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Contrôle fiscal et abus de droit : ce qu’il faut savoir

Date de mise à jour : 31/08/2021 Date de vérification le : 31/08/2021 14 minutes

A l’issue d’un contrôle, l’administration fiscale vous reproche un « abus de droit » : concrètement, elle vous reproche d’avoir mis en place un schéma qui, dans un but exclusivement fiscal selon elle, vous permet d’optimiser le montant de vos impôts ou ceux de votre entreprise. Mais s’agit-il vraiment d’un « abus de droit » ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Contrôle fiscal et abus de droit : ce qu’il faut savoir


Abus de droit : une définition précise

De quoi s’agit-il ? Voici ce que l’administration est autorisée à faire lorsqu’elle suspecte un abus de droit : « Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Concrètement… En pratique, cette notion d’abus de droit pourra donc se rencontrer à chaque fois qu’un acte est pris ou une opération est réalisée dans un but exclusivement fiscal qui sera de réduire ou d’annuler un impôt ou une taxe. En d’autres termes, un abus de droit pourra vous être reproché si :

  • vous agissez dans l’unique et exclusif but de payer moins d’impôt, en dehors de toutes autres considérations économiques, juridiques ou financières ;
  • vous dissimulez, au travers d’un acte fictif, une opération qui aura là encore pour objectif exclusif la recherche d’un avantage fiscal.

Exemples. Prenons trois exemples :

  • la donation déguisée en vente : afin de diminuer les droits de mutation, une personne peut dissimuler sciemment une donation en vente, en recourant souvent à un paiement du prix de vente en nature (une obligation alimentaire par exemple), notamment lorsque la donation a lieu entre personnes non-parentes ou éloignées (et pour lesquelles les droits de mutation sont les plus élevés, sans bénéficier d’abattements de surcroît) ;
  • la minoration fictive du patrimoine pour le calcul de l’ISF : ce schéma consiste à minorer le solde de comptes bancaires en fin d’année (retrait d’espèces ou émission d’un chèque de banque) et de reverser ces fonds en début d’année suivante ; le redevable déclare donc à l’ISF les soldes bancaires au 1er janvier (qui servent de référence pour le calcul de l’ISF) sans tenir compte des espèces retirées ou des chèques émis ;
  • la donation « fictive » : il s’agit ici de donner un bien qui sera vendu, la plus-value en résultant étant « purgée » puisque la valeur de vente est alors égale à la valeur de donation ; le cas qui peut se rencontrer concerne l'hypothèse d’une personne qui donne un bien qui sera vendu et appréhende en réalité les fonds provenant de la vente, établissant ainsi ne pas s’être dessaisi du bien donné.

Dans les trois cas… En présence de tels schémas, l’administration fiscale conclura à l’abus de droit : les opérations ont, ici, clairement pour unique objectif de diminuer un impôt selon des procédés sciemment mis en place dans ce but exclusif.

Le saviez-vous ?

A compter du 1er janvier 2021, l'ensemble des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 et qui « ont pour motif « principal » (et non plus « exclusif ») d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales pourront être requalifiés en abus de droit.

Plus exactement... A compter de 2021, l’administration pourra écarter « les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ». Des précisions sont encore attendues quant aux modalités d’application de cette nouvelle définition.

Pour tous les impôts ? Oui, presque... Cette notion peut se rencontrer dans toutes les matières fiscales, que ce soit dans le cadre des impôts directs (impôt sur le revenu, impôts locaux), de la TVA, des droits d’enregistrement, des taxes diverses, etc., à l'exception de l'impôt sur les sociétés.

En matière d’IS... S’agissant de l’impôt sur les sociétés, l’administration dispose d’une procédure spécifique : la clause anti-abus générale. Dans ce cadre, depuis le 1er janvier 2019, l’administrations peut rectifier un résultat imposable à l’impôt sur les sociétés à chaque fois qu’une société aura obtenu un avantage fiscal dans des conditions allant à l’encontre de son objet ou de sa finalité. Plus exactement, cette procédure peut s’appliquer lorsque les 2 conditions suivantes sont réunies :

  • un montage est mis en place en vue d’obtenir indûment un avantage fiscal (allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable) ;
  • le montage n’a pas de justification économique (on dit alors qu’il n’est pas considéré comme authentique).

Exemple 1. Un particulier, père d’1 enfant, est marié avec une femme, elle-même mère de 3 enfants issus d’un premier lit. La famille est propriétaire de l’intégralité des titres d’une société civile immobilière, selon la répartition suivante : le père et la mère sont titulaires de 3 087 parts chacun, et les 4 enfants, sont titulaires de 294 parts chacun.

Une transmission. Souhaitant transmettre la société à leurs enfants, les époux décident de leur donner les titres de SCI qu’ils détiennent. Pour y parvenir, le particulier consent une donation au profit de son épouse portant sur 1543 parts, mais aussi une donation au profit de son enfant portant également sur 1543 parts. Le jour même de la donation, l’épouse consent, à son tour, une donation de ses 4 630 parts au profit de ses 3 enfants (chacun recevant alors 1 543 parts) . A l’issue de ces donations, le particulier et son épouse ne disposent plus que d’1 seule part chacun et chaque enfant détenant alors 1837 parts dans la SCI (les 294 parts de départ + les 1543 parts qui résultent de la donation).

Mais. A l’occasion d’un contrôle fiscal, l’administration considère que l’opération de transmission réalisée par les époux s’apparente à un abus de droit fiscal. Pour elle, la donation réalisée par le particulier au profit de son épouse, immédiatement suivie, le même jour, d’une donation de l’épouse au profit de ses enfants, témoignent en réalité d’une intention libérale du particulier à l’égard de ses beaux-enfants : il s’agit en fait d’une donation indirecte destinée à éviter de payer les droits de donation fixés, dans ce cas, au taux de 60 % (applicable aux donations entre personne non-parente).

Une sanction. En conséquence de quoi, l’abus étant caractérisé, les époux doivent s’acquitter non seulement de l’impôt éludé, c’est-à-dire des droits de donation au taux de 60 %, mais aussi d’une majoration de 80 %.

Exemple 2. Une SCI, détenue par un couple, rachète une maison de vacances qui appartenait jusqu’à présent à l’époux, et la donne immédiatement en location au couple. Parce que la société a fait réaliser des travaux dans cette maison, le couple demande à les déduire pour le calcul de son impôt sur le revenu, ce que l’administration refuse, considérant qu’il y a ici « abus de droit fiscal ».

Un rappel. L’administration rappelle, en effet, qu’en principe, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu et donc, que les charges correspondantes ne sont pas déductibles. Ici, le fait de vendre la maison à la SCI, puis de la prendre à bail permet au couple d’échapper à ce principe et donc, de déduire les dépenses de travaux, ce qui n’aurait pas été possible si l’époux était resté propriétaire de la maison. Une position partagée par le juge qui maintient le redressement fiscal.

Le saviez-vous ?

L’administration fiscale publie régulièrement des schémas d’opérations qu’elle qualifie d’abusives au regard de la réglementation fiscale : vous retrouverez ces différents exemples, régulièrement complétés, à l’adresse suivante : http://www.economie.gouv.fr/dgfip/carte-des-pratiques-et-montages-abusifs.

Elle publie également régulièrement des commentaires sur les avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal (CADF), consultables à l’adresse suivante : https://www.impots.gouv.fr/portail/les-avis-commentes-par-ladministration.


Abus de droit : une sanction lourde

En plus du redressement fiscal… Bien entendu, lorsque l’administration rectifie le montant d’un impôt ou d’une taxe en recourant à la procédure de l’abus de droit, elle va recalculer le montant effectivement dû. Et elle va assortir le redressement de sanctions particulièrement lourdes…

… des sanctions ! Non seulement elle va calculer un intérêt de retard (au taux de 0,20 % par mois de retard), mais elle va aussi appliquer une majoration dont le montant varie dans les conditions suivantes :

  • le taux de la majoration sera de 80 % s’il est établi que vous êtes l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit ;
  • si cette preuve n’est pas rapportée, le taux de la majoration sera fixé à 40 %.


Abus de droit : vos moyens de défense

Optimiser n’est pas abuser ! L’abus de droit suppose une manœuvre de votre part pour dissimuler la véritable portée d’un acte. Or, bien souvent, face à une situation, vous pouvez être amené à choisir entre plusieurs solutions : le fait de choisir l’option qui s’avère la plus avantageuse pour vous, sur le plan fiscal, n’en sera pas moins constitutif d’un abus de droit, dès lors que l’opération réalisée ne souffre pas de contestation possible. En outre, une optimisation fiscale, aussi ingénieuse soit-elle ne sera pas systématiquement synonyme d’abus de droit.

Conseils. Dès lors qu’une opération qui s’avère fiscalement avantageuse est effectuée, pensez à conserver tous les éléments de preuve qui seront de nature à établir que cette opération est motivée par des intérêts juridiques, économiques, patrimoniaux, etc., c’est-à-dire non exclusivement fiscaux.

A noter. Cela n’empêchera toutefois pas l’administration de vérifier les conditions qui vous ont permis de réaliser cette optimisation fiscale.

Une procédure spécifique. Lorsque l’administration envisage de retenir un abus de droit, elle doit recourir à une procédure spéciale : la procédure d’abus de droit. Cette procédure se caractérise par les particularités suivantes :

  • elle doit clairement indiquer, dans la proposition de rectification fiscale, qu’elle se place expressément dans le cadre de la procédure d’abus de droit ;
  • vous pouvez solliciter l’avis d’une commission spéciale : le comité de l’abus de droit fiscal (une demande de saisine non suivie d’effet par l’administration pourra conduire à l’annulation du redressement fiscal !) ;
  • depuis le 1er janvier 2019, et quelle que soit la position du comité de l’abus de droit, la charge de prouver que l’opération est constitutive d’un abus de droit sanctionnable revient toujours à l’administration fiscale.

Un cas vécu. Un couple achète 3 appartements à un particulier. Suite au décès du vendeur, l’administration fiscale, qui procède au contrôle de la déclaration de succession, constate que le prix auquel les 3 appartements ont été vendus était bien inférieur au prix du marché. Assimilant cette vente à une donation indirecte, elle réclame non seulement au couple un supplément d’imposition (droits d’enregistrement), mais aussi le paiement d’un intérêt de retard et d’une pénalité pour manquement délibéré au taux de 40 %.

Sauf que… Pour le couple, l’administration a commis une erreur : en s’attachant à démontrer qu’ici, la vente cachait en réalité une donation, tout en invoquant la volonté manifeste et délibérée du couple d’éluder l’impôt, l’administration s’est placée sur le terrain de l’abus de droit, sans pour autant respecter la procédure spécifique attachée à cette notion. Un « oubli » qui permet au couple de réclamer, et d’obtenir l’annulation des redressements, ce que confirme le juge.

A noter. Il reste toutefois quelques exceptions :

  • la charge de la preuve vous incombe lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis du comité ;
  • elle vous incombe également à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu ;
  • elle vous incombe aussi en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

Le saviez-vous ?

La procédure d’abus de droit ne peut être mise en œuvre que sur décision d’un agent de l’administration fiscale ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire : il doit, à cet effet, apposer son visa sur la proposition de rectifications fiscales. A vérifier !

Conseil. Si vous avez un doute sur la portée d’une opération que vous envisagez de mettre en œuvre, notamment parce que vous redoutez l’abus de droit, vous pouvez solliciter au préalable l’avis de l’administration au moyen d’un rescrit fiscal spécifique : le « rescrit abus de droit ».

Concrètement. Vous exposez, par écrit, l’opération envisagée afin de recueillir l’avis de l’administration fiscale. Pour qu’elle puisse se prononcer en toute connaissance de cause et que l’avis qu’elle est susceptible de prendre lui soit opposable, pensez à expliciter et joindre tous les éléments et documents décrivant et justifiant l’opération projetée.

       =>  Consultez le modèle type proposé par l’administration fiscale : modèle de rescrit abus de droit

Attention. Pour que le rescrit soit valable, votre demande doit impérativement respecter les conditions suivantes :

  • elle doit concerner la portée d’un contrat ou d’une convention susceptible d’être remis en cause sur le terrain de l’abus de droit ;
  • elle doit être préalable à la conclusion du contrat ou de la convention ;
  • elle doit comporter tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l’opération envisagée.

Conséquence. Soit l’administration vous envoie un avis favorable : dans ce cas, l’opération ne pourra pas être qualifiée d’abus de droit (pour autant qu’elle soit rigoureusement conforme à la description faite dans la demande). Soit l’administration vous envoie un avis défavorable : dans ce cas, il est conseillé de ne pas réaliser l’opération sous peine de la voir requalifier en abus de droit en cas de contrôle (ce que ne manquera pas, à coup sûr, de vérifier l’administration fiscale).

A noter. Si ces conditions sont remplies et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de 6 mois à compter de la demande, la procédure de l’abus de droit fiscal ne pourra pas être appliquée à l’opération envisagée. En revanche, si l'une des conditions posées n'est pas satisfaite, vous ne pourrez pas vous prévaloir de cette garantie en l'absence de réponse de l'administration.

Conseil. Si le rescrit permet d’obtenir l’avis préalable de l’administration et de sécuriser une opération, il n’en demeure pas moins vrai que vous décrivez, avec force détails, l’opération projetée et votre volonté de mettre en place un schéma d’optimisation fiscale : il est donc conseillé de s’entourer de précautions dans ce domaine, idéalement en recourant aux services d’un professionnel du droit spécialisé dans ce domaine.

Le saviez-vous ?

Rappelons que, pour que l'administration soit engagée par la réponse qu'elle vous fournira, il faut que votre demande soit formulée de bonne foi et de manière à ce que l'administration dispose de tous les éléments qui caractérisent l’opération.


Une notion à connaître : l’abus de droit rampant

De quoi s’agit-il ? On a vu précédemment que l’administration doit impérativement et expressément préciser dans la notification de redressement qu’elle se place dans le cadre de la procédure d’abus de droit fiscal. Or, il arrive qu’elle reproche à une entreprise ou un particulier d’avoir réalisé une opération dans un but exclusivement fiscal sans pour autant préciser qu’elle utilisait la procédure d’abus de droit : il s’agit donc de ce que la pratique a nommé un « abus de droit rampant ».

Une conséquence importante… Dans une telle hypothèse, l’administration reproche un abus de droit, mais vous vous trouvez privé du droit de saisir la commission de l’abus de droit fiscal, faute d’avoir été prévenu par l’administration qu’elle recourait à la procédure d’abus de droit : elle ne vous a donc pas informé de cette possibilité. Privé de ce droit, vous pouvez solliciter l’annulation du redressement fiscal.

… mais aujourd’hui limitée ! Mais les juges ont limité la portée de cet abus de droit rampant : dès lors que l’administration se retranche utilement derrière la théorie de l’acte anormal de gestion ou fonde son redressement sur l’inexistence d’une contrepartie réelle ou sur la nullité de l’acte incriminé, la procédure ne sera pas annulée pour autant. Ce qui explique qu’il devient difficile d’obtenir la condamnation de l’administration fiscale au titre de l’abus de droit rampant…

A retenir

Un abus de droit suppose la recherche d’un but exclusivement fiscal qui aura donc pour effet de diminuer, voire d’annuler une imposition.

Dès lors que vous réalisez une opération fiscalement avantageuse, pensez à conserver tous les éléments de preuve qui seront de nature à établir que cette opération est motivée par des intérêts juridiques, économiques, patrimoniaux, etc., c’est-à-dire non exclusivement fiscaux !


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