Attention aux charges « somptuaires » non déductibles !
Déduction fiscale des charges : des conditions précises…
Des charges déductibles si… Pour que la déduction fiscale des dépenses et autres charges que vous engagez dans le cadre de l’exploitation, tout au long de l’exercice, ne puisse pas être remise en cause, il est impératif que des conditions précises soient respectées. D’autant que l’administration fiscale, dans le cadre de ses contrôles, veille à leur respect : si ce n’est pas le cas, elle refusera la déduction fiscale de la charge avec, pour conséquence, une rectification à la hausse du résultat imposable de l’entreprise.
3 conditions principales. Une charge ou une dépense viendra diminuer immédiatement le résultat de l’entreprise (dans le jargon, on applique le principe selon lequel la dépense se traduit comptablement par une diminution de l’actif net de l’entreprise), à la différence de l’immobilisation, qui correspond à un investissement venant au contraire augmenter la valeur patrimoniale de l’entreprise (et dont la déduction s’opèrera de manière échelonnée dans le temps, sous forme d’amortissement). Cette déduction comptable sera admise sur le plan fiscal si, d’une part, elle est régulièrement justifiée et comptabilisée et si, d’autre part, elle est engagée dans l’intérêt de l’exploitation.
Attention à l’intérêt de votre entreprise. Cela semble peut-être évident, mais des dépenses d’ordre strictement privées ne pourront pas être déduites du résultat imposable de votre entreprise. De même, une charge qui profite directement à un tiers à l’entreprise, sans aucun rapport avec l’exploitation, ne sera pas déductible des résultats imposables de l’entreprise. Il sera également possible pour l’administration de refuser la déduction d’une charge, du moins en partie, si elle estime qu’elle est d’un montant excessif non justifié.
Mais, parfois… Il arrive que, quand bien même une dépense réponde à toutes les conditions précitées, elle ne soit pas admise en déduction du résultat fiscal : pourquoi et quelles dépenses sont concernées ?
Déduction fiscale des charges : des interdictions précises…
Des exceptions à connaître. Il existe une catégorie de dépenses qui n’est pas admise en déduction du résultat imposable : il s’agit des dépenses dites « somptuaires », dont la déduction fiscale est interdite, sauf dans des cas particuliers…
Les dépenses « somptuaires ». Sont expressément exclues des charges déductibles, pour le calcul de l’impôt sur les bénéfices :
- les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche ;
- les charges résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ;
- les dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur, ainsi que de leur entretien ;
- une fraction de l’amortissement des véhicules de tourisme dépassant un certain seuil calculé en fonction des émissions de Co2.
Focus sur les amortissements des véhicules de tourisme. La fraction d’amortissement non déductible dépendra des émissions de CO2 du véhicule avec un barème différencié selon la méthode d’immatriculation.
Pour les véhicules immatriculés via la norme WLTP (ceux immatriculés après le 1er mars 2020) la fraction des amortissements non déductible est celle dépassant :
- 30 000 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont inférieures à 20 grammes par kilomètre ;
- 20 300 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont supérieures ou égales à 20 grammes et inférieures à 50 grammes par kilomètre ;
- 18 300 euros pour ceux dont le taux d'émission de CO2 est supérieur ou égal à 50 grammes et inférieur ou égal à 165 grammes par kilomètre ;
- 9 900 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à 165 grammes pour ceux acquis avant le 1er janvier 2021 et à 160 grammes pour ceux acquis à compter de cette date.
Pour les véhicules n’étant pas immatriculés via la méthode WLTP,la fraction non déductible est celle dépassant :
- 30 000 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont inférieures à 20 grammes par kilomètre ;
- 20 300 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont supérieures ou égales à 20 grammes et inférieures à 60 grammes par kilomètre ;
- 18 300 euros pour ceux dont le taux d'émission de CO2 est supérieur ou égal à 60 grammes et inférieur ou égal à 165 grammes par kilomètre ;
- 9 900 € si leurs émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à :
- ○140 grammes par kilomètre, pour ceux acquis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 ;
- ○135 grammes par kilomètre, pour ceux acquis entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020 ;
- ○165 grammes pour ceux acquis avant le 1er janvier 2021 et à 130 grammes pour ceux acquis à compter de cette date.
A noter.En cas d'opérations de crédit-bail ou de locations de longue durée, la part du loyer supportée par l’entreprise et correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition excédant les plafonds ci-dessus rappelés n’est pas déductible.
A noter. Ces dépenses sont exclues des charges déductibles quelle que soit la forme sous laquelle elles sont supportées par l'entreprise : prise en charge directe, allocation forfaitaire, remboursement de frais.
Exemple.Les véhicules de courtoisie n’échappent pas à cette non-déductibilité partielle. Il importe peu que la société soit obligée de fournir ces véhicules en vertu de contrats avec les compagnies d’assurances, dès lors que ceux-ci n’imposent pas l’achat d’un véhicule à un prix supérieur aux seuils.
Déduction fiscale des charges : des exceptions admises…
Des exceptions aux exceptions. Les frais et charges qui présentent un caractère somptuaire pourront, malgré tout, être déduits du résultat imposable de l’entreprise, en cas de justification. Que faut-il entendre par-là ?
Sous conditions ! Comme le précise l’administration, cette exception à l’exception ne permet pas la déduction des frais et charges concernés sous le seul motif que leur engagement serait consenti dans l'intérêt de l'entreprise. En réalité, les frais et charges de caractère somptuaire ne peuvent être admis en déduction que s'il est justifié qu'ils sont nécessaires à l'activité de l'entreprise en raison même de son objet.
Concrètement. En pratique, cette justification sera prise en compte si votre entreprise a précisément pour objet (exclusif ou non) la vente, la location ou toute autre forme d'exploitation lucrative des biens concernés par ces dépenses dites somptuaires.
D’autres exceptions ? Il est expressément admis que certaines charges, pourtant dites « somptuaires », soient admises en déduction. Il en sera ainsi :
- des charges liées à l’achat, la location ou l'entretien des demeures historiques classées ou inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (lorsqu'elles sont exposées pour les besoins de l'exploitation : usage de bureaux, accueil de clients, séminaires...) ;
- des charges liées à l’achat, la location ou l'entretien des résidences servant d'adresse ou de siège social pour l’entreprise, ou des résidences faisant partie intégrante d'un établissement de production et servant à l'accueil de la clientèle (pour ces dernières, l’administration considère que sont visés les établissements industriels, ateliers de fabrication et exploitations agricoles) ;
- des dépenses relatives aux résidences de plaisance ou d'agrément, à la navigation de plaisance et à la pêche lorsqu'elles ont un caractère social, c'est-à-dire lorsqu'elles sont exposées dans le cadre de services sociaux et en faveur de l'ensemble du personnel de l'entreprise (propriété affectée à une colonie de vacances par exemple).
A retenir
Les charges dites « somptuaires » ne sont pas déductibles, au plan fiscal : sont concernées les dépenses liées à l’exercice de la chasse, à l’exercice non professionnel de la pêche, les dépenses liées aux résidences de plaisance ou d'agrément, les dépenses liées aux yachts et autres bateaux à moteur, l’amortissement excédentaire des voitures particulières.
- Article 39-4 du Code Général des Impôts
- BOFiP-Impôts-BOI-BIC-CHG-30
- Arrêt du Conseil d’Etat du 20 novembre 2013, n° 338170 (location d’un voilier pour l’organisation de réceptions)
- Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 20 janvier 2015, n° 13MA02150 (zodiac = utilitaire et pas bateau)
- Décret n°2020-169 du 27 février 2020 fixant la date à compter de laquelle les émissions de dioxyde de carbone utilisées pour les besoins de la fiscalité des véhicules de tourisme seront déterminées selon la procédure d’essai mondiale harmonisée –WLTP- pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers
- Arrêt de la Cour Administrative de Nantes du 16 janvier 2021, n° 20NT02331 (véhicule de courtoisie et amortissements)