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Gérer les manifestations religieuses en entreprise

Date de mise à jour : 21/11/2022 Date de vérification le : 21/11/2022 8 minutes

Dans la conjoncture actuelle, la question de la religion s’est invitée au niveau des entreprises et vous pouvez y être confronté. Votre rôle de chef d’entreprise peut vous obliger à prendre position à propos des manifestations des religions de vos collaborateurs. Comment gérer ce sujet ? Comment fixer des limites dans le respect de chacun ?

Rédigé par l'équipe WebLex.
Gérer les manifestations religieuses en entreprise


La liberté reste la règle… dans les limites du bon fonctionnement de l’entreprise

Liberté de religion. En France, la liberté de religion permet à chacun de choisir de croire ou non en une religion, mais également de choisir de pratiquer ou non le culte de cette religion. Cette liberté est absolue et ne peut être restreinte ni par une Loi ni par un règlement quelconque.

La laïcité républicaine... La République française est laïque ce qui implique que l’Etat soit neutre. Ainsi, les agents du service public, l’Etat et les entreprises de service public sont tenus au principe de laïcité et de neutralité. Mais les entreprises privées ne sont pas obligatoirement tenues à appliquer un principe de neutralité.

Non-discrimination. La différence de traitement, en raison de la religion, est une discrimination fortement prohibée par la Loi. Cependant, elle peut être justifiée dans les entreprises de tendance dotée d’une orientation idéologique marquée (églises, écoles religieuses, syndicats, partis politiques…).

Manifester sa religion ? Au niveau de l’entreprise, il est nécessaire de faire une distinction entre la liberté de croire et la liberté de manifester sa religion. Vous ne pouvez pas empêcher ou interdire à vos collaborateurs de croire. Cependant, il est possible de limiter la liberté de manifester sa religion au sein de l’établissement et pendant l’exécution du travail. Sachez qu’en aucun cas vous n’avez l’obligation de limiter l’expression des convictions religieuses de vos collaborateurs.


Instaurer la neutralité dans l’entreprise

Un principe de neutralité… Vous pouvez, en tant qu’employeur, introduire une clause relative au principe de neutralité dans le règlement intérieur de l’entreprise. Ce principe permet de limiter l’expression des convictions personnelles (religieuses notamment) de vos collaborateurs.

… à justifier ! Parce que la liberté reste la règle, la neutralité ne peut être appliquée que si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir, par les nécessités tirées du bon fonctionnement de l’entreprise ou par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux. La neutralité doit être une réponse proportionnée au but recherché.

Exemples. Le principe de neutralité a été justifié par la nécessité liée à l’activité de l’entreprise dans laquelle les salariés étaient en contact permanent avec de jeunes enfants. Le principe a également été justifié lorsqu’une pratique religieuse individuelle ou collective porte atteinte au respect des libertés et droits de chacun (cas de prosélytisme, comportement qui exerce une pression sur les autres salariés, comportements sexistes, atteinte à la dignité et au respect de la personne humaine...).

Caractéristiques d’une clause de neutralité valable. La Cour de Justice de l’Union Européenne considère qu’une clause du règlement intérieur d’une société de services d’accueil et de réception de clients peut interdire aux travailleurs de porter sur le lieu de travail « des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ». Une telle clause n’est pas forcément discriminatoire :

  • du fait de sa portée générale (tous les travailleurs sont soumis à une neutralité vestimentaire) ;
  • tant qu’elle ne désavantage pas particulièrement les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données ;
  • tant qu’elle est justifiée par un objectif légitime (telle que la poursuite d’une politique de neutralité religieuse, philosophique et politique dans les relations de l’employeur avec sa clientèle) ;
  • tant que les moyens de réaliser cet objectif sont à la fois appropriés et nécessaires.

Le saviez-vous ?

Par principe, seul le règlement intérieur peut apporter ces restrictions. Mais elles peuvent aussi être précisées par une note de service soumise aux mêmes règles que le règlement intérieur. En revanche, une charte d’éthique qui consacrerait ce principe de neutralité ne pourrait pas avoir une force obligatoire : en conséquence, aucune sanction ne pourrait être prononcée en cas de violation d’une telle charte.

Consultation des représentants du personnel ? L’employeur doit obligatoirement soumettre le règlement intérieur à l’avis du Comité social et économique (CSE). Le sujet pouvant être sensible au sein de l’entreprise et avec certains collaborateurs, le dialogue et la concertation peuvent être des solutions afin que chacun puisse s’approprier le règlement intérieur et ainsi garantir son respect.

Quels impacts ? La clause de neutralité peut interdire le port de signes religieux (couvre-chef, pendentif etc.). Mais attention, cette interdiction doit obligatoirement être justifiée par un motif suffisant (la santé et la sécurité des travailleurs, le port obligatoire d’une tenue de travail spécifique, des mesures d’hygiènes…).

Précisions. Les juges considèrent que l’obligation de neutralité imposée par un règlement intérieur ne peut être appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec la clientèle. Tout licenciement prononcé en l’absence d’une telle clause est discriminatoire.

Exemple. Le licenciement d’une salariée motivé par son refus de retirer son foulard a été jugé discriminatoire, et donc nul, l’entreprise justifiant cette différence de traitement uniquement sur le terrain de l’image commerciale de l’entreprise, et alors même qu’aucune disposition interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’étant prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service.


La religion en entreprise : questions pratiques

Questions d’employeurs… La question de la religion peut s’ingérer dans toutes les phases de la relation de travail, de l’embauche à l’exécution du travail.

Attention à la discrimination à l’embauche ! Toute question relative à l’appartenance religieuse ou à certains critères religieux au sein d’une annonce d’emploi est discriminatoire. Il en va de même des questions relatives à l’appartenance religieuse ou à la pratique religieuse lors de l’entretien d’embauche. Vous ne pouvez pas subordonner un recrutement à l’appartenance ou non à une religion.

Comportement d’un salarié. Un salarié qui refuserait, en raison de sa religion, d’exécuter une partie de son travail ou de se rendre à une visite médicale commettrait une faute que vous pourrez sanctionner.

Demande d’un client. Dans une affaire récente, une entreprise a sanctionné une salariée car elle refusait de se plier au souhait d’un client de ne plus recevoir de services assurés par une salariée portant le voile islamique. Il a été jugé que le licenciement n’est pas valable car il repose sur la seule volonté subjective de l’employeur de respecter le souhait de son client, ce qui constitue ici une discrimination.

Le saviez-vous ?

Si un salarié en contact avec la clientèle refuse de respecter une clause qui figurerait dans votre règlement intérieur interdisant ou le port de « signes visibles de convictions politiques, philosophiques ou religieuses, ou d’accomplir tout rite qui en découle », il commet une faute. Néanmoins, la sanction que vous appliquerez doit toujours être proportionnée aux faits reprochés. Aussi, prenez soin de vérifier qu’un licenciement serait une réponse adaptée à ce type de comportement (ou peut-être est-il possible d’occuper le salarié à un emploi n’impliquant pas de contact avec la clientèle ?).

Une question de sécurité ? En l’absence de clause de neutralité l’interdisant, l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier une restriction au port de signe religieux ou politique. Toutefois, l’employeur doit justifier de l’existence des risques liés à ce port. A défaut, toute décision prise en raison du port d’un signe religieux serait discriminatoire (et donc nulle).

Absences et fêtes religieuses. L’absence non autorisée d’un salarié constitue toujours une faute, peu importe que cette absence soit motivée par la célébration d’une fête religieuse. En revanche, rien ne vous interdit d’accéder à la demande de congé d’un salarié qui souhaite s’absenter pour ce motif. Notez toutefois que ce dernier n’est jamais tenu de vous communiquer la raison de sa demande de congé.

Aménager un lieu de culte. Si certains de vos salariés souhaitent avoir accès à une salle de prière, vous pouvez accéder à leur demande. Attention toutefois à garantir le même droit à tous les cultes. En revanche, un salarié qui occuperait une salle de travail ou de réunion pour prier lors de son temps de travail, sans votre autorisation, pourra être sanctionné.

Installer des objets religieux. Les salariés peuvent être autorisés à installer des objets personnels dans leur espace de travail. En revanche, ces objets ne doivent pas causer un trouble objectif dans l’entreprise (ce qui pourrait être le cas dans les espaces de travail partagés, ou de bureaux accessibles à la clientèle, par exemple).

Organiser le noël de l’entreprise… Noël est initialement une fête religieuse. Lorsque vous organisez un Noël de l’entreprise (ou une fête de l’Aïd par exemple), veillez à y convier tous vos salariés, y compris ceux qui ne partagent pas cette religion.

A retenir

Le principe de neutralité n’est pas obligatoire dans les entreprises privées. Mais si vous décidez de le mettre en place par le biais du règlement intérieur de l’entreprise, veillez à ce que la neutralité soit une réponse proportionnée au but recherché et une réponse justifiée par la nature de la tâche à accomplir.

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Sources
  • Constitution Française du 4 octobre 1958, article 1er
  • Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
  • Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi
  • Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, article 2 (règlement intérieur et neutralité)
  • Article L 1121-1 du Code du travail (atteinte aux libertés individuelles)
  • Article L 1142-2-1 du Code du travail (prohibition des agissements sexistes)
  • Article L 1321-2-1 du Code du travail (principe de neutralité)
  • Article L 1321-3 du Code du travail (contenu du règlement intérieur)
  • Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, du 14 mars 2017, n° 157/15 (validité du principe de neutralité inséré dans le règlement intérieur)
  • Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne, du 14 mars 2017, n° 188/15 (discrimination liée à un souhait d’un client)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 22 novembre 2017, n° 13-19855 (licenciement discriminatoire en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur)
  • Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 8 juillet 2020, n° 18-23743 (licenciement discriminatoire en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur)
  • Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale, du 14 avril 2021, n° 19-24079 (licenciement discriminatoire en l’absence de clause de neutralité et image commerciale de l’entreprise)
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