Véhicule d'entreprise : qui paie les amendes ?
Amendes : qui doit payer ?
Une responsabilité pécuniaire. Par principe, le conducteur d'un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule. Mais il existe à ce sujet des dérogations : dans certaines hypothèses, il est expressément prévu que c’est le titulaire de la carte grise qui est pécuniairement responsable des infractions au Code de la route. Est donc visée ici l’entreprise, seule titulaire de la carte grise en pratique pour les véhicules d’entreprises (qu’ils soient loués, pris en crédit-bail ou directement acquis par elle).
Pour l’entreprise ? Cette responsabilité pécuniaire s’applique aux infractions au Code de la route portant, notamment, sur :
- le stationnement,
- l’acquittement des péages,
- les vitesses maximales,
- les distances de sécurité,
- l’usage de chaussées réservées (les couloirs de bus par exemple),
- les signalisations imposant l’arrêt des véhicules (feu rouge, stop, etc.).
Le saviez-vous ?
Plus exactement, c’est le représentant légal de l’entreprise qui est pécuniairement responsable de l’amende encourue pour ces contraventions.
Et le salarié ? C’est donc l’entreprise, par l’intermédiaire de son représentant légal, qui doit payer la contravention dès lors qu’un salarié commet une infraction avec un véhicule de l’entreprise. La question qui se pose est donc de savoir si une prise en charge de la contravention par le salarié est possible.
À noter. Lorsque des infractions au Code de la route sont constatées par un appareil de contrôle automatique (un radar automatique), c’est le conducteur du véhicule qui est redevable de l’amende.
Une précision pour les sociétés de location. Lorsque le véhicule flashé appartient à une société de location et qu’il a été loué à une autre société, la société bailleresse est dans l’obligation, si elle ne connaît pas l’identité du conducteur auteur de la faute, de communiquer l’identité et l’adresse de la société locataire.
Amendes : se faire rembourser ?
Sujet sensible. Un directeur commercial, licencié pour faute grave, se voit réclamer par son ex-employeur le remboursement des sommes que ce dernier a versées pour le paiement de diverses amendes pour stationnement irrégulier et excès de vitesse, infractions commises dans le cadre de l’exécution de ses missions professionnelles. Mais le juge a refusé de donner suite à cette demande. Pourquoi ?
Un remboursement impossible ? Le juge a rappelé une règle qu’il est impératif de connaître : un employeur ne peut engager la responsabilité d’un salarié qu’en présence d’une faute lourde. Ce n’est que dans cette hypothèse que l’entreprise peut obtenir le remboursement des amendes payées pour les infractions commises par un salarié avec un véhicule de l’entreprise dans le cadre de l’exécution de son travail. Rappelons tout de même que la faute lourde n’est envisageable qu’à la condition de démontrer l’intention de nuire à la société par votre employé. Il s’agit d’une faute d’une exceptionnelle gravité qui démontre une intention délibérée de causer un dommage, ce qui n’est pas toujours aisé à établir en pratique, surtout dans le cadre d’infractions routières commises avec un véhicule d’entreprise.
Oui. Voilà pourquoi, si vous avez payé une amende, il ne vous sera pas possible de demander le remboursement à votre salarié (sauf faute lourde). Il n’est pas possible non plus (sauf faute lourde) de pratiquer une retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié, cette pratique étant jugée illégale.
À noter. Il en irait différemment, à notre sens, s’il est établi que l’infraction a été commise en dehors du temps de travail, à l’occasion de déplacements personnels par exemple.
Le saviez-vous ?
Il a été jugé que la prise en charge des amendes infligées à l’occasion de contraventions commises par des salariés avec les véhicules de l’entreprise constitue un avantage en espèces versé en contrepartie ou à l’occasion du travail. Pour l’Urssaf et le juge, cet avantage doit donc être soumis à cotisations sociales.
Amendes : dénoncer le salarié ?
Une solution possible... Vous pouvez aussi décider de ne pas payer : il vous faut alors, lors de la réception de l’avis de contravention, remplir la « requête d’exonération », en précisant l’identité du conducteur, son adresse et son numéro de permis. Cela revient donc à dénoncer le salarié fautif, mais ce sera la seule solution pour ne pas avoir à payer la contravention.
… qui devient obligatoire ! Depuis le 1er janvier 2017, vous devez dénoncer le salarié conducteur responsable d’une infraction au Code de la route constatée par radar automatique, dans un délai de 45 jours à compter de la réception de la contravention. Vous devez procéder par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie dématérialisée. La dénonciation doit préciser l’identité du conducteur, son adresse et les références de son permis de conduire. C’est la seule solution pour ne pas avoir à payer la contravention, et c’est une obligation !
Attention au contenu de l’avis de contravention ! Il a récemment été jugé que le dirigeant d’une société peut contester l’amende qui lui est infligée pour non-dénonciation du conducteur du véhicule de la société flashé en excès de vitesse si l’avis de contravention ne comporte pas de date d’envoi. Dans une telle situation, rien ne prouve en effet que le délai de 45 jours qui lui était imparti pour procéder à cette dénonciation a expiré.
Sous peine de sanction… Notez que si vous ne dénoncez pas la personne qui conduisait le véhicule d’entreprise au moment de l’infraction (qu’il s’agisse d’un salarié ou de vous en tant que dirigeant), vous commettez une infraction, sanctionnée par le paiement d’une amende.
Cas de force majeure ? Un transporteur sanitaire a expliqué qu’il était dans l'impossibilité de savoir lequel des 2 salariés conduisait l’ambulance au moment de la constatation de l'excès de vitesse, cette situation constituant un cas de force majeure l’exonérant de l’obligation de désigner le conducteur fautif. À tort pour le juge : il n’y a pas de cas de force majeur car le transporteur pouvait très bien instaurer des procédures internes lui permettant de connaître les horaires de conduite individualisés des conducteurs de ses véhicules.
Qui est sanctionné ? La loi qui encadre l’obligation de dénonciation vise la responsabilité du « représentant légal » de la société et non celle-ci. Certains ont pu considérer que les contraventions émises à l’encontre de la société à ce titre étaient donc nulles. À tort, en réalité, puisque les juges leur ont répondu que la loi n’exclut pas que la responsabilité de la société soit aussi recherchée pour l’infraction de non-dénonciation.
Quand le dirigeant est sanctionné… Lorsque le dirigeant, en tant que représentant légal, est sanctionné pour non-respect de son obligation de dénonciation, il encourt le paiement d’une amende de 4ème classe, d’un montant maximal de 750 €.
Le saviez-vous ?
Les modalités d’auto-désignation, jugées souvent peu claires et amenant certains dirigeants a considéré, à tort, que le paiement de l’amende vaut auto-désignation, vont être simplifiées.
Quand la société est sanctionnée… Lorsque c’est la société qui est sanctionnée pour non-respect de son obligation de dénonciation, le montant de l’amende est quintuplé (il est donc de 3 750 €). Notez qu’en pratique, l’officier du Ministère Public adresse l’amende à la société et non à son représentant légal, afin d’infliger une amende dont le montant est plus élevé.
Le saviez-vous ?
Une société ne peut pas s’exonérer de cette amende pour non-dénonciation, quand bien même le dirigeant ou une autre personne viendrait à se dénoncer ultérieurement. Une telle auto-désignation ne justifie pas, selon les juges, une dispense de peine.
Il est donc impératif de procéder à cette dénonciation dès que la société reçoit la 1re contravention, liée à l’infraction routière.
Sauf… Seule la force majeure (vol du véhicule, usurpation de plaque) justifie que vous ne procédiez pas à cette dénonciation, mais encore faut-il être en possession d’un justificatif (dépôt de plainte, déclaration de vente du véhicule, etc.) qu’il faudra envoyer à l’administration.
Obligatoire pour certaines infractions… La dénonciation qui est devenue obligatoire au 1er janvier 2017 ne l'est que pour un nombre limité d’infractions. Seules les infractions constatées par un dispositif de contrôle automatique sont concernées. En pratique, sont visées à ce jour les infractions relatives :
- au port d’une ceinture de sécurité,
- à l’usage du téléphone au volant,
- au port du casque pour les deux-roues,
- aux excès de vitesse,
- aux dépassements interdits,
- au non-respect des distances de sécurité,
- au chevauchement des lignes continues,
- au non-respect d’un stop ou d’un feu rouge,
- au non-paiement des péages,
- au stationnement et la circulation sur des voies réservées à certains véhicules ou sur une bande d’arrêt d’urgence,
- à l’engagement dans l’espace compris entre certaines lignes d’arrêt,
- à l’obligation d’être couvert par une assurance responsabilité civile.
Le saviez-vous ?
Lorsqu’un dirigeant paye de lui-même l’amende et accepte la perte de points de correspondant, cela ne vaut pas auto-désignation.
Comment faire ? 2 moyens s’offrent à l’employeur pour remplir cette nouvelle obligation :
- soit par lettre recommandée avec AR en utilisant le formulaire joint à l’avis de contravention (auprès de l’officier du Ministère Public dont l’adresse figure sur la contravention) ;
- soit en utilisant le formulaire en ligne sur le site www.antai.gouv.fr.
Conséquence. L’obligation de payer l’amende reviendra au salarié ainsi dénoncé. Et ce dernier se verra aussi retirer sur son permis les points correspondants à l’infraction commise.
Le saviez-vous ?
Portez une attention particulière aux véhicules utilisés par plusieurs salariés ! Vous devez être en mesure de prouver l’identité de celui qui conduisait lors de la commission de l’infraction routière. Pour cela, vous pouvez mettre en place un suivi journalier de l’utilisation du véhicule, un système de carnet de bord identifiant chaque salarié utilisateur ainsi que la plage horaire d’utilisation…
Soyez certain de l’identité du salarié fautif ! Un véhicule loué par une société a été contrôlé à plusieurs reprises pour excès de vitesse. La dirigeante de la société a déclaré qu’au moment des faits, le véhicule était conduit par l’un des salariés de l’entreprise. Mais ce dernier a contesté être l'utilisateur exclusif du véhicule et l'avoir conduit lors de la constatation des infractions. En effet, ce véhicule ne lui était pas spécialement affecté et pouvait être utilisé par de nombreux salariés. Dès lors, en l'absence d'identification effective de l'auteur d'un excès de vitesse, le juge a décidé que seul le représentant légal de la société titulaire du certificat d'immatriculation ou locataire du véhicule peut être déclaré pécuniairement redevable de l'amende encourue.
Pour la petite histoire. Il a été jugé que le dirigeant d’une société qui dénonce 3 conducteurs potentiels du véhicule flashé pour excès de vitesse au lieu d’1 ne remplit pas correctement ses obligations, ce qui légitime la condamnation de la société pour non-dénonciation du conducteur fautif.
En détails. Dans cette affaire, le dirigeant soutenait en outre que 2 des 3 conducteurs dénoncés n’étaient pas salariés de la société, ce qui prouvait que l’infraction n’avait pas été commise pour le compte de la société. Mais cet argument a été rejeté par le juge, qui a rappelé que cela ne constituait pas un cas d’exonération valable.
De la même façon, un dirigeant qui indique qu’il était « susceptible » d’être au volant de la voiture flashée, sans en être certain, à l’exclusion de toute personne, ne lui permet pas de profiter d’un quelconque doute, l’exonérant de sa responsabilité. Les juges le considèreront coupable.
Amendes : quelques points de vigilance à connaître
Prévoir une clause spéciale dans le contrat ? C’est une solution qui a pu être envisagée par certains employeurs. Mais elle sera inopérante, puisque les juges ont précisé qu’une clause du contrat de travail ne peut pas prévoir que des amendes dues à la suite d'infractions routières puissent être mises à la charge du salarié.
Pensez à vos obligations en matière de sécurité ! En qualité d’employeur, vous avez une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité de vos salariés. Sensibilisez vos salariés sur les dangers de la route, les dangers de la consommation d’alcool et de stupéfiants sur la conduite des véhicules, etc.
Surveillez votre flotte véhicule. Pour vous assurer du respect des conditions d’utilisation des véhicules, vous pouvez aussi mettre en place un dispositif de suivi des véhicules d’entreprise et de fonction, notamment lorsque plusieurs salariés sont susceptibles d’utiliser un même véhicule (prévoir par exemple un carnet de suivi, mentionnant l’identité du salarié et les heures et jours d’utilisation du véhicule). Ce dispositif vous permettra, le cas échéant, de connaître l’identité exacte du conducteur en cas d’infraction au Code de la Route.
Attention au RGPD ! La CNIL vient d’adopter un nouveau référentiel à destination des employeurs mettant à disposition de leurs salariés des véhicules, portant sur les traitements de données à caractère personnel, mis en œuvre par l’entreprise et relatifs à l'identification des conducteurs dans le cadre de la gestion du contentieux lié au recouvrement des contraventions.
Précisions. Si ce référentiel n’est pas obligatoire, les employeurs choisissant de ne pas l’appliquer peuvent cependant se voir demander de justifier des mesures mises en œuvre pour garantir la conformité des traitements de données à la réglementation en matière de RGPD.
A retenir
Par principe, lorsqu’il s’agit d’une amende pour stationnement, excès de vitesse, non-respect des distances de sécurité, usage de chaussées réservées, non-respect des stops ou feux rouges, etc., seule l’entreprise est pécuniairement responsable par l’intermédiaire de son représentant légal.
Il n’est pas possible de se faire rembourser par le salarié une amende payée par l’entreprise. Seule la dénonciation du salarié vous permettra d’éviter le paiement de l’amende.
- Articles L 121-1 à L 121-6 du Code de la route (responsabilité infractions routières)
- Article L 130-9 du Code de la route (infractions concernées par l’obligation de dénonciation)
- Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, article 34 (obligation de dénonciation)
- Décret n° 2016-1955 du 28 décembre 2016 portant application des dispositions des articles L 121-3 et L 130-9 du Code de la Route
- Articles R 48-1 et R 49-8-5 du Code de la Route
- Article 530-3 du Code de Procédure pénale (quintuplement de l’amende forfaitaire d’une personne morale)
- Arrêté du 15 décembre 2016 pris pour l’application de l’article L 121-6 du Code de la Route
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 janvier 2006, n° 03-43587 (retenue sur salaire impossible)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 17 avril 2013, n° 11-27550 (remboursement amende possible si faute lourde prouvée)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 17 avril 2013, n° 12-87490 (excès de vitesse par un conducteur non identifié)
- Article 529-10 du code de procédure pénale (déclaration précisant l’identité de l’auteur présumé)
- Article 529-2 du code de procédure pénale (possibilité de demander de ne pas payer en envoyant une requête)
- Comité interministériel de la sécurité routière – 2 octobre 2015 (sanction pour non-révélation de l’identité du conducteur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile, du 9 mars 2017, n° 15-27538 (prise en charge amende et cotisations sociales)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 15 janvier 2019, n° 18-82380 (obligation de dénonciation du dirigeant)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 15 janvier 2019, n° 18-82628 (contravention émise à l’encontre de la société)
- Arrêt de la Cour de Cassation, 2ème chambre civile, du 14 février 2019, n° 17-28047 (prise en charge des amendes et cotisations sociales)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 7 mai 2019, n° 18-85729 (pas de dispense de peine)
- Réponse Ministérielle Masson, Sénat, du 15 février 2018, n° 01091 (représentant légal ou société-qui doit être sanctionné pour infraction à l’obligation de dénonciation ?)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 18 juin 2019, n° 19-80289 (amende pour non-désignation adressée à la société)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 15 octobre 2019, n° 19-80237 (société sanctionnée pour infraction à l’obligation de dénonciation)
- Réponse Ministérielle Bessot Ballot, Assemblée Nationale, du 15 octobre 2019, n° 20187 (clarification des modalités d’auto-désignation)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 20 novembre 2019, n° 18-13697 (prise en charge des amendes par l’entreprise)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre criminelle, du 21 avril 2020, n° 19-86467 (l’obligation de dénonciation ne s’impose qu’aux sociétés)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 1er septembre 2020, n° 19-85465 (NP) (lorsque le véhicule flashé appartient à une société de location et qu’il a été loué à une autre société, la société bailleresse est dans l’obligation, si elle ne connaît pas l’identité du conducteur auteur de la faute, de communiquer l’identité et l’adresse de la société locataire)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 15 décembre 2020, n° 20-82503 (l’obligation de désignation n’est pas incriminante au sens de la CEDH)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 26 janvier 2021, n° 20-83913 (transport sanitaire et cas de force majeure)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 16 mars 2021, n° 20-83911 (le dirigeant d’une société qui désigne 3 conducteurs potentiels au lieu d’un ne remplit pas son obligation de dénonciation)
- Délibération n° 2021-043 du 12 avril 2021 portant adoption d'un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de la désignation des conducteurs ayant commis une infraction au code de la route
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 9 novembre 2021, n° 20-85020 (le dirigeant d’une société peut contester l’amende qui lui est infligée pour non-dénonciation du conducteur au volant du véhicule de la société flashé en excès de vitesse si l’avis de contravention ne comporte pas de date d’envoi)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 11 octobre 2022, no 22-81531 (le gérant d’une société ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en raison des doutes qu’il a sur l’identité du conducteur dans sa contestation)