Comment déduire vos investissements ?
Votre investissement est-il « amortissable » ?
Investir… Investir dans du nouveau matériel, de nouveaux outils de production, dans des locaux d’exploitation, des véhicules, etc., suppose d’investir dans des biens qui sont destinés à rester durablement dans l’entreprise : elle va les utiliser comme moyens de production pendant une période plus ou moins longue. C’est ce qui distingue un bien « immobilisé », qui aura pour effet d’augmenter la valeur de l’entreprise, d’une charge d’exploitation qui, elle, est consommée immédiatement. Si cette charge est engagée dans l’intérêt de l’entreprise, elle sera admise en déduction du résultat imposable de l’exercice en cours. Inversement, un investissement, lui, ne sera pas immédiatement déductible des résultats imposables de l’entreprise, mais le sera de manière échelonnée dans le temps, via la constatation d’un amortissement. Encore faut-il qu’il soit amortissable…
… dans des biens « amortissables ». Ce que l’on appelle « éléments amortissables » correspond aux biens inscrits à l'actif de l'entreprise et dont l'usage attendu par elle est limité dans le temps. Cet usage limité dans le temps peut trouver son origine dans :
- une limitation physique : il s’agit, tout simplement, de l’usure du bien lié à l'usage qu'en fait l'entreprise ou à l'écoulement du temps ;
- une limitation technique : votre bien subit une obsolescence liée aux évolutions techniques (obligation de mise en conformité à de nouvelles normes par exemple) ;
- une limitation juridique : la période de protection juridique, légale, réglementaire ou contractuelle, du bien est limitée dans le temps.
Concrètement. 2 critères sont donc importants ici : une inscription du bien à l’actif et un usage limité dans le temps. Voilà pourquoi la plupart des investissements dits « corporels » sont amortissables : on pense, ici, aux matériels, outillages, constructions, véhicules, matériel informatique, etc. S’agissant des investissements dits « incorporels », ils ne se déprécient pas du fait de l'usage ou du temps et ne peuvent pas, par conséquent, donner lieu à amortissement, sauf s’il est prévisible que l’avantage que l’entreprise peut en retirer prendra fin à un moment déterminé (ce qui peut être le cas d’une marque ou d’un brevet par exemple).
À contrario. Il n’est donc pas question d’amortir des biens qui n’appartiennent pas à l’entreprise, comme les biens pris en location par exemple, ou des biens qui ne sont pas « immobilisés », comme les stocks par exemple.
À contrario (bis). De même, certains biens ou éléments sont expressément « non amortissables », parce qu’ils sont considérés comme ne se dépréciant pas avec le temps, comme les terrains, les fonds de commerce, le droit au bail, etc...
Une tolérance. Il est possible d'amortir comptablement les fonds commerciaux ayant une durée d'utilisation limitée et les fonds de commerce acquis par les petites entreprises. Toutefois, les amortissements ainsi comptabilisés ne sont pas fiscalement déductibles du résultat imposable de l'entreprise. Par dérogation, pour les fonds acquis (dans le cadre d’une opération de vente, d’apport, de fusion, etc.) entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, cet amortissement comptable sera, sous conditions, admis en déduction du résultat imposable de l'entreprise. Cette tolérance s’applique aussi à la fraction résiduelle des fonds acquis par les entreprises artisanales.
Le saviez-vous ?
Par mesure de simplification l’administration admet que les biens de faible valeur, c’est-à-dire d’une valeur unitaire n’excédant pas 500 € HT, soient immédiatement déductibles : sont visés les matériels et outillages, les matériels et mobiliers de bureau (destinés au renouvellement courant du mobilier installé) et les logiciels.
Votre amortissement est-il déductible ?
Déduire vos amortissements… Un investissement amortissable se déprécie avec le temps, cette dépréciation étant irréversible : l’amortissement sera la traduction comptable de cette dépréciation, amortissement qui sera, sauf exceptions prévues par la Loi, déductible des résultats imposables de l’entreprise, dès lors qu’il est régulièrement comptabilisé.
… sauf dans certains cas. Le cas le plus fréquent d’amortissement non déductible concerne les voitures particulières : vous ne pourrez pas déduire l’amortissement correspondant à la fraction du prix de revient du véhicule qui excède 30.000 € (véhicules dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur à 20 g/km), 20 300 € (véhicules dont le taux d’émission est compris entre 21 et 60 g/km) 18 300 € (véhicules dont le taux d’émission est compris entre 61 et 130 g/km)ou 9 900 € (lorsque ces véhicules ont un taux d'émission de dioxyde de carbone supérieur à 130 grammes par kilomètre). De la même manière, les amortissements des biens qualifiés de somptuaires (comme les résidences d’agrément, les bateaux, le matériel de chasse, etc.) ne sont pas déductibles.
Un nouveau dispositif d’immatriculation… Depuis le 1er mars 2020, une nouvelle procédure d’immatriculation des véhicules s'applique en France. Elle aboutit à la mise en place d’un certificat de conformité électronique dont le but principal est d’assurer que le niveau d’émission de CO² des véhicules est conforme aux nouveaux niveaux d’émissions imposés au niveau européen.
…qui a un impact sur le plafond de déduction applicable… Pour les véhicules relevant du nouveau dispositif d’immatriculation, le plafond de déductibilité est fixé à :
- 30 000 € pour les voitures dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures à 20 g/km ;
- 20 300 € pour les voitures dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures ou égales à 20 g/km et inférieures à 50 g/km ;
- 18 300 € pour les voitures dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures ou égales à 50 g/km et inférieures à :
- 165 g/km pour les voitures achetées avant le 1er janvier 2021 ;
- 160 g/km pour les voitures achetées à partir du 1er janvier 2021 ;
- 9 900 € pour les voitures dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à :
- 165 g/km pour les voitures achetées avant le 1er janvier 2021 ;
- 160 g/km pour les voitures achetées à partir du 1er janvier 2021.
…ou pas. Pour les véhicules ne relevant pas du nouveau dispositif d’immatriculation, le plafond de déductibilité est inchangé.
Le saviez-vous ?
Dans une entreprise relevant de l’impôt sur le revenu (entreprise individuelle ou société soumise à l'IR comme une SNC par exemple), vous pouvez inscrire à l’actif des biens même s’ils ne sont pas utilisés pour les besoins de l’activité ; mais vous ne pouvez pas déduire l'amortissement correspondant aux biens non utilisés pour votre activité.
Des conditions à respecter. Pour que l’amortissement soit déductible, la règlementation impose :
- qu’il se rapporte à un bien effectivement soumis à dépréciation ;
- que son montant total n’excède pas le prix de revient ;
- qu’il soit calculé d'après un taux tenant compte de la durée normale d'utilisation du bien à amortir ;
- qu’il soit régulièrement inscrit en comptabilité ; seuls les amortissements « réellement effectués par l'entreprise », c'est-à-dire ceux qui sont effectivement passés dans les écritures comptables, sont déductibles pour la détermination du bénéfice imposable.
Pour la petite histoire. Il a été jugé que des amortissements non comptabilisés pendant 4 ans à la suite du dysfonctionnement du logiciel comptable d’une société n’étaient pas « rattrapables » et étaient donc définitivement perdus.
Attention. Il convient, à ce sujet, d’attirer votre attention sur une des conséquences possibles d’un dépôt tardif de vos déclarations de résultat : si, pour qu’un amortissement soit déductible, il faut qu’il soit régulièrement comptabilisé, cela suppose, à tout le moins, que cette comptabilisation soit effective au plus tard à l’expiration du délai de déclaration. Un dépôt en retard de la déclaration de résultat pourrait amener l’administration à considérer que l’obligation de comptabilisation régulière de l’amortissement n’est pas respectée, sauf si l’entreprise est capable de prouver que l’amortissement a été effectivement comptabilisé avant la date limite de dépôt de la déclaration. Conséquence : l’entreprise pourrait perdre le droit de déduire la fraction de l’amortissement qui aurait été irrégulièrement différée.
Le saviez-vous ?
Il a été jugé que des tableaux d’amortissement édités informatiquement, dépourvus de date certaine, ne constituent pas un élément de preuve de la comptabilisation effective des amortissements avant l’expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration annuelle de résultats.
Attention (bis). Il peut arriver qu’un investissement soit inscrit à tort en charges d’exploitation. Si l’administration rectifie cette situation, faut-il considérer que l’amortissement qui aurait dû être comptabilisé, depuis l’acquisition du bien est perdu ? Non : sauf cas manifestement abusif, l’administration admet qu’un amortissement exceptionnel, à titre de rattrapage, soit déductible, ce qui nécessitera tout de même, au préalable, d’inscrire ce bien à l’actif du bilan de l’entreprise.
A retenir
Retenez que la plupart des investissements corporels (matériel, outillage, bâtiment, mobilier, véhicules, etc.), inscrits à l’actif du bilan de l’entreprise, sont amortissables, parce qu’ils se déprécient avec le temps, même si la déduction de l’amortissement peut être limitée ou interdite expressément par la règlementation (c’est le cas pour les voitures particulières par exemple). Les investissements incorporels, parce qu’ils ne se déprécient pas avec le temps ne sont pas amortissables, sauf si l’avantage qu’ils procurent est effectivement limité dans le temps.
- Article 39 du Code général des impôts
- Article 15 de l’annexe II du Code général des impôts
- Article 322 du Plan Comptable Général
- BOFiP-BOI-BIC-AMT-10
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 1er avril 2010, n° 09DA00288 (comptabilisation effective des amortissements avant l’expiration du délai de déclaration)
- Arrêt du Conseil d’État du 9 avril 2014, n°358278 (impossibilité d’amortir des stocks)
- Arrêt du Conseil d’État du 8 novembre 2017, n°395407 (amortissement possible pour des travaux réalisés dans un local appartenant à autrui)
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 22 février 2018, n°17NC00780 (amortissement usufruit viager et location meublée)
- Loi de finances pour 2020 du 28 décembre 2019, n°2019-1479 (article 69)
- Décret n°2020-169 du 27 février 2020 fixant la date à compter de laquelle les émissions de dioxyde de carbone utilisées pour les besoins de la fiscalité des véhicules de tourisme seront déterminées selon la procédure d’essai mondiale harmonisée –WLTP- pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers
- Arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 15 avril 2021, n°19NT04977 (dysfonctionnement du logiciel comptable et amortissements non comptabilisés pendant 4 ans)
- Loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, n°2021-1900 (article 23)
- Loi de finances rectificative du 16 août 2022, n° 2022-1157 (article 7)