Gérer les heures supplémentaires
Heures supplémentaires : de quoi s’agit-il ?
Heures supplémentaires : de quoi s’agit-il ? Les heures supplémentaires sont toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou d'une durée considérée comme équivalente. Mais tous les salariés ne font pas nécessairement des « heures supplémentaires »…
Ne pas confondre ! Les heures supplémentaires ne doivent pas être confondues avec les heures complémentaires qui sont les heures de travail effectuées par les salariés à temps partiel au-delà de la durée du travail fixée dans leur contrat (elles ne sont pas soumises au régime particulier des heures supplémentaires, même si elles donnent lieu à une majoration de salaire). Notez, en outre, que les salariés qui ne sont pas soumis au décompte de la durée hebdomadaire du travail ne peuvent pas bénéficier des dispositions légales sur les heures supplémentaires : il s'agit notamment des cadres dirigeants et des cadres au forfait annuel en heures ou en jours
Le saviez-vous ?
Les heures perdues à la suite d'interruptions collectives de travail du fait de circonstances exceptionnelles et indépendantes de l’employeur, dites heures de récupération, peuvent être récupérées dans les 12 mois précédant ou suivant leur perte. Les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail, à cette occasion, ne seront pas considérées comme heures supplémentaires
En cas de changement d’heure. Lors du passage à l'heure d'hiver, les travailleurs de nuit voient leur temps de travail augmenté d'une heure. La Loi ne prévoyant pas de disposition spécifique, cette heure « supplémentaire » doit être traitée comme n'importe quelle heure supplémentaire : elle doit donc donner lieu à une majoration de salaire, ou à un repos compensateur. Pensez à vérifier les dispositions de votre convention collective à ce sujet.
Une précision concernant les cadres. Le fait qu’un salarié ait le statut de cadre, qu’il perçoive la rémunération correspondante et qu’il dispose de toute liberté dans l’organisation de son travail ne suffit pas à exclure son droit au paiement d’heures supplémentaires qu’il a pu effectuer.
Heures supplémentaires : le privilège de l’employeur ?
A votre demande ? Oui, ces heures sont effectuées à la demande de l'employeur. Les heures supplémentaires donnant lieu à majoration sont les heures effectuées à votre demande, demande qui peut être implicite s’il est établi que vous ne vous êtes pas opposé à leur réalisation. Une situation qui nécessite votre vigilance…
Le délicat problème du consentement tacite. Ce pourra être le cas, par exemple, si vous donnez un travail à un salarié avec une date limite d’exécution et que l’accomplissement de ce travail n’est pas possible dans le délai donné en prenant uniquement en compte le temps de travail habituel du salarié, les heures effectuées en surplus, en vue d’achever cette tâche, devront être réglées comme des heures supplémentaires.
Mais aussi… L’accord tacite pour l’accomplissement d’heures supplémentaires peut aussi résulter de la quantité ou de la nature du travail demandée au salarié. Dans pareil cas, peu importe que vous vous opposiez à la réalisation d’heures supplémentaires, dès lors qu’elles sont rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié : elles doivent être payées.
Pour la petite histoire… En situation financière difficile, un employeur a décidé d’installer une badgeuse afin de limiter les heures supplémentaires dans l’entreprise. Il a, en outre, imposé son accord préalable à la réalisation de toute heure supplémentaire par les salariés. Muni de ses fiches de pointage, détaillant avec précision ses heures supplémentaires effectuées, un salarié en a réclamé le paiement, mais l’employeur a refusé : il lui a rappelé qu’il n’avait pas donné son accord exprès et préalable pour ces heures supplémentaires. Le juge a toutefois donné raison au salarié : par ces fiches de pointage, l’employeur a reconnu avoir eu connaissance des heures supplémentaires effectuées par le salarié et auxquelles il ne s’est pas opposé. Le juge a considéré dans cette affaire que l’employeur avait tacitement consenti à la réalisation des heures supplémentaires qu’il doit payer.
Pour la petite histoire (bis)… Il en a été de même pour un employeur qui ne s’est pas opposé ou n’a pas réagi à la présence tardive d’une salariée dans les locaux de l’entreprise, situation qui était parfaitement connue de sa part.
Conseil. Tolérer qu’un salarié fasse des « heures à rallonge » peut donc être potentiellement source de conflit. Si vous ne voulez pas qu’un salarié fasse des heures supplémentaires, il est impératif de vous y opposer expressément (et de vous munir de tous les éléments de preuve de nature à établir sans contestation possible que vous vous êtes opposé à leur réalisation).
Le saviez-vous ?
Les heures supplémentaires de votre salarié accomplissant une tâche pour votre compte doivent être rémunérées comme telles si vous en avez eu connaissance, peu importe que vous ayez mis en place une procédure d'autorisation préalable dans l'entreprise et que votre salarié ne l'ait pas respectée.
Prévues dans le contrat ? Il est possible de prévoir dans le contrat de travail, en accord avec votre salarié, dès l’embauche ou en cours de contrat, un nombre d’heures supplémentaires effectuées toutes les semaines (il est donc possible de conclure un contrat à 39 heures par semaine avec un salarié). Notez que la suppression ou la réduction de ces heures supplémentaires conventionnellement prévues devra alors être considérée comme une modification du contrat de travail du salarié.
Heures supplémentaires : le salarié peut-il refuser ?
Le salarié peut-il refuser ? Votre salarié ne peut pas refuser d’exécuter les heures supplémentaires que vous lui avez demandé. Sauf abus de droit de votre part, cette demande expresse d’exécution d’heures supplémentaires ne constitue pas une proposition de modification du contrat de travail et ne nécessite donc pas l’accord de votre salarié (notez que le caractère systématique des heures supplémentaires imposées au salarié le samedi a été reconnu comme abusif par le juge). Un refus par le salarié d’effectuer des heures supplémentaires légitimement demandées par l’employeur peut caractériser une faute, justifiant une action disciplinaire.
Un refus légitime ? Notez toutefois qu’un salarié pourra refuser d’accomplir les heures supplémentaires demandées si son refus est « légitime ». Dans ce cas, il ne peut pas être sanctionné. Ce sera le cas, par exemple, si l’employeur ne paie pas les heures supplémentaires, ne respecte pas les droits à repos compensateur, ou encore si le salarié est prévenu trop tardivement.
Attention tout de même… Si vous souhaitez avoir recours aux heures supplémentaires, vous devrez préalablement en informer votre salarié le plus tôt possible afin qu’il puisse s’organiser. Et vous devez informer vos représentants du personnel du recours aux heures supplémentaires. Cependant, vous n’avez pas l’obligation de demander l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail.
Prouver les heures supplémentaires
Une source de conflit ? La question des heures supplémentaires peut être source de difficultés dans l’entreprise, spécialement lorsqu’il existe un litige entre l’employeur et le salarié, souvent à l’occasion d’une rupture de contrat conflictuelle (licenciement, prise d’acte de la rupture du contrat, etc.). Il s’agira, bien souvent, pour le salarié, de réclamer le paiement d’heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées et, pour l’employeur, de lui refuser tout paiement en conséquence, faute de les avoir acceptées.
Une preuve à établir ? La question de l’existence ou non d’heures supplémentaires dépendra des preuves qui seront mises en avant. Le salarié devra donc apporter tous les éléments de preuve en sa possession pour établir qu’il a effectivement réalisé les heures supplémentaires dont il demande le paiement. Pour cela, il pourra, par exemple, faire état de plannings, de tableau récapitulatif, de décomptes journaliers, des agendas personnels récapitulant les heures de début et de fin de journées travaillées, et parfois même de relevés d’heures servant à la facturation clients, etc.
Le saviez-vous ?
Le juge a rappelé que s'il appartient au salarié d'étayer sa demande de paiement d’heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui est pas fait obligation, pour satisfaire à cette exigence, de produire un décompte hebdomadaire.
Une preuve à partager. Mais il faut savoir qu’il existe une particularité en matière d’heures supplémentaires : la preuve est partagée entre vous et le salarié. Concrètement, le salarié apporte ses éléments de preuve suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies (un simple relevé qu’il a lui-même établi suffit), et vous devez aussi apporter vos propres éléments de preuve permettant d’établir l’existence et le quantum des heures supplémentaires en question (ou l’absence d’heures supplémentaires, le cas échéant). Le juge a rappelé encore récemment que l’employeur est dans l’obligation de fournir des éléments de réponse, la charge de la preuve ne pouvant reposer sur le seul salarié.
Au final… A défaut d’entente sur ce point, il reviendra bien souvent au juge, saisi du litige, de régler cette question. C’est en effet à lui que revient le pouvoir d’apprécier, au cas par cas, la réalité des heures supplémentaires au vu des éléments de preuve fournis par le salarié qui en réclame le paiement, au regard des éléments que vous aurez fourni en contrepartie.
Une obligation pour l’employeur ! En cas de désaccord relatif au temps de travail, le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis, comme c’est le cas ici, pour permettre à l’employeur d’y répondre, rappelle le juge. Et faute pour l’employeur de produire des éléments de contrôle de la durée, le salarié peut être indemnisé sur la base de ses seuls éléments.
Attention ! Il est possible de prévoir, dans le contrat de travail, la réalisation d’un certain nombre d’heures supplémentaires. Néanmoins, une telle clause vous engage à assurer au salarié la réalisation de ces heures et à lui en garantir le paiement. Le défaut de paiement des heures supplémentaires ainsi prévues, bien que non exécutées, constituerait une modification unilatérale du contrat de travail.
A retenir
Par principe, les heures supplémentaires sont effectuées à votre demande (demande qui peut être jugée implicite s’il est établi que vous ne vous opposez pas à leur réalisation). Et le salarié ne peut, là encore par principe, pas refuser d’accomplir les heures supplémentaires (sauf refus légitime).
- Articles L 3121-1 à L 3121-25 du Code du travail
- Article L 3171-4 du Code du Travail (preuve des heures supplémentaires)
- Réponse ministérielle Andrieux, du 13 octobre 1976, Assemblée nationale, n° 32310 (changement d’heure)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 22 octobre 1985, n° 83-40162 (les heures de récupération ne sont pas des heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 20 mai 1997, (refus légitime pour avoir été prévenu tardivement : NP)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 19 avril 2000, n° 98-41071 (nature ou quantité de travail)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 21 mai 2002, n° 99-45890 (refus légitime pour non-paiement des heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 5 novembre 2003, n° 01-42798 (refus légitime pour non-respect des droits à repos compensateur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 2 juin 2010 (accord implicite de l’employeur NP)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 16 mai 2012, n° 11-14580 (accord implicite de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 10 octobre 2013, n° 12-19397 (preuve des heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 11 juin 2014, n° 12-28308 (preuve des heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 30 septembre 2015, n° 14-17748 (un décompte réalisé à partir des agendas personnels suffit comme moyen de preuve)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 juin 2016, n° 15-16423 (accord implicite de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 31 mai 2017, n° 15-21546 (heures supplémentaires prouvées par relevé d’heures servant à la facturation clients)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 mars 2018, n° 17-10870 (paiement des heures supplémentaires non exécutées mais prévues au contrat de travail)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 7 février 2018, n° 16-22964 (illustration accord tacite de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 24 octobre 2018, n° 17-20691 (statut cadre et liberté d’organisation n’excluent pas la réalisation d’heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 14 novembre 2018, n° 17-20659 (heures supplémentaires et opposition de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, 4 septembre 2019, n° 18-10541 (preuve heures supplémentaires et décompte hebdomadaire)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 18 mars 2020, n° 18-10919 (preuve partagée)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 18-23366 (accord implicite de l’employeur)
- Arrêt de la Cour de la Cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 18-26385 (preuve partagée)
- Arrêt de la Cour de la Cassation, chambre sociale, du 21 octobre 2020, n° 18-26180 (preuve partagée)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 janvier 2021, n° 19-16995 (illustration heures supplémentaires capitaine de navire)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 27 janvier 2021, n° 17-31046 (nécessité de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 2 juin 2021, n° 19-17475 (charge de la preuve des heures supplémentaires)
- Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 24 janvier 2024, n°21-23325 (Charge de la preuve des heures supplémentaires ne repose pas uniquement sur le salarié)