Entreprise du bâtiment : gérer le temps de travail et de trajet de vos équipes
Temps de travail, temps de trajet : une distinction à connaître
Une distinction essentielle. Par définition, le temps de travail effectif est le temps qui fait l’objet d’une rémunération en contrepartie du travail effectué par le collaborateur. Le temps de trajet, lui, n’est, par principe, pas rémunéré. Voilà l’une des raisons pour lesquelles cette distinction temps de travail / temps de trajet est essentielle.
Temps de travail. La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. C’est à partir de cette définition que de nombreuses situations vont être réglées comme le temps d’habillage/déshabillage, les temps de pause ou encore le temps de trajet. Le temps de travail effectif est donc lié à la notion de subordination : il s’agira généralement du temps de travail « productif », du temps de travail inclus dans les horaires de travail prévus.
Temps de trajet. Le temps de trajet correspond au temps passé pour se rendre sur son lieu de travail depuis son domicile. Il ne faut donc pas le confondre avec le temps de conduite qui correspond à du temps de travail effectif. Il s’agit là du temps passé à conduire pour effectuer la prestation de travail (chauffeurs, transporteurs, ambulanciers…).
Une définition précise. Par principe, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.
Dans le secteur du bâtiment. Dans le bâtiment, le temps de trajet n’est pas non plus considéré comme un temps de travail effectif. La Convention collective nationale des ouvriers du bâtiment a toutefois prévu des indemnités de petits déplacements : l’indemnité de repas, l’indemnité de frais de transport et l’indemnité de trajet.
Une indemnité de trajet. L’indemnité de trajet a pour but de compenser l’amplitude que représente la nécessité de se rendre sur le chantier et d’en revenir.
Quel montant ? Les ouvriers vont donc percevoir une indemnité de trajet dont le montant va varier en fonction de la distance séparant le siège social (ou domicile du salarié) du lieu de chantier. Les distances sont scindées en cinq zones circulaires concentriques autour du siège social, de 10 km chacune (distance mesurée au moyen d’un site internet reconnu de calcul d’itinéraire) : zone 1 = de 0 à 10 km ; zone 2 = de 10 à 20 km, etc.). Cette indemnité est forfaitaire (le montant vaut pour un aller-retour) et journalière.
=> Consultez le barème des indemnités forfaitaires de petits déplacements
Une indemnité de frais de transport. Les ouvriers vont également percevoir une indemnité de transport dont le montant (forfaitaire) journalier a pour but d’indemniser les frais d’un voyage aller et retour du point de départ des petits déplacements au milieu de la zone concentrique dans laquelle se situe le chantier.
Des indemnités systématiques ? L’indemnité de trajet n’est pas due lorsque l’ouvrier est logé gratuitement par l’entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier ou lorsque le temps de trajet est rémunéré en temps de travail. L’indemnité de transport n’est pas due lorsque l’ouvrier n’engage pas de frais de transport, notamment lorsque l’entreprise assure gratuitement le transport des ouvriers ou rembourse les titres de transport.
Le saviez-vous ?
Lorsque les ouvriers utilisent leur véhicule personnel, ils pourront cumuler cette indemnité de trajet à l’indemnité de transport qui sera elle aussi fonction des zones circulaires concentriques.
Temps de travail, temps de trajet : cas pratique
Un principe clair. Les règles de principe sont plutôt claires. Cependant, dans le secteur du bâtiment, le temps de trajet peut devenir du temps de travail effectif, en fonction des situations. Cette problématique est à l’origine de nombreux contentieux.
Une application plus délicate. Voici un panorama des situations les plus fréquemment rencontrées afin d’identifier les cas où le trajet sera juridiquement traité comme un temps de travail effectif.
Situation pratique n° 1. Le salarié part de son domicile et se rend directement sur le chantier.
Dans ce cas… Le temps de trajet n’est pas considéré comme un temps de travail effectif.
Conséquence. L’employeur sera tenu de lui verser l’indemnité de trajet (en fonction de la zone concentrique) et l’indemnité de transport (en fonction de la zone concentrique) s’il utilise son véhicule personnel.
Situation pratique n° 2 : Le salarié est obligé de passer par l’entreprise avant de se rendre sur le chantier.
Dans ce cas… Le temps de trajet du domicile au siège de l’entreprise ne constitue pas un temps de travail mais bien un temps de trajet. Mais le trajet de l’entreprise au chantier est considéré comme du temps de travail effectif.
Conséquence. L’employeur est tenu de rémunérer le salarié dès son arrivée à l’entreprise et ce jusqu’au retour du salarié à l’entreprise le soir. Il sera également tenu de verser l’indemnité de trajet et l’indemnité de transport si le salarié un autre mode de transport que le véhicule de l’entreprise. Il peut y avoir application d’heures supplémentaires majorées. Il ne percevra, cependant, pas d’indemnité de trajet puisqu’il sera déjà rémunéré pour son « temps de travail ».
Attention. L’obligation de passer par l’entreprise doit être non-équivoque, ce qui implique notamment : chargement du matériel qui l’impose, utilisation des véhicules de l’entreprise obligatoire (ce qui ne donnera pas lieu au versement de l’indemnité de transport) et point de ramassage collectif ou de dépôt des véhicules au siège obligatoire.
Le saviez-vous ?
Beaucoup d’entreprises du bâtiment pensent pouvoir échapper au versement des indemnités de trajet car elles payent les heures relatives aux temps de trajet. Cependant, ces indemnités sont dues et peuvent donc faire l’objet d’un rappel de salaire dans la limite de 3 ans (délai de prescription en matière de salaire).
Situation pratique n° 3 : Le salarié a le choix de passer ou non par l’entreprise avant de se rendre sur le chantier.
Dans ce cas… Le trajet ne constitue pas un temps de travail effectif.
Conséquence. L’employeur sera tenu de verser l’indemnité de trajet et l’indemnité de transport s’il utilise son véhicule personnel.
Attention au « temps de conduite » !
Un principe. Le temps de conduite sera toujours considéré comme un temps de travail effectif. Le salarié conducteur, pendant ses horaires de travail, ne devra subir aucune perte de salaire. Il sera considéré à la disposition de son employeur durant ce temps de conduite.
Dans le secteur du bâtiment. Dans le bâtiment et notamment dans le cadre d’un grand déplacement, les heures passées à se rendre sur le lieu du grand déplacement seront rémunérées comme du temps de travail et pourront ouvrir droit aux majorations pour heures supplémentaires (le lieu de travail sera considéré comme inhabituel et impliquera un trajet anormalement long).
Et pour le passager ? Le passager, quant à lui, bénéficiera d’une contrepartie spécifique, dans le secteur du bâtiment : il percevra, pour chaque heure de trajet non comprise dans son horaire de travail, une indemnité égale à 50 % de son salaire horaire.
A retenir
Quelle que soit la situation, dès lors que vos ouvriers sont affectés sur des chantiers et sont itinérants, vous devrez leur verser les indemnités de trajet qui s’imposent. Il vous faudra ensuite identifier la situation dans laquelle votre organisation se trouve.
Le cas échéant, il faudra prévoir une note de service claire et non-équivoque à afficher dans l’entreprise (notamment si vous laissez librement les salariés passer par le dépôt ou non ou au contraire si le passage par le dépôt est obligatoire).
J'ai entendu dire
Les ETAM et les cadres du bâtiment ont-ils eux aussi droit aux indemnités de petits déplacements ?Les indemnités de petits déplacements ne sont prévues que par la convention collective des ouvriers du bâtiment. Cependant, rien ne s’oppose au versement de ces mêmes indemnités aux ETAM ou cadres du bâtiment, pourvu que ceux-ci soient bien en situation d’itinérance (conducteur de travaux par exemple).
Le point de départ du calcul de la zone circulaire concentrique est-il le siège social de l’entreprise ou le domicile du salarié ?
Depuis le 1er janvier 2012, vous bénéficiez d’un droit d’option. Vous pouvez au choix retenir le siège social ou le domicile du salarié. Pour des raisons pratiques, les entreprises utilisent généralement la même option pour l’ensemble du personnel, mais vous pouvez choisir l’un ou l’autre de ces points de départ.
- Article L 3121-1 du Code du Travail (temps de travail effectif)
- Article L 3121-4 du Code du Travail (temps de trajet)
- Convention Collective Nationale des Ouvriers du Bâtiment (jusqu’à dix salariés)
- Convention Collective Nationale des Ouvriers du Bâtiment (plus de dix salariés)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 6 mai 1998, n° 94-40496 (indemnité de trajet due indépendamment du salaire)
- Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 20 décembre 2017, n° 16-22388 (indemnité de trajet due indépendamment du moyen de transport utilisé et de la rémunération du temps de trajet)