercice.
Le saviez-vous ?
Tant que l’AG de la société n’a pas pris la décision de distribuer les dividendes, ceux-ci n’ont pas d’existence juridique.
Une liberté totale ? Bien entendu, les associés sont libres de décider de distribuer ou non les dividendes. Notez cependant que les juges ont déjà eu l’occasion d’annuler des AG pour abus de majorité au motif que des décisions systématiques de ne pas distribuer de dividendes (qui n’étaient ni dictées par l'intérêt social, ni justifiées par des besoins ou des projets précis) avaient pour conséquence de priver, injustement, les associés minoritaires de leurs droits à la distribution de dividendes.
Pour la petite histoire. Il a été jugé qu’une décision de mise en réserve des bénéfices prise par les 3 associés majoritaires d’une société malgré le désaccord du 4e ne constituait pas un abus de majorité dans la mesure où il n’était pas prouvé qu’elle avait été prise dans le seul but de favoriser les associés majoritaires par rapport à l’associé minoritaire.
Pour la petite histoire. Dans cette affaire, 3 des 4 associés de la société votent en faveur d’une distribution des bénéfices en fonction du chiffre d’affaires généré par chacun, à la place d’une répartition à parts égales comme prévu initialement à la création de la société. Le 4e associé demande l’annulation de la décision pour abus de majorité estimant d’une part qu’elle a été prise pour diminuer sa rémunération tout en favorisant les intérêts des 3 autres et d’autre part qu’elle est contraire à l’intérêt social puisque la répartition d’origine a été déterminante dans la création de la société. Ce que le juge confirme en confirmant l’abus de majorité.
Le saviez-vous ?
Dans la majorité des cas, les dividendes sont versés en numéraire. Mais ils peuvent aussi prendre la forme d’un paiement en actions nouvelles, uniquement dans le cadre des sociétés par actions toutefois (cette modalité de paiement ne peut pas être utilisée dans les SARL).
Précision utile. Les dividendes distribués par une société soumise à l’impôt sur les sociétés au profit d’associés, personnes physiques, font l’objet d’un mode d’imposition particulier : ils sont soumis à l’impôt sur le revenu, calculé, depuis le 1er janvier 2018, suivant application du prélèvement forfaitaire unique (aussi appelé « flat tax ») au taux de 30 %. Si l’associé personne physique y a intérêt, il pourra renoncer à l’application du prélèvement forfaitaire unique en optant, de façon globale, pour l’imposition au titre du barème progressif. Dans cette seconde hypothèse, l’associé conservera le bénéfice de l’abattement de 40 %.
En outre… Il faut rappeler, pour information, qu’est soumise aux cotisations sociales, à compter du 1er janvier 2013, la part des dividendes perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou partenaire de Pacs ou leurs enfants mineurs non émancipés et des intérêts de compte courant qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes.
A retenir
Dans les 6 mois de la clôture de l’exercice, vous et vos associés devez décider de l’affectation du résultat réalisé par la société. Un bénéfice pourra être, soit mis en réserve, soit mis en distribution au profit des associés. Attention : n’oubliez pas de doter la « réserve légale » !
J'ai entendu dire
Est-il possible de prévoir le versement d’un acompte sur dividendes ?Distribuer un acompte sur dividendes, c’est possible, mais sous réserve de respecter certaines conditions : il sera nécessaire d’établir un bilan, certifié par un commissaire aux comptes, qui devra faire apparaître que la société, depuis la clôture de l'exercice précédent, après constitution des amortissements et provisions nécessaires, déduction faite s'il y a lieu des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve (en application de la loi ou des statuts) et compte tenu du report bénéficiaire, a réalisé un bénéfice. Vous l’aurez donc noté : cette possibilité n’est pas sans contrainte.
- Article L 123-13 du Code de commerce (obligations comptables – bilan et compte de résultat)
- Articles L 232-10 à L 232-20 du Code de commerce (dotation de la réserve légale, distribution de bénéfices)
- Article L 232-13 du Code de commerce (délai de mise en paiement du dividende)
- Article 117 quater Code général des impôts (imposition des dividendes)
- Article L 131-6 du Code de la sécurité sociale (cotisations sociales)
- Ordonnance n° 2014-86 du 30 janvier 2014 allégeant les obligations comptables des micro-entreprises et petites entreprises
- Loi n° 2011-894 de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2011 du 28 juillet 2011 (prime dividendes)
- Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (articles 20 et 47)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 4 février 2014, n° 12-23894 (le droit aux dividendes suppose une décision de l’assemblée des associés)
- Arrêt du Conseil d’État du 11 mai 2015, n° 369257 (décision régulière de distribution des dividendes)
- Arrêt du Conseil d’État du 11 mai 2015, n° 369261 (décision régulière de distribution des dividendes)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 12 novembre 2015, n° 14-23716 (décision de ne pas distribuer de dividendes et abus de majorité)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 22 juin 2016, n° 15-19471 (répartition des distributions entre le nu-propriétaire et l’usufruitier)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 13 septembre 2017, n° 16-13674 (absence de décision en AG-les dividendes n’ont pas d’existence juridique)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 10 juin 2020, n° 18-15614 (NP) (il n’y a abus de majorité qu’à la condition qu’il soit prouvé que la décision d’AG a été prise dans le seul but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre commerciale, du 4 novembre 2020, n° 18-20409 (abus de majorité non caractérisé)
- Arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, du 19 mai 2021, n° 18-18896 (abus de majorité et modification de la répartition des bénéfices)