Architectes : le point sur la responsabilité du « fabricant d’Epers »
« Fabricant d’Epers » : une définition encadrée
Un souci. Dans les années 60 et 70, le secteur immobilier s’est fortement développé. Durant la même période, de nombreux litiges sont apparus entre les constructeurs et les particuliers. Parfois, ces litiges avaient pour source des éléments fournis par des fabricants, tiers au contrat de construction.
Une solution. Pour inciter les fabricants à fournir des éléments de qualité au maître d’ouvrage et que l’entrepreneur ne soit plus nécessairement le seul responsable vis-à-vis des particuliers, le législateur a créé un principe de responsabilité solidaire du « fabricant de composants » ou du « fabricant d’Epers » (fabricant d’éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire).
C’est qui ? Le fabricant est celui qui fournit un grossiste ou un détaillant qui lui-même fournit l’entrepreneur.
Fabricant d’Epers = 4 critères cumulatifs ! Pour identifier un Epers, 4 critères cumulatifs doivent être réunis, à savoir :
- le déplacement d’une partie de la conception, (incorporée au produit, elle est donc retranchée de la mission de conception) ;
- la prédétermination en vue d’une finalité spécifique d’utilisation ;
- la satisfaction en état de service à des exigences précises et déterminées à l’avance ;
- la capacité du produit à être mis en œuvre sans modification.
Le saviez-vous ?
Parmi les fabricants, on trouve aussi les importateurs d’ouvrages ou de parties d’ouvrages fabriqués à l’étranger et les distributeurs qui vendent les ouvrages, parties d’ouvrages et équipements en y mentionnant leur nom comme fabricant (le fournisseur non fabricant n’est ici pas concerné).
Fabricant = sous-traitant ? En pratique, le sous-traitant est un fabricant. Mais juridiquement, ce n’est pas le cas. Un fabricant ne bénéficie donc pas du statut de sous-traitant. Il ne peut donc pas, par exemple, engager une demande directe en paiement contre le maître d’ouvrage comme peut le faire le sous-traitant.
Comment les différencier ? Pour différencier un fabricant d’un sous-traitant, il faut tout d’abord analyser le contrat. Alors que le contrat liant le fabricant à un entrepreneur est un contrat de vente, le contrat liant un sous-traitant à un entrepreneur est un contrat de sous-traitance.
Mais aussi. Analyser le contrat n’est pas suffisant. Il faut également apprécier l’apport de l’intervenant sur le chantier. Plus le travail est spécifique, plus la part de main d’œuvre est importante, plus le juge aura tendance à considérer que le professionnel est un sous-traitant et non un fabricant.
Fabricant d’Epers. Voici quelques exemples pour lesquels les juges ont retenu que les professionnels avaient la qualité de fabricants d’Epers :
- la fabrication d’une pompe à chaleur ;
- la fabrication d’un plancher chauffant ;
- la fabrication d’une coque de piscine en polyester.
A contrario. Voici quelques d’exemples pour lesquels les juges ont retenu que les professionnels n’avaient pas la qualité de fabricants d’Epers :
- la fabrication de béton prêt à l’emploi ;
- la fabrication de poutres taillées à la mesure ;
- la fabrication de dalles d’un court de tennis.
« Fabricant d’Epers » : une responsabilité solidaire
Une responsabilité solidaire. Le fabricant est solidairement responsable des obligations qui pèsent sur les entrepreneurs qui ont posé les éléments fabriqués à l’égard du maître d’ouvrage, sous réserve que 3 conditions soient réunies. Lesquelles ?
3 conditions. Les 3 conditions suivantes doivent être réunies pour que le fabricant soit solidairement responsable avec l’entrepreneur :
- l’élément doit être fabriqué sur mesure, en vue de répondre à des exigences spécifiques, pour l’ouvrage en cause (sans qu’il soit pour autant réservé à ce seul ouvrage et exclusif de tout autre emploi) ;
- l’élément doit être mis en œuvre sans modification par l’entreprise chargée de le poser ;
- la mise en œuvre doit être conforme aux règles édictées par le fabricant.
Quelles obligations ? Concrètement, cela veut dire que le fabricant est solidaire avec l’entrepreneur au titre de la garantie biennale et de la garantie décennale dès lors que l’objet fabriqué cause un dommage au maître d’ouvrage.
A l’égard de l’entrepreneur. Le fabricant et l’entrepreneur étant liés par un contrat de vente, le fabricant sera donc responsable au titre de la garantie des vices cachés, de la défectuosité du produit ou d’un défaut de conformité.
A retenir
Le « fabricant d’Epers » (fabricant d’éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire) est solidairement responsable avec l’entrepreneur au titre de la garantie biennale et décennale à l’égard du maître d’ouvrage.
- Article 1792-4 du Code civil (responsabilité solidaire du fabricant)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 9 mars 2017, no 16-12891 (fabricant-pas d’action directe en paiement contre le maître d’ouvrage)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 14 avril 1999, no 97-14512 (pas fabricant d’Epers-poutres taillées à la mesure)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 17 juin 1998, no 95-20841 (fabricant d’Epers-coque de piscine)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 25 juin 1997, no 95-18234 (fabricant d’Epers-plancher chauffant)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 20 janvier 1993, no 90-21224 (fabricant d’Epers-pompe à chaleur)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 26 octobre 1988, no 87-11367 (pas fabricant d’Epers-dalles d’un court de tennis)
- Arrêt de la Cour de cassation, 3e chambre civile, du 24 novembre 1987, no 86-15489 (pas fabricant d’Epers-béton prêt à l’emploi)