Artisan, sous-traitance et obligation de vigilance : ce qu’il faut savoir
Sous-traitance : une obligation de vigilance
Un objectif. Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, la réglementation impose aux entreprises qui recourent à la sous-traitance d’échanger un certain nombre d’informations pour s’assurer que leurs partenaires sont effectivement en règle avec leurs obligations administratives, notamment en matière sociale. À défaut, elles risquent des sanctions…
Quelle obligation ? Vous devez vous assurer que votre sous-traitant s’acquitte de l’ensemble de ses obligations déclaratives et de paiement en matière de cotisations sociales. Concrètement, cette « vigilance » suppose de s’assurer que les sous-traitants ne se rendent pas coupables de travail dissimulé.
Quelles sanctions ? Si vous ne procédez pas à cette vérification, vous courrez le risque d’être solidairement condamné au paiement des impôts, taxes et cotisations sociales de votre sous-traitant si ce dernier est reconnu coupable de travail dissimulé, voire même des rémunérations et autres charges. Vous courrez également le risque de voir annuler les éventuelles exonérations et réductions de cotisations sociales dont vous pouvez bénéficier (pour toute la période durant laquelle le délit de travail dissimulé de votre sous-traitant aura été constaté).
Le saviez-vous ?
Cette obligation s’applique à tout contrat conclu par un donneur d’ordre en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce lorsque le contrat a une valeur de 5 000 € HT.
En pratique. Vous devez obtenir de votre sous-traitant un document attestant qu’il est effectivement immatriculé auprès des organismes sociaux (un extrait K-bis ou la carte professionnelle). Vous devez, en outre, lui réclamer une « attestation de vigilance », délivrée par l’Urssaf, contenant les informations suivantes :
- l’identification de l’entreprise (dénomination sociale, adresse du siège social) ;
- les déclarations sociales et le paiement des cotisations et contributions sociales ;
- le nombre de salariés ;
- le total des rémunérations déclarées par le sous-traitant sur le dernier bordereau récapitulatif des cotisations.
Attention. Vous avez l’obligation d’exiger du sous-traitant qu’il vous remette cette attestation lors de la signature du contrat, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat.
Une obligation très large ! Vous devez également vérifier qu’elle est authentique. Il est possible de le vérifier directement sur le site Internet de l’Urssaf en saisissant un code de sécurité mentionné sur le document dans la rubrique « vérification d’attestation ». Vous devez également vérifier que le sous-traitant sera capable de réaliser les travaux qui lui seront confiés. En cas de doute, demandez à l’entreprise quels sont les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour accomplir les travaux demandés (intention d’embauche, intérim, etc.).
Conseil. Compte tenu des risques encourus, ne poursuivez pas de relations contractuelles avec une entreprise qui refuse de vous remettre une attestation de vigilance ou qui vous remet une attestation dont l’authenticité fait défaut.
Le saviez-vous ?
Cette obligation de vigilance s’impose aussi à l’égard des entreprises étrangères : le cas échéant, votre cocontractant doit vous fournir son numéro de TVA intracommunautaire et un document attestant de la régularité de sa situation au regard de la réglementation sociale européenne et de celle applicable dans son pays. Par ailleurs, vous devrez vérifier, le cas échéant, que l'employeur s'est acquitté du paiement des amendes administratives prononcées par l’administration française.
Sous-traitance : une obligation de diligence
Concrètement. Vous devez vous assurer que les salariés employés par le sous-traitant sont effectivement déclarés et rémunérés conformément aux règles sociales en vigueur et que votre sous-traitant respecte les obligations qui s’imposent à lui en matière sociale. L'obligation de vigilance porte également sur les conditions d’hébergement des travailleurs qui ne doivent pas être indignes.
En cas de contrôle. Si, à la suite d’un contrôle, vous êtes informé qu’une entreprise sous-traitante ne respecte pas certaines réglementations en matière sociale ou les règles liées au respect du salaire minimum, vous devez l'enjoindre, par écrit, à régulariser sa situation. Cette dernière est alors tenue de vous informer par écrit des mesures prises pour faire cesser cette situation (vous devez envoyer une copie de sa réponse à l’administration). À défaut de réponse dans un délai de 15 jours (7 jours pour les infractions en matière de rémunération), vous devez informer l’administration de ce défaut de réponse, dans les 2 jours suivant l'expiration du délai de 15 jours.
Attention. Si vous ne faites pas le nécessaire, vous serez, le cas échéant :
- sanctionné par une amende de 1 500 € (3 000 € en cas de récidive) ;
- solidairement tenu au paiement des rémunérations et indemnités dues à chaque salarié et des cotisations sociales correspondantes.
Pour information. Les réglementations visées par cette obligation sont les suivantes :
- libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
- discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
- protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour évènements familiaux ;
- conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité temporaire ;
- exercice du droit de grève ;
- durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
- conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
- salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
- règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants.
Une obligation d’affichage. Dans le secteur du BTP, vous devez afficher sur le lieu de travail les informations concernant ces règlementations mais aussi celles en matière d'hébergement, de prévention des chutes de hauteur, d'équipements individuels obligatoires et d'existence d'un droit de retrait. Cet affichage précise également les modalités selon lesquelles le salarié peut faire valoir ses droits. L’affichage doit être accessible dans le vestiaire, toujours lisible et traduit dans l’une des langues officielles parlées dans chaque Etat d’appartenance des salariés détachés.
À retenir
Non seulement vous devez vous assurer que votre sous-traitant est à jour de ses déclarations sociales et de ses paiements de cotisations sociales (obligation de vigilance), mais vous devez aussi, si vous êtes informé par l’administration qu’il ne respecte pas ses obligations sociales, l’enjoindre de faire cesser cette situation (obligation de diligence). Dans les 2 cas, vous serez sanctionné si vous ne respectez pas ces obligations.
J'ai entendu dire
Nous avons reçu une lettre d’observations de l’Urssaf recherchant la solidarité financière de mon entreprise, en raison d’un défaut de vigilance. Cependant, la lettre ne mentionne qu’un montant global de cotisations dues. Peut-on contester la mise en œuvre de cette solidarité financière ?Oui : la lettre d’observations doit préciser, année par année, le montant des sommes dues. Le juge considère que cela permet d’assurer le caractère contradictoire du contrôle et la garantie des droits de la défense à l’égard du donneur d’ordre dont la solidarité financière est recherchée.
- Articles L 8222-1 et suivants du Code du Travail
- Articles R 8222-1 et suivants du Code du Travail
- Articles D 8222-6 et suivants du Code du Travail
- Article D 243-15 du Code de la Sécurité Sociale
- Loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale
- Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, articles 105, 106, 107 et 110 (lutte contre le détachement illégal par les entreprises étrangères)
- Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, articles 89, 90, 91, 92 et 94
- Décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal
- Décret n° 2017-825 du 5 mai 2017 relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales
- Décret n° 2019-555 du 4 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au détachement de travailleurs et au renforcement de la lutte contre le travail illégal
- Décret n° 2020-916 du 28 juillet 2020 relatif aux travailleurs détachés et à la lutte contre la concurrence déloyale
- Directive n° 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services
- Ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 portant transposition de la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service
- Circulaire n° DSS/SD5C/2012/186 du 16 novembre 2012 relative à l'attestation de vigilance
- Arrêt de la Cour de Cassation, Assemblée Plénière, du 22 décembre 2017, n° 13-25467 (remise en cause du formulaire de sécurité sociale des travailleurs détachés)
- Arrêt de la Cour de cassation, 2ème chambre civile, du 13 février 2020, n° 19-11645 (solidarité financière du donneur d’ordre)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 4 novembre 2020, n° 18-24451 (solidarité financière du donneur d’ordre)